Par deux décrets en date du 2 novembre 2016, (décret n° 2016-1480 relatif à la modification du Code de Justice Administrative et décret n° 2016-1481 relatif à l’utilisation des téléprocédures devant le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs) la volonté de modernisation de la justice administrative du XXIème siècle a été réaffirmée. Entrant en vigueur au 1er janvier 2017, ils apportent de nouvelles évolutions procédurales dont certaines sont fondamentales.
– Le décret dit JADE portant modification du Code de Justice Administrative:
Ce décret modifie plusieurs règles actuelles du contentieux administratif:
- La célèbre dispense de liaison du contentieux par une réclamation préalable, qui existait pour les litiges en matière de travaux publics est supprimée (article 10 du décret); désormais une réclamation préalable est obligatoire.
- Pour tous les contentieux indemnitaires, le juge administratif ne pourra plus être saisi que si une décision implicite ou explicite de rejet est intervenue. Toute saisine du juge avant l’intervention de cette décision deviendra irrecevable. En outre, lorsque le montant de l’indemnisation réclamée est inférieur à 10.000 €, le juge administratif statue en premier et dernier ressort sauf en matière de contrat de la commande publique (articles 10 et 29 du décret);
- Pour les litiges intéressant les contrats de la commande publique, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans lequel se trouve le lieu prévu pour l’exécution du contrat.
- Les cas de dispense d’avocat sont à la fois réduits avec un ministère d’avocat désormais obligatoire pour les litiges de travaux publics et d’occupation domaniale, les demandes indemnitaires nées de l’exécution d’un contrat et les appels en matière de fonction publique et à la fois étendus avec une dispense d’avocat généralisée à tous les contentieux sociaux (articles 11).
Ce décret octroie également de nouveaux pouvoirs au juge administratif pour dynamiser l’instruction, il peut désormais :
- Sanctionner par un désistement d’office l’absence de production d’un mémoire récapitulatif dans le délai imparti ou l’absence de réponse à une confirmation d’intérêt demandée par le juge ;
- Fixer sans avertissement préalable une date à partir de laquelle les parties ne pourront plus invoquer de moyens nouveaux ;
- Rejeter par ordonnance les requêtes en appel « manifestement dépourvues de fondement »
- Enfin, le montant de l’amende pour recours abusif est revalorisé et est porté de 3.000 € à 10.000 € afin de conserver un effet dissuasif.
– Le décret relatif à l’utilisation des téléprocédures devant les juridictions administratives:
Ce décret rend désormais obligatoire l’utilisation de l’application « Télérecours » aux avocats, aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux personnes morales de droit public autre que les communes de moins de 3 500 habitants et aux organismes de droit privé chargés de la gestion permanente d’un service public sous peine d’irrecevabilité de leurs requêtes. Cette obligation s’impose également aux personnes précitées lorsqu’elles sont en défense pour l’envoi de leurs mémoires et pièces.
Néanmoins, une dérogation est prévue en cas de référés pour les requérants qui ne seraient pas encore inscrits dans l’application « Télérecours ».
Les pièces jointes aux mémoires sont transmises à la Juridiction soit dans un fichier global soit dans un fichier par pièce. La numérotation des pièces doit correspondre au bordereau de pièces sous peine d’irrecevabilité de la requête ou pour les mémoires produits en cours d’instance, sous peine d’être écarté des débats après invitation à régulariser non suivie d’effet. Ce n’est que si les caractéristiques des pièces font obstacle à leur communication électronique qu’elles peuvent être transmises sur support papier.
Sous réserve de l’accord des parties non soumises à l’application « Télérecours », les mémoires et pièces peuvent être mis à leur disposition sur un site internet sécurisé afin qu’elles les obtiennent sous un format dématérialisé.
Anne-Cécile Vivien, Docteur en droit, directeur associé du Cabinet EY Law
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