Est-il normal que la qualité de l’accueil en crèche ou en Ephad géré par un groupe privé lucratif soit définie en fonction d’un objectif de rentabilité ? De récentes affaires qui se sont soldées par des déconfitures, détournement de fonds publics, et abus de confiance posent clairement la question du maintien de ces secteurs liés aux services à la personne dans le champ concurrentiel et actionnarial.

 

Le rapport sur La Maison Bleue, gérée par une SAS au capital de 105 millions €, 4e du secteur en France avec plus de 200 crèches, est le premier contrôle d’un groupe de crèches privées, en application des nouvelles compétences confiées à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans le cadre de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

Il fait suite aux rapports de l’IGAS portant sur la qualité de l’accueil en crèches et sur les micro-crèches.

Les investigations de l’IGAS se sont déroulées de mars à décembre 2024 au siège du groupe. La mission d’inspection s’est rendue dans dix-sept crèches.

Le rapport met en évidence des défaillances en matière de qualité d’accueil du jeune enfant. Des non-conformités à la règlementation ont été constatées (fausses déclarations, perception de prestations par des moyens frauduleux, anomalies dans les comptes sociaux), qui conduisent à saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Enfin, le rapport relève des pratiques d’optimisation financière réalisées à l’étranger et des indicateurs de fragilité économique.

Un scandale de plus après ceux des Ehpad ORPEA, qui a vu la Caisse des Dépôts et Consignations injecter 1,16 milliard € pour éviter sa faillite, et du groupe Groupe AVEC, composé de 125 entités dans le secteur de la santé et du médico-social en France, avec 12 000 collaborateurs, actuellement en redressement judiciaire et pour lequel le procureur a plaidé pour sa liquidation judiciaire lors de l’audience du 04 juin 2025 au Tribunal de commerce de Bobigny.

Un pognon de dingue !

La santé, les maisons de retraite et la petite enfance ne peuvent pas être des secteurs d’activités livrés aux logiques de rentabilité et aux appétits des actionnaires.

En cas de défaillance, l’Etat est pris au piège. Ces grands opérateurs l’ont d’ailleurs bien compris et cet état de fait est parfaitement intégré en interne. On ne peut pas laisser les bénéficiaires de ces structures (personnes âgées dépendantes, mineurs et petite enfance) en déshérence ne serait-ce que quelques jours. Leur stratégie est parfaitement connue : absorber un maximum de structures et atteindre rapidement une taille critique, notamment en terme d’emplois, pour devenir  au plus vite « intouchables. » La puissance publique sera rapidement désarmée et les autorités administratives voire judiciaires se plieront plus facilement aux diktats de ces opérateurs, quitte à fermer les yeux sur un certain nombre de pratiques peu orthodoxes (management défaillant ; contraintes de production contraires à l’application du code du travail, etc.).

Dans l’ensemble des cas que nous avons eu à connaître, parfois de très près, le schéma est identique et parfaitement huilé. Des équipes de salariés sont dédiées à la surveillance de structures sociale et/ou médico-sociale dont les difficultés ont été déclarées auprès des tribunaux, soit parce qu’elles sont en état de cessation des paiements, soit parce qu’elles sont dans l’attente d’un repreneur dans le cadre de procédures de liquidation judiciaire.

La santé, les maisons de retraite et la petite enfance  relèvent de missions fondamentales de solidarité, d’humanité et de service public. Ces secteurs touchent à ce que notre société a de plus précieux : la vie, la dignité, la protection des plus vulnérables – les malades, les personnes âgées, les enfants. Les considérer comme de simples « marchés » à rentabiliser, soumis aux exigences de profit, revient à dévoyer leur raison d’être. Lorsqu’un hôpital, une crèche ou un EHPAD devient un groupe privé lucratif, ce ne sont plus les besoins des patients, des résidents ou des enfants qui dictent les choix, mais les intérêts financiers d’actionnaires ou de fonds d’investissement. Cela se traduit trop souvent par des économies sur le personnel, une baisse de la qualité des soins ou de l’accompagnement, et une pression accrue sur les professionnels. Ces logiques de rentabilité fragilisent un tissu déjà éprouvé, et créent des injustices criantes.

Il est temps de réaffirmer avec force que ces secteurs ne sont pas des marchandises : ils doivent rester au service de l’humain, et non du profit.

C’est pourquoi, pour la justice sociale et pour la dignité humaine, sortons ces droits humains du capitalisme !

 

Colas Amblard, président de l’Institut ISBL

 

 

En savoir plus :

Rapport IGAS n°2024-010R du 16 juin 2025

Effets néfastes des crèches privées lucratives






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