Trois instructions fiscales publiées au BOFIP le 13 juin 2014 viennent de préciser le régime fiscal applicable aux opérations de fusion, scission et apport partiel d’actif. Cette clarification était attendue par le secteur associatif depuis très longtemps et parachève l’encadrement juridique du processus de restructuration prévu par la loi d’Economie sociale et solidaire. Ces textes administratifs mettent ainsi fin à une longue période d’incertitude entourant le régime applicable aux opérations de restructuration entre associations et organismes assimilés.
I. PERIODE D’INCERTITUDE PREALABLE A LA PARUTION DES INSTRUCTIONS FISCALES DU 13 JUIN 2014.
Pour se remémorer la situation antérieure à la parution des instructions fiscales du 13 juin 2014, nous vous prions de bien vouloir vous référer à nos précédents articles parus sur ISBL CONSULTANTS (Edito du 29 mars 2011).
Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n°191, mars 2011.
Pour mémoire, il existait une incertitude concernant la possibilité pour les associations de se rattacher au régime fiscal de faveur applicable aux opérations de fusion, de scission et d’apport partiel d’actif entre sociétés commerciales (CGI, art. 210-A).
Ce régime spécial consiste à exonérer le paiement d’IS sur les plus-values enregistrées à l’occasion de ces opérations de restructuration, en contrepartie de la reprise par la structure absorbante ou bénéficiaire des engagements pris par la structure absorbée ou apporteuse (cf. infra).
Dans ces conditions, l’opération de restructuration entraînait le simple paiement d’un droit fixe d’enregistrement de 375 € en application de l’article 816-I-1° du CGI.
Toutefois, le rattachement à ce régime de faveur faisait l’objet de discussions lorsque les opérations de restructuration concernaient deux organismes assujettis à l’impôt sur les sociétés (cf. supra).
Il en résultait une grande incertitude concernant le régime fiscal applicable à ce type d’opérations.
C’est dans ce contexte que trois instructions fiscales viennent d’être publiées au BOFIP le 13 juin 2014, ce nouveau dispositif fiscal venant compléter les précisions apportées par le projet de loi d’Economie sociale et solidaire concernant le régime juridique applicable aux opérations de fusion, scission et apport partiel d’actifs entre associations.
II. PRESENTATION DU REGIME FISCAL APPLICABLE AUX OPERATIONS DE FUSION, SCISSION ET APPORT PARTIEL D’ACTIF DEPUIS LA PARUTION DES INSTRUCTIONS FISCALES DU 13 JUIN 2014
Ce régime fiscal résulte de trois instructions fiscales parues au BOFIP le 13 juin 2014 :
– Deux instructions fiscales concernant le régime applicable à ces opérations en matière d’impôt sur les sociétés :
– Une instruction fiscale applicable aux droits d’enregistrement des actes relatifs aux opérations susvisées :
1) Définition des opérations de fusion, scission et apport partiel d’actif
a) Fusion absorption
L’opération de fusion implique :
– Un apport global de la totalité des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’association absorbée.
– La disparition automatique de la ou les associations absorbées (dissolution sans liquidation).
NB : La fusion création implique le regroupement de deux associations appelées à fusionner dans une association préalablement créée pour ce regroupement.
b) Scission
L’opération de scission implique :
– Un apport de la totalité des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’association scindée au profit d’une ou plusieurs associations bénéficiaires ;
– La disparition automatique de l’association scindée (dissolution sans liquidation).
c) Apport partiel d’actif
L’opération d’apport partiel d’actif implique :
– Un apport d’une branche complète et autonome d’activité au profit d’une association bénéficiaire ;
– Le maintien de l’association apporteuse pour les besoins de l’exploitation des activités que cette dernière souhaite conserver en propre.
2) Régime fiscal applicable aux opérations de fusion, scission et apport partiel d’actif en matière d’IS
a) Personnes concernées par le régime fiscal spécial
Par principe, il est rappelé que l’application du régime spécial est liée au régime fiscal des sociétés et « autres personnes morales participant à la fusion », dès lors que ces personnes morales ou organismes sont « passibles de l’IS, quelle que soit par ailleurs leur forme juridique. »
Cette disposition fait donc rentrer de plein pied les associations (et autres organismes sans but lucratif) dans le régime spécial des fusions, scission et apport partiel d’actifs dans la mesure où, si elles sont en principe non assujetties aux impôts commerciaux au titre de leurs activités, ces organismes demeurent bien passibles de l’IS pour leurs revenus patrimoniaux (CGI, art. 206-5).
