En pleine période électorale, la question du fonctionnement des partis politiques et de leur financement est particulièrement aigüe, c’est pourquoi l’actualité récente nous impose de procéder à un tour d’horizon des règles juridiques et fiscales applicables à la matière. La loi n°88-227 du 11 mars 1988[1], relative à la transparence financière de la vie politique, encadre les conditions de financement.

Si la création d’un parti politique est libre, son financement est assuré par un mandataire financier (association ou personne physique). Lors des élections municipales, départementales, régionales, européennes, législatives, et présidentielles, les partis présentent un ou plusieurs candidats. Durant leur campagne les candidats vont rechercher des financements. Les fonds recueillis devront également être gérés par un mandataire financier qui sera chargé de tenir les comptes de campagne. Cette mission est importante car de la régularité du compte de campagne va dépendre le remboursement public de 47.5% des dépenses de campagne (lorsque le candidat dépasse 5% des votes au premier tour).

Il convient donc de se pencher sur la création et le financement des partis politiques, puis sur les associations de financement électorales.

  1. Les partis politiques : création et financement

Les partis politiques ont vocation à concourir à l’expression du suffrage. Leur but est donc politique. Même si leur organisation est libre (art. 4 Constitution de 1958), ils ne peuvent recueillir des fonds directement, ils doivent recourir à un mandataire.

Les associations de financement des partis politiques, n’ont pas le même objet que les partis politiques. En effet pour ces associations l’objet est unique, il s’agit de financer le parti politique dont elles tiennent les comptes. Elles sont donc les mandataires des partis[2] (il convient de préciser que le choix du mandataire est laissé libre aux partis politiques, qui peuvent recourir soit à une personne physique, on parlera alors de mandataire financier, soit à une association de financement des partis politiques, ici il ne sera fait étude que des seules associations). Ces associations reposent pour leur création sur la loi du 1er juillet 1901 et du décret du 16 aout 1901[3].

A l’inverse des associations de financement électorales, où le candidat ne peut être membre de son association, les membres du parti politique peuvent être membre de l’association de financement de leur parti.

Les associations de financement de groupements politiques, étant chargées du financement d’un parti, ou de ses entités, sont soumises à la loi du 11 mars 1988. L’agrément est accordé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui vérifie la conformité de l’association avec l’article 11-1 de la loi précitée (notamment une obligation de transparence : la comptabilité doit retracer leurs propres comptes et ceux de toutes les entités dans lesquelles les groupements détiennent plus de la moitié du capital social ou des sièges de l’organe d’administration ou où ils exercent un pouvoir prépondérant de décision/gestion). L’agrément entrainera publication au journal officiel. Une fois que l’association aura reçu l’agrément, les dons ne pourront se faire que par l’intermédiaire de ce mandataire, tout comme les legs. Le non respect de cette obligation est sanctionné par la perte des aides publiques pour l’année qui suit.

Les dons des particuliers aux associations de financement des groupements politiques sont limités à 7 500€ par personne et par an. Ils sont ouverts à la réduction d’impôt sur le revenu, en revanche ces dons avec les cotisations aux partis politiques sont limités à 15 000€ par an et par foyer fiscal[4]. Cette limite de dons ne s’applique cependant pas aux élus.

Seules ces associations de financement géreront donc les ressources du parti, liées aux dons. Le principe étant un parti, une association de financement.

Ainsi, les personnalités politiques ont développé la pratique dite du micro-parti. Afin de maximiser les ressources, les candidats à une élection quelconque (souvent législative, sénatoriale, ou présidentielle) vont créer un parti politique. Ce parti est en tout point comparable aux grands partis (LR, PS, FN, PC …), mais il ne va concerner qu’un ou plusieurs candidats qui vont chercher à obtenir pour leur campagne un financement distinct de celui du parti dont ils dépendent. Ce parti politique va également pouvoir percevoir des dons, et éventuellement des aides publiques, et il recourra à son tour à une association de financement de parti politique, mais plus souvent à un mandataire financier.

Ainsi en pratique le donateur qui donne au parti principal, peut à nouveau donner au micro-parti affilié à une personnalité politique, et à autant de parti que cette personnalité a décidé de fonder. L’émergence de ces partis politiques inconnus du grand public, permet donc au candidat à une élection de préparer sa campagne avec une plus grande indépendance financière[5].

Ce développement des « micro-partis » va avoir un intérêt principalement en période de campagne électorale, permettant un soutient indépendant du candidat. En période électorale, le parti ne finance plus directement le candidat, ce dernier doit recourir à un mandataire que sont notamment les associations de financement électorales.

  1. Les associations de financement électorales

En période de campagne électorale, il ne convient plus de financer un parti politique mais bien un candidat (ou plusieurs pour les scrutins de liste). Le candidat ne pourra pas financer sa campagne directement par le parti politique auquel il appartient. Dans un souci de transparence et de contrôle, il a été imposé que le candidat ait recours à un mandataire, qui peut être une personne physique ou une association.

Les associations de financement électorales sont encadrées et ont vocation à gérer les comptes de campagne du candidat. C’est un rôle important, car de la régularité des comptes de campagne dépendra, le remboursement public des dépenses liées à la campagne suivant les plafonds déterminés en fonction des élections (ex. des plafonds de dépenses autorisées pour la campagne présidentielle de 2017  : 16, 851 millions d’euros pour le premier tour et 22,509 millions pour le second tour) mais également, pour les élections locales, la potentielle éligibilité du candidat[6].

Ces associations de financement électorales se constituent, tout comme les premières, selon les modalités la loi du 1er juillet 1901. Elles doivent donc faire l’objet d’une déclaration (l’article L.52-5 du Code électoral renvoyant en effet à l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901), l’association doit se déclarer et être publiée. Une association ne peut soutenir qu’un candidat, ou qu’une liste de candidats lorsque le scrutin de l’élection n’est pas uninominal. Toujours à des fins de transparence, le candidat ne peut être membre des organes d’administration de cette association, la sanction serait l’inéligibilité pendant 3 ans et non remboursement des dépenses de campagne[7].

Cette association est constituée pour une durée qui est limitée. Elle est créée pour la période de dons allant de l’année précédant l’élection jusqu’à la date du dépôt des comptes de campagne du candidat[8]. Elle est dissoute au plus tard de plein droit soit 3 mois après le dépôt des comptes de campagne soit à l’expiration du délai légal de dépôt des candidatures. A sa liquidation, s’il y a un excédent, son actif servira à rembourser l’éventuel apport du candidat, puis devra être dévolu soit à une association de financement d’un parti politique soit à des établissements reconnus d’utilité publique.

L’association, même si elle est créée sous l’empire de la loi de 1901, est soumise à des règles particulières du fait des enjeux de la transparence financière (des modèles de constitution sont par ailleurs disponibles sur le site de la CNCCFP). Cette association ayant pour objet statutaire unique la fonction de recueillir les fonds pour financer la campagne d’un candidat à une élection et régler ses dépenses, va devoir s’astreindre à des règles financières et comptables précises. L’organisme sera tenu d’ouvrir un compte bancaire retraçant l’ensemble des opérations bancaires, ces comptes seront annexés aux comptes de campagne. Ensuite, ces associations doivent établir les comptes de campagne, (dès lors que le candidat a obtenu au moins 1% des suffrages), par l’intermédiaire d’un expert-comptable ; les comptes ne peuvent jamais être déficitaires, ils doivent être soit équilibrés, soit excédentaires. Le compte de campagne doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées par le biais d’annexes en fonction du type de recette et de dépense. Les règles financières que l’association doit respecter dans l’élaboration des comptes de campagne sont prévues par le code électoral, certaines dépenses sont notamment détournées des comptes de campagne. Les comptes de campagne seront déposés par un membre de l’ordre des experts-comptables à la commission nationale des comptes de campagne.

L’association n’a pas vocation à recueillir les financements pour la campagne auprès de toute personne physique ou morale. Les fonds qui vont servir à la campagne ne peuvent provenir que d’un apport du candidat (éventuellement par le biais d’un emprunt), des dons effectués par les particuliers (les entreprises ne pouvant donner aux partis ou aux candidats depuis 1995), sans limite des contributions du parti politique soutien (et donc éventuellement des partis constitués par le candidat), des recettes provenant de la vente de dérivés des produits de campagne (recette commerciale).

Concernant les dons des personnes physiques, ceux-ci sont limités à 4 600€ par donateur et ce peu importe le nombre de candidats qui seront soutenus[9]. Les dons en espèces sont admis dans la limite de 150€, et leur montant ne pourra excéder 20% du montant des dépenses de campagne autorisées lorsqu’il est égal ou supérieur à 15 000€[10].

Le candidat est autorisé à faire un appel public aux dons, il doit alors respecter certaines conditions de formes, faire figurer son nom, celui du mandataire, informer le public que le candidat ne peut recevoir des dons que par l’intermédiaire dudit mandataire, et reproduire les dispositions de l’article L52-8 du Code électoral[11].

Le montant des dons effectués en période de campagne, tout comme les cotisations aux partis politiques et les dons, sont éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu équivalent à 66% de la valeur du don sans pouvoir excéder 20% du revenu imposable sur justification du reçu. Lorsque le don est supérieur à 3000€, l’identité du mandataire du candidat doit apparaitre sur le reçu du donateur[11]. Le versement de ce don de campagne doit être identifié dans les comptes de campagne.

Concernant les recettes commerciales (ex : produits dérivés à l’effigie du candidat), celles-ci peuvent être importantes, notamment pour les plus grands partis. Si la gestion désintéressée ne semble pas être remise en cause, le but restant de financer une campagne électorale et non de dégager des bénéfices purs, comment cela peut-il s’articuler avec le régime fiscal que connait les associations « de droit commun » ?

Il est prévu que lorsque les recettes commerciales lucratives n’excédent pas 61 450€, les associations échappent aux impôts commerciaux. Si les conditions d’application de la franchise ne sont pas réunies alors généralement la non-lucrativité peut être remise en cause. Toutefois, il est possible pour les associations de sectoriser leurs activités sur un plan comptable. Pour sectoriser, il faut remplir certaines conditions, parmi lesquelles on retrouve le caractère prépondérant de l’activité non lucrative et le fait que les opérations lucratives soient dissociables. Bien évidemment aux vues des moyens humains et de l’importance des dons et des aides publiques (par le remboursement de près de la moitié des dépenses de campagnes) l’activité non lucrative ne sera pas remise en cause par l’administration, même si le but premier de l’association est le financement. Ensuite, les opérations lucratives constituent bien des activités dissociables.

Il convient donc de constater que si ces associations reposent principalement sur la loi de 1901, leur fonctionnement est strictement encadré.

 

Colas AMBLARD, avocat
Etienne Desmarais, juriste – élève avocat
Cabinet NPS CONSULTING

En savoir plus : 
Commission National  des Comptes de Campagne et des Financements Politiques




Documents joints:

cnccfp_presidentielle_2017_memento_20160613_consolide



Notes:

[1] Loi n°88-227 du 11 mars 1988, NOR: INTX8800003L
[2] C. Civ., art. 1984 et svt
[3] Memento Pratique Associations, ed. Francis Lefebvre, 2016
[4] CGI, art. 200,3
[5] Me B. Ingelaere, Village Justice, « Le micro-parti politique, entre fantasmes et réalités juridiques ! »
[6] http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/presidentielle-2017/financement-campagne-electorale.html
[7] Avis Conseil d’Etat, n°176197, 5 fév. 1996 «Batteux», JORF n°52 du 1er mars 1996 p.3300
[8] Code électoral, L52-4
[9] BOI-IR-RICI-250-10-20-40-20120912
[10] Code électoral, art. L52-11
[11] Guide du candidat et du mandataire, 2016, CNCCFP
[12] Décret n°2001-213 du 8 mars 2001, portant application de la loi n° 62-1292 du 6 nov. 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, art. 12 al. 4

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