Le mode de fonctionnement des associations est proche de celui des sociétés et s’en rapproche de plus en plus au fil des années et des jurisprudences. Tout comme les sociétés, les associations peuvent être confrontées à des difficultés menant à la paralysie de leur fonctionnement interne. C’est à cet instant que peut intervenir un administrateur provisoire, tout comme un administrateur judiciaire pourra être nommé en société.
Il convient donc de regarder la jurisprudence des ces dernières années pour voir quelles situations peuvent amener à la désignation d’un administrateur judiciaire (1) avant de s’interroger sur comment et par qui il pourra être nommé (2), et de voir enfin qu’elle sera sa mission et sa rétribution (3).
1. Le conflit interne menant à la nomination d’un administrateur provisoire
Nous ne relèverons pas les parallèles et similitudes avec le droit des sociétés en la matière tant ceux-ci sembleront évidents à tout initié.
De manière générale, la nomination d’un administrateur provisoire doit être justifiée par un fonctionnement normal de l’association devenu impossible ou irrégulier et mettant en péril les intérêts de celle-ci.
Ainsi, la première cause menant à la nomination d’un administrateur provisoire est le conflit interne lié à une mésintelligence grave. À ce titre, la cour d’appel de Douai retient la nomination d’un administrateur provisoire si les dysfonctionnements actuels dénoncés sont tels qu’ils mettent en péril les intérêts de l’association ou l’exposent à un dommage imminent (CA Douai, 28 janv. 2015, no RG : 04/ 00395). La mésintelligence entre sociétaires peut également être relevée en cas de détournement de pouvoirs et de graves dissensions menant à la paralysie du fonctionnement normal de l’association (CA Paris, 20 mars 2014, no RG : 13/ 04666). À ce titre, il est important de noter que de simples mauvaises relations entre les membres ne suffisent pas à justifier la nomination d’un administrateur provisoire, si elles sont sans influence sur le fonctionnement de l’association (CA Paris, 25 juin 2013, no RG : 12/14248). De la même façon, la démission d’un grand nombre d’administrateurs (5 sur 14) n’empêche par la poursuite de l’association (CA Paris, 25 juin 2013, ch. 1-3, no RG : 12/14248) où la mise en examen du président sans contrôle judiciaire et, notamment sans aucune interdiction de gérer, lorsque le conseil d’administration régulièrement constitué lui a renouvelé sa confiance (CA Paris, 14e ch. B, 19 sept. 2003, no RG : 03/ 1958, Mme Lafon c/ SPA) n’est pas de nature à justifier la nomination d’un administrateur provisoire.
La seconde a trait aux irrégularités flagrantes, tant au regard de la loi que des statuts, dont l’existence est démontrée ou dont le risque imminent fait craindre pour le fonctionnement régulier du groupement. La jurisprudence a caractérisé d’irrégularités flagrantes et retenu la nomination d’un administrateur provisoire dans le cas d’un président qui bloque les institutions et dont la volonté est clairement de ne plus respecter les statuts (CA Paris, 12 sept. 2013, n° RG : 11/17670) ; d’une présidente ne pouvant justifier de la moindre décisions prise conformément aux statuts, ni de la gestion financière, ni même de la liste des membres du groupement (CA Aix-en-Provence, 19 déc. 2013, n° RG : 13/ 05909) ; en cas d’impossibilité de déterminer les instances dirigeantes de l’association en raison de fractions antagonistes se réclamant du pouvoir de prendre les décisions et ayant entraîné la fermeture préventive des comptes bancaires (CA Fort-de-France, 4 juill. 2014, n° RG : 13/ 00804) ; d’une assemblée générale s’étant achevée sans que l’ordre du jour ne soit épuisé en raison des incidents et difficultés qui ont émaillés la séance (CA Paris, 11 déc. 2013, n° RG : 12/09206) ; de la difficulté à réunir des assemblées ou à élire des instances dirigeantes (CA Douai, 16 mars 2015, n° RG :14/04718) ; pour un groupement qui n’a pas tenu d’assemblées depuis huit ans ni renouvelé son conseil d’administration (CA Reims, 8 sept. 2015, n° RG : 14/ 00774).
Nous constatons dès lors la variété des conflits pouvant mener à la nomination d’un administrateur provisoire. Mais il est important de noter que c’est toujours l’intérêt de l’association qui doit primer comme le rappelle la jurisprudence (Cass. com., 8 nov. 2011, n° 10-24.438 ; Cass. com., 17 janv. 2012, n° 10-27.562 ; Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, n° 11- 17.948, Bull. civ. III, n° 121 ; CA Paris, 5 sept. 2013, n° RG : 11/ 08180).
En outre, la notion de dommage ou péril imminent pour l’association est reprise par les juridictions pour justifier ou non la nomination de l’administrateur provisoire (CA Douai, 28 janv. 2015, n° RG : 04/00395). Le risque doit exister au jour où le juge statue sur la demande de nomination, s’il n’existe plus, il n’y aura pas besoin de procéder à la nomination (CA Colmar, 14 avr. 2014, n° RG : 13/02783).
Nous avons exposé les conditions que doit remplir la situa- tion de l’association pour justifier la nomination d’un administrateur provisoire, il convient désormais de savoir qui est comment procéder à cette nomination.