A ce stade, il convient de préciser que ce régime est également applicable aux collectivités dotées de la personnalité juridique, aux établissements publics, aux organismes de l’Etat jouissant de l’autonomie financière ainsi qu’aux organismes des départements et des communes énumérées à l’article 206 du CGI.
Pour apprécier si les personnes morales intéressées satisfont ou non à la condition d’être passibles de l’IS, il convient de se placer à la date de réalisation définitive de l’opération[1].
Voir BOI-IS-FUS-10-20-20-20140613, sur la nationalité des organismes (n°90 à 140) et le champ d’application géographique concernés (n°150 à 199).
b) Situation particulière des associations
En premier lieu, l’administration fiscale rappelle que concernant les opérations de fusion, scission et apport partiel d’actif entre plusieurs organismes régis par la loi de 1901 ou 1908, il existe une réelle contrepartie et ce, malgré l’absence de rémunération des apports par l’attribution de droits représentatifs du capital de l’organisme bénéficiaire.
Cette précision, étant destinée à mettre en conformité ce nouveau régime fiscal avec le droit communautaire, l’administration précise en second lieu que la contrepartie résulte de la garantie donnée par l’association absorbante ou bénéficiaire de se substituer aux obligations de l’association absorbée ou apporteuse, notamment à l’égard des engagements et garanties attachées aux apports (cf. infra).
Sous ces conditions, les associations soumises à l’IS au taux de droit commun peuvent bénéficier du régime fiscal spécial prévu par l’article 210-A et 210-B du CGI.
Les conditions pour bénéficier de ce régime spécial sont les suivantes :
– Reprise des engagements pris envers les membres participants de l’organisme qui garantit la protection de leurs droits par l’absorbant ou le bénéficiaire (CGI, art. 209-II, 201 A, 210 B et C, 220-II quinquies, 223A à 223 U) ;
– Acquittement du passif du groupement absorbé par le groupement absorbant qui reçoit l’actif ;
– Transcription comptable de l’ensemble des apports à la valeur nette comptable ;
– Recours à la procédure d’agrément prévue à l’article 210 B[2] si l’apport envisagé dans le cadre d’une opération de scission ou d’apport partiel d’actif ne porte pas sur une branche complète d’activité[3].
Plusieurs schémas sont explicités par l’administration fiscale, en fonction du régime fiscal dont relèvent les associations, parties prenantes aux opérations de fusion :
– Opérations de restructuration entre des associations non soumises à l’IS au bénéfice d’associations de même nature ou soumises en tout ou partie à l’IS au taux de droit commun :
- Opération non imposable à l’IS ;
- Le régime fiscal de l’article 210-A du CGI ne trouve donc pas à s’appliquer.
– Opérations de restructuration entre des associations soumises à l’IS au bénéfice d’associations non soumises à l’IS au taux de droit commun :
- Le transfert d’actifs ne peut être placé sous le régime fiscal spécial, sauf si l’association absorbante ou bénéficiaire devient assujettie à l’IS au taux de droit commun du fait de l’opération de transfert d’actifs.
