L’appel à projets permet à la personne publique de « mettre en avant un certain nombre d’objectifs lui paraissant présenter un intérêt particulier. Il s’agit de définir un cadre général, une thématique. Les associations sont invitées à présenter des projets s’inscrivant dans ce cadre. Mais ce sont bien elles qui prennent l’initiative de ces projets et en définissent le contenu. Dans le cadre des appels à projets, la collectivité publique a identifié une problématique mais n’a pas défini la solution attendue »[1]Abrogée par la circulaire du Premier ministre n°5811/SG du 29 septembre 2015.
Cette notion est ancienne mais n’a jamais fait l’objet d’une définition juridique précise. Elle a été évoquée dans une circulaire du Premier ministre en date du 18 janvier 2010 aujourd’hui abrogée, relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations qui en a précisé les contours. La jurisprudence administrative reconnaît également cette notion et le juge administratif a eu notamment l’occasion d’en donner une définition dans un jugement en date du 6 mai 2010 qui a jugé, reprenant en cela la définition de la circulaire, qu’un appel à projets avait pour objet de « définir non des actions mais seulement des objectifs ou un cadre général qui pourrait être qualifié de simple « appels à projets ». (TA Limoges, 6 mai 2010, Aformac et autres, req. n°0900512).
Ainsi, l’appel à projets vise bien à sélectionner le bénéficiaire d’une subvention qui propose ses propres actions, au terme d’une compétition, sans pour autant que la personne publique ne définisse le besoin à satisfaire. L’appel à projets n’entre donc pas en principe dans le champ de la commande publique.
Il est toutefois important de relever que la frontière est fragile et que sans une véritable analyse juridique, l’utilisation de la technique de l’appel à projets présente un risque de requalification en contrat de la commande publique, notamment dans l’hypothèse où le dossier de l’appel à projets contiendrait un véritable cahier des charges propre à faire regarder le contrat ou l’acte envisagé comme relevant de la commande publique.
En effet, les contrats de commande publique sont définis par l’article L.2 du code de la commande publique comme :
« Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques.
Les contrats de la commande publique sont les marchés publics et les concessions définis au livre Ier de la première partie, quelle que soit leur dénomination. Ils sont régis par le présent code et, le cas échéant, par des dispositions particulières ».
Au regard de cette définition, les personnes publiques doivent s’assurer d’une part, que l’initiative du projet est bien privée et qu’en conséquence, ce projet ne répond pas à un besoin qu’elle aurait exprimé et auquel elle voudrait que l’opérateur réponde (1) et, d’autre part que l’association lauréate de l’appel à projets ne réalise pas son projet en contrepartie soit d’un prix ou de tout équivalent soit d’un droit d’exploitation (2).
- La nécessité d’une initiative associative et d’une absence de besoin exprimé par la personne publique
Lors de la publication d’un appel à projets, la personne publique cherche à solliciter l’initiative d’un opérateur privé.
Il est en conséquence nécessaire que cette sollicitation de l’initiative privée ne traduise pas l’expression d’un besoin précis de la personne publique ou une volonté de se voir fournir une prestation en contrepartie d’un prix ou du droit d’exploitation.
En effet, cela traduirait l’expression d’un besoin par la personne publique or l’appel à projets ne doit absolument pas avoir un tel objet. Ainsi, s’il ne doit pas être étranger à l’intérêt général, au risque de caractériser un détournement de pouvoir, il ne peut pas non plus traduire un besoin public.
De ce fait, il est impératif que l’appel à projet ne définisse pas d’actions précises correspondant à un besoin de la personne publique.
- L’absence de contrepartie
La requalification de l’appel à projets en contrat de la commande publique suppose également que l’opérateur économique dispose d’une contrepartie qui correspond :
- pour un marché public à un « prix ou de tout équivalent[2]Article L. 1111-1 du code de la commande publique relatif à la définition du marché public», lequel peut consister notamment au versement d’une somme d’argent, à un abandon de recette, un avantage en nature ;
- pour une concession « soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix[3]Article L. 1121-1 du code de la commande publique relatif à la définition d’une concession».
Alors qu’en matière d’appel à projets, il n’est pas prévu en principe de rémunération de l’association à l’initiative du projet mais uniquement le versement de subventions.
Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant sur l’absence de contrepartie, et ce d’autant plus que cette notion est appliquée de manière très large par la jurisprudence comme l’illustre un avis de la section administrative du Conseil d’Etat du 22 janvier 2019, CPAX1828916X, dans lequel il a considéré que dès lors qu’il n’était pas « possible de déterminer avec précision les termes de l’équilibre financier du contrat final, qui sont du reste encore inconnus à ce stade, la seule mention du modèle économique suffit pour démontrer que l’opération a un caractère onéreux et que le lauréat de l’appel à projets recevrait, dans ce montage, une contrepartie, qu’il s’agisse d’un prix ou du droit d’exploiter l’ouvrage réalisé ».
Bien que la mise en œuvre de ces critères puisse s’avérer délicate comme en témoigne la jurisprudence en la matière, ces critères devront être analysés avec soin afin d’éviter tout risque de requalification en contrat de la commande publique.
Enfin, s’agissant des conséquences d’une requalification du contrat il n’est pas inutile de préciser que le contrat sera tout d’abord entaché de nullité, mais également que la personne publique s’exposera à des poursuites pénales sur le fondement du délit de favoritisme (article 432-14 du code pénal[4]Article 432-14 du code pénal : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée … Continue reading).
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References
↑1 | Abrogée par la circulaire du Premier ministre n°5811/SG du 29 septembre 2015 |
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↑2 | Article L. 1111-1 du code de la commande publique relatif à la définition du marché public |
↑3 | Article L. 1121-1 du code de la commande publique relatif à la définition d’une concession |
↑4 | Article 432-14 du code pénal : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ». |