2. La nomination de l’administrateur provisoire
La Cour de cassation a jugé que peut demander la nomination d’un administrateur « toute personne justifiant y avoir un intérêt personnel au jour de sa demande » (Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 05-13.484). À ce titre, les membres de l’association ont un intérêt légitime à demander la nomination (CA Aix-en-Provence, 12 nov. 2015 n° RG : 14/17220 ; CA Douai 28 janv. 2015, n° RG : 14/04619). Mais il a été jugé qu’un membre radié de l’association ne justifie plus de cet intérêt (CA Versailles, 25 juin 2014, n° RG : 13/05501). De même les salariés de l’association peuvent demander la nomination d’un administrateur provisoire (CA Rennes, 25 avr. 2014, n° RG : 13/01172) au même titre que tout créancier de l’association.
Quant à la procédure à engager et au tribunal devant lequel l’introduire, la désignation relève de la compétence du président du tribunal de grande instance (CA Colmar, 16 avr. 2014 n° RG : 13/02783 ; CA Paris, 5 mai 2015, n° RG : 14/ 09656) par l’introduction d’une assignation délivrée par le biais d’un avocat en application de la règle de postulation devant le tribunal de grande instance. Elle est faite en référé, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile (CA Douai, 28 janv. 2015, no RG : 04/00395). À noter que toute demande de nomination effectuée dans le but de perturber en fonctionnement de l’association sera sanctionnée sur le fondement de l’abus du droit d’agir en justice (CPC, art. 32-1).
Une fois les conditions requises à la nomination d’un administrateur judiciaire remplies, le tribunal saisi et la nomination accordée par le juge, reste à connaître l’étendue de sa mission.
3. La mission de l’administrateur provisoire
La mission de l’administrateur provisoire sera déterminée par le juge. Elle dépendra de ce qui a conduit à sa nomination. Elle pourra être générale (mission de gérer l’association) ou spéciale (organisation d’une assemblée par exemple). La mission générale qui peut être confiée à l’administrateur consistera en la gérance de l’association (CA Reims, 8 sept. 2015, n° RG : 14/00774), mais il n’en recevra pas pour autant le pouvoir de représenter le groupement en justice (CA Versailles, 12 mars 2014, n° RG : 13/06939). Enfin, ajoutons que le juge ne peut pas se substituer aux organes dirigeants de l’association (CA Paris, 11 déc. 2013, n° RG : 12/ 09206).
L’administrateur provisoire peut aussi être nommé par la juge dans un but bien spécifique et il recevra alors une mission spéciale. Tel est notamment le cas quand il s’agira de vérifier la comptabilité (TGI Paris, référé, 19 févr. 2009, no RG : 09/ 51243) ou de faire établir par un expert-comptable un état des comptes de l’association de manière complète, objective et documentée (TGI Paris, référé, 11 févr. 2010, no RG : 09/58315). Nous évoquions précédemment les difficultés pouvant survenir lors d’une assemblée, à ce titre, l’administrateur provisoire peut recevoir pour mission spéciale de convoquer et/ou de surveiller une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (CA Aix en Provence, 6 juin 2013, n° RG : 12/15487 ; CA Paris, 25 juin 2013, no RG : 12/ 14248 ; CA Fort-de-France, 4 juill. 2014, n° RG : 13/00804 ; CA Reims, 8 sept. 2015, n° RG : 14/00774) ou d’organiser l’élection d’un nouveau conseil d’administration (CA Paris, 20 mars 2014, n° RG : 13/04666).
La nomination d’un administrateur provisoire doit atteindre son but, à savoir rétablir un fonctionnement régulier de l’association, ce qui explique la possibilité de modeler la mission de l’administrateur aux difficultés rencontrées. En ce sens, la cour d’appel d’Angers a accepté de nommer un nouvel administrateur provisoire alors même qu’il n’était pas démontré par les dirigeants de l’association que le premier qui avait été nommé par le juge des référés sur proposition des parties, ne remplissait pas les conditions pour mener à bien sa mission (CA Angers, ch. civ. A., 28 mai 2013 n° RG : 12/02132). De même, la cour d’appel de Paris a jugé que si la mission de l’administrateur provisoire échoue à la suite d’une obstruction systématique ou d’une inertie de la partie d’un ou plusieurs membres, aboutissant à une paralysie irrémédiable de l’association, il appartient à l’une des parties de solliciter la dissolution du groupement (CA Paris, 20 mars 2014, n° RG : 13/04666).
Il nous faut en dernier lieu aborder la rémunération de l’administrateur provisoire. Elle est déterminée par les juges.
La cour d’appel de Toulouse a récemment jugé que la facturation d’émolument présenté par un administrateur provisoire, correspondant aux préconisations de la compagnie des experts concernés, n’était pas exagérée eu égard à l’importance du différend (la mission ayant donné lieu à trois référés et une procédure pénale) et de la gestion difficile des affaires de l’association assurée par l’administrateur (CA Toulouse, 12 févr. 2014, n° 13/04575).
Colas AMBLARD, Directeur des publications
Angélique TEZZA, Cabinet NPS CONSULTING
Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualités LAMY ASSOCIATIONS, n° 246, mars 2016 : voir en ligne
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