- L’association absorbante ou bénéficiaire de l’apport n’est pas en mesure de satisfaire à l’une des conditions prévues pour l’application du régime spécial des fusions, à savoir qu’elle doit se substituer à l’association absorbée ou apporteuse pour la réintégration dans ses bénéfices imposables des plus-values dégagées lors de l’apport dont l’imposition est différée (CGI, art. 210-1, 3 b) : ces plus-values doivent être imposées au nom de l’association absorbée ou apporteuse dans les conditions de droit commun
– Opérations de restructuration entre des associations (totalement ou partiellement[4]) soumises à l’IS au bénéfice d’associations également soumises à l’IS au taux de droit commun :
Le bénéfice du régime spécial des fusions et opérations assimilées est envisageable dans les conditions suivantes :
- Hypothèse où le bénéficiaire de l’apport est imposable en totalité à l’IS : le régime spécial est applicable dans les conditions de droit commun;
- Hypothèse où le bénéficiaire de l’apport est partiellement imposable à l’IS de droit commun : Le régime applicable dépend de l’affectation du bien chez l’absorbée ou apporteuse :
– Si affectation exclusive des biens à des activités ou opérations non taxables : Pas d’imposition des plus-values à l’IS si les bien ont été affectés exclusivement chez l’absorbée ou apporteuse ;
– Si affectation exclusive des biens à des activités ou opérations taxables : Les plus-values sont imposées en totalité dans les conditions de droit commun si les biens cédés ont été affectés exclusivement chez l’absorbée ou apporteuse à des opérations taxables, toutefois le régime fiscal des fusions trouve à s’appliquer si l’association absorbante ou bénéficiaire prend un certain nombre d’engagements décrits ci-après (cf. infra).
– Si affectation des biens à des activités ou opérations mixtes : La part des plus-values taxable est déterminée par application du rapport entre les produits ou ressources d’exploitation, calculé chez l’association absorbante ou bénéficiaire de l’apport au titre de l’exercice de cession ou déterminé chez l’association apporteuse ou absorbée à la date d’effet de l’opération de transfert d’actifs, s’il est supérieur.
Au moment de l’opération de transfert, il convient donc d’effectuer le calcul de ce rapport chez l’association apporteuse ou absorbée et de le mentionner dans le traité d’apport ou de fusion (voir exemple dans l’instruction BOI-IS-FUS-10-20-20-20140613, n°351).
Le régime fiscal des fusions peut s’appliquer si l’association absorbante ou bénéficiaire de l’apport prend l’engagement visé ci-dessous (cf. infra).
– Conditions à remplir pour bénéficier du régime fiscal des fusions (CGI, art. 210 A et 210 B) : possibilité pour l’association absorbante ou bénéficiaire de prendre les mêmes engagements que si elle était soumise à l’IS sur l’intégralité de ses résultats.
A défaut de pouvoir satisfaire l’une des conditions prévues pour l’application du régime spécial des fusions, les plus-values dégagées lors de l’apport doivent être imposées au nom de l’association absorbante ou apporteuse dans les conditions de droit commun.
Ces engagements ne pourront être tenus que si les éléments auxquels se rapportent les plus-values et les provisions en sursis d’imposition demeurent affectés à une exploitation dont les résultats sont soumis à l’IS au taux de droit commun.
Il en va de même au titre de l’exercice au cours duquel les éléments apportés cessent ultérieurement d’être affectés à une telle exploitation.
3) Régime fiscal applicable aux opérations de fusion, scission et apport partiel d’actifs en matière de droit d’enregistrement
Le régime fiscal de faveur est réservé aux fusions, auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l’IS (CGI, art. 816, al. 1).
Or, il est admis que le champ d’application du régime de faveur des fusions, scissions et apports partiels d’actif soit applicable aux associations loi 1901 et 1908 dans la mesure où elles sont passibles de l’IS en vertu de l’article 206-1 (revenus tirés des activités) ou 206-5 (revenus du patrimoine) du CGI.
Conclusion :
– Le régime fiscal des fusions, scissions et apports partiels d’actif entre associations est désormais stabilisé, ce qui correspond à une attente du secteur associatif depuis de nombreuses années ;
– L’identification du coût fiscal induit par ces opérations de restructuration nécessite de connaître, avant l’opération, le régime fiscal dont relève l’association absorbante ou bénéficiaire et celui de l’association absorbée ou apporteuse (nécessité d’un audit fiscal préalable) ;
– Les instructions fiscales du 13 juin 2014 parachèvent la clarification du processus de restructuration entre associations (et autres organismes sans but lucratif), après la loi d’Economie sociale et solidaire qui vient préciser le mode opératoire juridique (rédaction d’un traité, validation par les assemblées générales, recours à un commissaire aux apports et publicité légale obligatoire au-delà d’un certain seuil d’apport, transfert automatique des membres…).
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