Aux côtés des formes à but non lucratif déjà existantes dans les droits nationaux, l’association transfrontalière européenne (ATE) est une nouvelle personne juridique supplémentaire introduite par une proposition de directive européenne du 05 septembre 2023 que chaque État membre de l’UE doit intégrer dans son propre système juridique actuel dans un délai de 2 ans.
Ces dernières semaines, l’Union Européenne (UE) a incontestablement fait des avancées significatives en matière de reconnaissance et de soutien apporté aux institutions sans but lucratif (ISBL) en leur permettant d’adopter le statut d’ATE pour le développement de leurs activités dans l’espace de l’UE.
Les règles communautaires qui lui sont applicables sont notamment les suivantes :
- Raison d’agir : L’ATE est adaptée à tous les domaines de l’activité humaine, y compris à travers la réalisation d’activités économiques voire commerciales dans le but de permettre à ces ISBL « de libérer tout leur potentiel sociétal et économique dans l’UE. »
- Activités transfrontalières : L’ATE est spécifiquement conçue à des fins transfrontalières dans l’espace de l’UE. Dès lors, elle doit faire en sorte ou prévoir, dans ses statuts, d’exercer des activités dans au moins deux Etats membres et/ou comptes des membres fondateurs ayant des liens avec au moins deux Etats membres, soit sur la base de leur citoyenneté ou de leur résidence légale, dans le cas des personnes physiques, soit sur la base de la localisation de leur siège social, dans les cas d’entités juridiques.
- But non lucratif : Indépendamment du fait que les activités de l’association soient de nature économique ou non, les bénéfices générés ne doivent être utilisés que dans la poursuite des objectifs de l’ATE, tels qu’ils sont définis dans ses statuts et ne sont pas distribués entre ses membres.
- Adhésion : Cette entité juridique repose sur le principe de libre adhésion, constituée au moyen d’un accord volontaire par des personnes physiques qui sont des citoyens de l’UE ou qui résident légalement dans l’UE ou des entités juridiques à but non lucratif établies légalement dans l’UE.
- Membres : Ses membres ne sont pas responsables des actes ou omissions de l’ATE et chacun d’entre eux doit disposer d’une voix.
- Statuts : A l’exception de quelques règles et informations obligatoires, les ATE déterminent librement leurs règles de fonctionnement, y compris les règles relatives à ses structures internes de gestion et de gouvernance.
- Gouvernance : Les ATE doivent disposer d’un organe décisionnel et d’un organe exécutif composé au minimum de 3 personnes qui ne doivent pas avoir fait l’objet d’une condamnation pour une infraction pénale particulièrement grave ou représentants d’une entité juridique membre de l’organe exécutif.
- Fonctionnement : Dans tous les aspects de son fonctionnement, les ATE ne doivent pas être traiteés de manière moins favorable que l’association sans but non lucratif nationale.
- Dénomination sociale : Le nom de l’ATE doit être précédé ou suivi de l’acronyme « ATE. »
- Transfert du siège : Le siège de l’ATE doit être situé dans l’UE mais peut à tout moment être transféré d’un Etat membre à un autre selon une procédure spécifique.
- Enregistrement : L’ATE est tenue de s’enregistrer qu’une seule fois suivant une procédure spécifique prévue aux articles 18 et 19. L’enregistrement sera effectif dans un délai de 30 jours à compter de la présentation d’une demande complète et automatiquement valable dans toute l’UE.
- Capacité juridique : L’ATE acquière la personnalité et la capacité juridique lors de son enregistrement. Elle dispose du droit de conclure des contrats et d’accomplir des actes juridiques, d’ester en justice, de posséder des biens mobiliers et immobiliers, d’exercer des activités économiques, d’employer du personnel, de recevoir, de solliciter et d’aliéner des dons et autres fonds de toute nature provenant de sources légales, de participer à des marchés publics et de demander un financement public.
- Responsabilité : L’ATE répond de ses actes sur ses biens propres et, à la différence du GEIE et de l’EDIC, sa responsabilité est illimitée.
- Financement : Aucune restriction ne peut être imposée à la capacité de l’ATE concernant sa capacité à fournir ou recevoir des financements dans le respect des principes généraux du droit de l’UE ; elle dispose d’un accès libre et non discriminatoire aux financements publics et privés, y compris des dons, provenant de quelque source légale.
- Transformation : Les associations d’ores et déjà établies dans l’UE peuvent se transformer en ATE au sein du même Etat membre, sans dissolution ni interruption de sa personnalité juridique.
- Registre et certificat ATE : Toute création, modification statutaire, ou dissolution d’une ATE sera constatée dans un registre partagé et donnera lieu à la délivrance d’un certificat ATE, sous forme numérique et sur support papier, dans un délai de 5 jours à compter de l’enregistrement.
- Dissolution et liquidation : L’ATE peut être dissoute, soit volontairement , soit à l’initiative de l’autorité compétente d’un Etat membre dans des conditions limitativement énumérées. Elle donne lieu systématiquement à la liquidation de la structure concernée et son boni de liquidation fait obligatoirement objet d’un transfert, soit au bénéfice d’une entité à but non lucratif exerçant une activité similaire à celle de l’ATE dissoute, soit à une autorité locale qui est tenue de les utiliser pour une activité similaire à celle de cette dernière.
- Régime juridique et fiscal : La directive européenne du 05 septembre 2023 ne vise pas à réglementer certains domaines du droit pertinent pour les ATE dans le marché intérieur, en particulier la fiscalité, le droit du travail, la concurrence, la propriété intellectuelle ou encore la lutte contre le blanchiment de capitaux ou l’insolvabilité. Mais, en application des principes de subsidiarité et de proportionnalité applicables au sein de l’UE , elle leur garantit qu’elles ne soient pas traitées moins favorablement qu’une association de droit local (la plus) similaire de l’État membre où elle opère.
En résumé, pour les associations souhaitant prolonger leur action dans l’espace de l’UE, l’ATE constitue une formidable opportunité de développement pour peser sur les politiques publiques au niveau européen et contribuer à la réalisation concrète des objectifs de développement durable (ODD).
Colas Amblard, docteur en droit, avocat
En savoir plus :
Plaidoyer en faveur de l’entreprise associative, Colas Amblard éditorial ISBL magazine, juillet 2018
C. Amblard, La gouvernance de l’entreprise associative : administration et fonctionnement, Ed. Juris-édition Dalloz, Collec. Hors-Série, août 2019, 229 pages
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