Engageant leur responsabilité personnelle, la faute de gestion, même involontaire, peut être lourde de conséquences pour les dirigeants et administrateurs. Il existe néanmoins certaines précautions à prendre pour s’en prémunir, à commencer par un contrôle régulier de l’organisation.
Condamné pour avoir déposé les fonds de son association sur des placements qui se sont avérés malheureux. C’est le sort qu’a réservé la Cour de cassation [1] au trésorier d’une organisation gestionnaire de plusieurs structures médico-sociales, dont les statuts ne confiaient pas un tel pouvoir à cet administrateur. L’affaire rappelle que les mandataires sociaux répondent personnellement des fautes de gestion ayant causé un préjudice à l’organisation qu’ils représentent, à un salarié ou encore à un créancier. Directeurs d’établissements et services sont aussi concernés, au titre des responsabilités qui leur sont consenties, via leur contrat de travail et d’éventuelles délégations de pouvoir, notamment.
Responsabilité personnelle
« La faute de gestion engage celui qui l’a commise sur ses biens propres. Il n’a plus l’écran de la personnalité juridique de l’organisation pour le protéger » résume Colas Amblard, avocat associé au cabinet NPS CONSULTING. Reste que celle-ci n’est pas définie par les textes. Seule la jurisprudence nous éclaire à son sujet. « Elle intervient en particulier lorsqu’un dirigeant ou un administrateur ne respecte pas le cadre de sa fonction, fixé par les statuts : soit qu’il outrepasse ses pouvoirs, soit qu’il n’assure pas pleinement ses missions » explique le juriste.
La faute ne doit néanmoins pas être confondue avec de possibles « erreurs de gestion » complète-t-il. « Si un conseil d’administration valide la signature d’un contrat que la structure est ensuite incapable d’honorer, dans ce cas la responsabilité est collective, elle repose sur l’organisation« .
Dans la fonction publique, on retrouve une distinction semblable entre « faute de service » et « faute personnelle » : « