Dans nos précédentes publications, deux commentaires successifs(1) sont venus présenter une réactualisation du BOFiP-impôts intervenue le 4 novembre 2015 et portant sur le régime de TVA relative aux prestations de services rendus par les associations à leurs membres(2). Des précisions s’imposent après interrogation du ministère de l’Économie et des Finances.
La nouvelle doctrine fiscale ne remet pas en cause l’exonération de TVA sur le fondement de l’article 261 B du code général des impôts (CGI) lorsqu’il s’agit d’associations rendant des services d’ordre professionnel, à prix coûtant, à leurs membres, pour les besoins de l’exercice d’une activité exonérée de TVA ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujettis.
L’exonération de droit commun toujours d’actualité.
Une association professionnelle, une fédération d’associations, par exemple dans le cadre d’une mutualisation de services, peuvent continuer à bénéficier d’une exonération de TVA sur ce fondement, si les conditions suivantes sont remplies(3) :
- les services doivent être rendus à des membres ;
- les membres doivent être des associations exonérées de TVA ou n’ayant pas la qualité d’assujetties financées par des subventions hors champ d’application de la TVA), dont la gestion est désintéressée. Si certains membres sont partiellement assujettis à la TVA, cette condition sera remplie si le pourcentage d’activité assujettie est inférieur à 20 % ;
- les services rendus doivent concourir directement et exclusivement(4) à la réalisation d’opérations d’ordre professionnel(5), exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA ;
- les sommes réclamées aux membres sont des remboursements de frais, à prix coûtant. Dans cette application de droit commun de l’article 261 B du CGI, aucun changement n’est établi par rapport à la précédente version publiée au BOFiP-impôts en 2012 !
La fin d’une tolérance administrative
En revanche, la nouvelle doctrine fiscale met fin à une tolérance administrative qui élargissait la portée de l’article 261 B du CGI en admettant une exonération de TVA pour la mise à disposition de personnels ou de biens, mobiliers ou immobiliers, facturés à prix coûtant, soit au profit d’organismes sans but lucratif ou de personnes morales de droit public, soit en vertu d’une obligation légale ou réglementaire. Cette exonération devait satisfaire une double condition : d’une part, le prix facturé de devait pas excéder le montant des frais engagés(6) ; d’autre part, la mise à disposition devait être effectuée pour des motifs d’intérêt public ou social(7). Mais elle présentait l’intérêt de dispenser de la condition d’appartenance à un groupement. Cela concernait, par exemple, les mises à disposition de personnel consenties par une entreprise au profit d’une association d’intérêt général afin de lui apporter un soutien technique, des compétences professionnelles, ou encore les mises à disposition de moyens et de personnel consentis par une entreprise à son comité d’entreprise.
Introduite sous l’intitulé « TVA – Exonération prévue à l’article 261 B du code général des impôts (CGI) – Mise en conformité communautaire », les changements annoncés à compter du 1er janvier 2016 portent sur la suppression des commentaires élargissant la portée du dispositif d’exonération prévu à l’article 261 B du CGI. Selon la Direction de la législation, « il en va ainsi des développements concernant les mises à disposition consenties pour des motifs d’intérêt public ou social au III § 220 à 260… »
Les problèmes soulevés
D’ores et déjà, cette suppression fait naître deux problèmes majeurs : „
- en premier lieu, il apparaît que la rédaction de cette refonte du BOFiP-impôts manquant de précision est à l’origine de la difficulté d’interprétation dans la mesure où les commentaires du 4 novembre 2015 concernant les motifs d’intérêt public ou social se limitent aux § 240 à 260 du III du BOI-TVA-CHAMP-30-10-40 (et non pas 220 à 260 comme indiqué dans le texte). Cette erreur entraîne une confusion importante dans l’appréciation de la nature réelle des rectifications à prendre en compte à compter du 1er janvier 2016 ;
- en second lieu, il semble que la réforme n’assure pas de manière effective la mise en conformité communautaire annoncée. En effet, l’article 132, 1, f de la directive européenne du 28 novembre 2006(8) relative au système commun de TVA sous le chapitre 2 « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général » cite comme exonérées « les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ». Or, la tolérance administrative supprimée, dans la mesure où elle s’adressait prioritairement aux organismes d’ « utilité générale »(9) pour « les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres »(10) ou pour « les opérations faites au bénéfice de toute personne par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée »(11), nous semblait de nature à mieux assurer cette conformité au droit communautaire. Tel n’est plus le cas, manifestement.
D’après les premières informations filtrant de ce ministère, il semble d’ores et déjà que, et sans que cela soit officiel, les mises à disposition de salariés par les groupements d’employeurs ne se situent pas dans le champ « des motifs d’intérêt public ou social » et, par conséquent, qu’elles sont toujours susceptibles de bénéficier du régime d’exonération en vigueur en application de l’article 261 B. Par ailleurs, si cette exonération devait se limiter aux activités d’intérêt général tel que précisé par la directive européenne, quid de cette condition supplémentaire imposée par le droit européen (activité d’intérêt général) qui, à n’en pas douter, serait de nature à limiter considérablement le champ d’application de l’exonération prévue par l’article 261 B au détriment de bon nombre d’associations non susceptibles de remplir ce critère ?
Promulguée dans l’urgence, et sans aucune concertation, la confusion est totale. Au point qu’il est apparu nécessaire d’interroger les services juridiques du ministère de l’Économie et des Finances sous la forme d’un rescrit fiscal(12) en application de l’article L. 80 du Livre des procédures fiscales afin d’éclaircir les différentes difficultés précédemment abordées. Affaire à suivre, donc.
Colas AMBLARD, Directeur des publications
En savoir plus :
Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Juris Associations n° 534 du 1 mars 2016 : voir en ligne
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