Suspension provisoire et exclusion d’un membre d’une association : La recherche de la responsabilité personnelle des personnes ayant pris la décision de suspension et/ou d’exclusion est subordonnée à la preuve d’un acte détachable de leurs fonctions dans l’association.
a) Dans une première espèce, un membre d’une association franc-maçonne avait fait l’objet d’une suspension provisoire jusqu’à l’issue d’une procédure disciplinaire.
Celui-ci avait alors recherché la responsabilité du Grand Maître et du Grand Secrétaire de sa Loge sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Dans un arrêt du 2 août 2007, la Cour d’Appel de TOULOUSE a rappelé que la solution du litige devait être cherchée dans la preuve d’un acte personnel excédant les pouvoirs des dirigeants associatifs et détachable de l’exercice de leur fonction.
La Cour a également rappelé que tout excès de pouvoir ou toute illégalité n’était pas nécessairement une faute détachable au sens sus-évoqué.
Dans cette affaire, il a été jugé que la décision de suspension avait été prise selon les formes prévues au règlement de l’association franc-maçonne, que la décision n’avait pas été précipitée puisque la sanction avait été prise après instruction et après dépôt d’un rapport ayant fait apparaître les irrégularités reprochées aux membres sanctionnés.
Il a également été remarqué que la décision de suspension était accompagnée d’une note explicative complète.
Il a donc été fort logiquement jugé que la preuve d’une faute détachable des fonctions des dirigeants n’était pas rapportée et que la suspension du membre n’était pas abusive.
(CA TOULOUSE 12/08/2007 jurisdata n°2007-343621)
b) A l’inverse, on peut se poser la question du bien fondé de rechercher la responsabilité des personnes ayant pris une décision disciplinaire lorsque la procédure n’est pas respectée et qu’au contraire, il est gravement porté préjudice aux droits de la défense des membres visés par une mesure d’exclusion.
Dans une autre affaire récente, les membres d’une association sportive ont en effet été exclus une première fois en avril et juin 2006 sur le fondement d’un article des statuts de cette association.
Les membres exclus ayant contesté judiciairement leur exclusion, les dirigeants de cette association ont alors tenté de régulariser la première procédure d’exclusion en changeant le fondement statutaire de celle-ci en février 2007, alors même que la procédure judiciaire initiale était toujours en cours.
Dans un jugement du 17 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE a jugé que la première procédure disciplinaire engagée à l’encontre des deux membres n’avait pas été respectée, ceux-ci n’ayant pas été convoqués, ni invités à s’expliquer.
Le Tribunal a donc logiquement annulé ces décisions d’exclusion.
Par ailleurs, après avoir relevé que les décisions disciplinaires postérieures avaient été prises après engagement de la procédure judiciaire, le Tribunal a considéré qu’il s’agissait d’un détournement du pouvoir disciplinaire visant à entériner les décisions d’exclusion précédemment prises et ce, « sous une fallacieuse apparence de régularité formelle ».
Le Tribunal a donc annulé également cette seconde procédure disciplinaire en considérant que « ce dévoiement de procédure vient caractériser l’atteinte aux droits de la défense ».
Comme conséquence de l’annulation de ces décisions d’exclusion, le Tribunal a ordonné la réintégration des deux membres de l’association abusivement exclus.
c) Pour autant, la recherche de la responsabilité du Président à l’origine de ces deux procédures d’exclusion n’a pas abouti.
Le Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE a en effet considéré que les décisions disciplinaires prises par le Président de cette association l’avaient été dans le cadre de ses attributions et du fonctionnement du comité directeur, sans recherche manifeste d’un intérêt personnel distinct de celui de l’association.
Cette motivation semble contradictoire avec les attendus précédents du Tribunal.
En effet, peut-on considérer que « le dévoiement d’une procédure qui caractérise l’atteinte aux droits de la défense » est réalisé dans le cadre des fonctions d’un Président d’association ?
Ce dévoiement de procédure peut ainsi être rapproché de la notion d’abus de mandat.
Un tel abus de mandat n’est-il pas constitutif d’une faute détachable des fonctions d’un dirigeant associatif ?
En outre, un tel comportement autoritaire d’un dirigeant associatif, qui ne respecte pas les procédures disciplinaires et les droits de la défense pour exclure des membres, ne permet-il pas à celui-ci de conserver le pouvoir au sein de son association et de faire ainsi taire abusivement les opposants en son sein ?
N’y a-t-il pas dans ces cas là une recherche manifeste d’un intérêt personnel distinct de celui de l’association ?
Le comportement des dirigeants associatifs qui ne respectent pas les statuts sociaux, détournent ou dévoyent les procédures disciplinaires, ne respectent pas les droits de la défense, ne sont-ils pas constitutifs de véritables abus de mandats détachables de leurs fonctions, qui méritent une sanction judiciaire et la mise en œuvre de leur responsabilité personnelle ?
A défaut, c’est tout le fonctionnement démocratique des associations qui est remis en cause.
En savoir plus
TGI BOURG EN BRESSE 17/01/2008 – RG n°06/03338 inédit
- Présider une association : la vigilance est de mise - 29 octobre 2024
- Association et dirigeant de fait : attention au retour de bâton ! - 29 octobre 2024
- A propos de la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback en qualité de ministre déléguée chargée de l’Economie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation - 29 septembre 2024