Sébastien Chaillou-Gillette est directeur de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) d’Île-de-France. Il fut de 2017 à 2022 le président du réseau international des jeunes coopérateurs.

Stéphane Pfeiffer est aujourd’hui 2ème adjoint à la mairie de Bordeaux en charge notamment de l’ESS, mais aussi du développement économique et du logement.

Ils se sont connus dans le syndicalisme étudiant puis ont participé à l’aventure de Solidarité Etudiante, première Société Coopérative d’Intérêt Collective (SCIC) étudiante, dédiée à apporter des services de vie étudiante par et pour les étudiants.e.s.

Ils sont les auteurs d’un ouvrage, Un « notre monde » est possible, paru en février 2022 dans la collection « Mondes en Transitions » des éditions Les Petits Matins.

 

 

CD : Votre livre s’intitule Un « notre monde » est possible : j’imagine que vous faites référence à un slogan d’Attac ou peut-être plus récemment à la campagne de Jean-Luc Mélenchon, mais pourquoi ce « notre » ? Que vouliez-vous dire par là ?

SP : Le titre de l’ouvrage a été défini bien avant la campagne de Jean-Luc Mélenchon ! C’est plutôt lui qui nous a piqué cette idée (rires). Plus sérieusement, l’idée « d’autre monde » provient de tous les débats qui ont eu lieu au début du premier confinement sur le monde d’après. Et dans nos discussions entre nous, il nous est apparu que la condition nécessaire à cet « autre monde » était le renouvellement du contrat social qui régit notre société pour aller vers quelque chose de plus collectif. Il y a une captation des richesses, des pouvoirs, des médias… par une poignée de personnes. Cela est vrai en France mais pas uniquement. Dès lors, il nous paraissait que face à ces puissances individuelles, seule la force du « nous » serait capable de porter une réponse suffisamment forte et de faire trembler les fondations de l’organisation actuelle de notre société. Nous disons aussi dans le titre que ce monde est possible. Si nous écrivons cela c’est que dans les territoires, il existe déjà ! Les initiatives de solidarité, de mutations économiques et démocratiques, de transition écologique sont bien présentes. Il s’agit maintenant de les amplifier et d’en faire la clé de voûte d’un nouveau projet de société avec au cœur un objectif de transformation sociale et écologique.

SCG : Il y a bien sûr une référence au slogan fondateur d’Attac, qui a été dans les années 1990 et 2000 le cri de ralliement de tous les mouvements alter-mondialistes. Ce slogan a toujours du sens pour marquer un refus du « There is no alternative » que les néo-libéraux ont si puissamment ancré dans les mentalités et les politiques depuis les années 1980. Mais pour nous il n’y aura pas de réelle rupture possible avec ce paradigme sans encapacitation des citoyens et citoyennes eux-mêmes.

 

CD : Le concept clef de votre ouvrage est la notion de « citoyenneté économique » : comment la définiriez-vous simplement ?

SP : La République française est fondée sur le principe de la souveraineté populaire, sur notre capacité à se doter collectivement de règles qui s’appliquent à toutes et tous afin d’être représentés dans nos institutions et ainsi contribuer à établir, modifier… ces mêmes règles.

Or aujourd’hui on constate que notre souveraineté populaire s’est affaiblie dans l’espace politique à proprement parler mais aussi et surtout que certains champs, et en particulier l’économie, ont échappé à cette souveraineté. Les grandes entreprises de ce monde, leurs dirigeants ont échappé à ces règles collectives et sont parfois devenus plus puissants que des Etats ! L’économie est progressivement devenue un espace réservé à quelques-uns alors que ce champ régit finalement notre quotidien via le travail, les dispositifs collectifs de protection sociale… Nous considérons qu’une des raisons de l’affaiblissement de notre souveraineté populaire réside justement dans le fait que l’économie a pris une place trop importante et une autonomie trop grande vis-à-vis du politique. Il est d’ailleurs intéressant de voir que dans une récente étude de la Dares, seulement 16 % des Français considèrent que l’État intervient trop dans l’économie.

SCG : Finalement, on peut dire que la citoyenneté économique est notre capacité individuelle et collective à peser dans les décisions qui relèvent du champ économique. Son renforcement passe par une meilleure éducation à la citoyenneté et à l’économie, par le renversement de notre rapport au travail qui nous place bien trop souvent dans une situation de dépendance, et par le fonctionnement des entreprises comme des services publics, qui doit être plus démocratique.

 

CD : Quelle est la place de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans ce nouveau monde que vous appelez de vos vœux ? 

SCG : Nous sommes tous les deux des militants de l’ESS. Nous sommes passés par les associations, les coopératives, les mutuelles et continuons aujourd’hui notre combat pour développer l’ESS par des chemins différents mais avec le même objectif. L’ESS est précurseure de ces changements et en particulier du renforcement de la citoyenneté économique. Le cadre qu’elle propose permet de déconnecter le pouvoir de la détention de capital, et donc permet à toutes et tous de devenir dirigeant.e d’entreprise ! Que ce soit à l’échelle très locale via par exemple un café associatif dans un quartier et géré par ses habitants. Ou à une échelle nationale via les coopératives de fournitures d’énergies renouvelables qui sont dirigées par leurs clients, leurs prestataires et les collectivités locales. Finalement, l’ESS contribue à réinventer notre système démocratique, en donnant à chacun la possibilité de prendre des décisions dans le champ de l’économie.

SP : Maintenant, il faut aussi que les responsables politiques comprennent que l’ESS ce n’est pas une économie de la réparation, une économie de deuxième zone. Il y a encore quelques jours, un président de Région disait qu’heureusement que l’ESS existait car elle permettait aux personnes modestes d’accéder aux différents circuits économiques. Il faut sortir de cette vision étriquée et dépassée de l’ESS pour défendre ce qu’elle est : un moyen pour toutes et tous de contribuer au développement économique de nos territoires en protégeant nos ressources, en répondant aux besoins réels qui sont les nôtres sans rechercher une lucrativité outrancière.

 

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Sébastien Chaillou-Gillette et Stéphane Pfeiffer présentent leur livre ICI

 

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En savoir plus :

Rubrique de l’Institut ISBL  « A découvrir … » – Un « Notre Monde » est possible, Sébastien Chaillou-Gillette et Stéphane Pfeiffer, éditions Les petits matins, collection Mondes en transitions, parution le 10 mars 2022

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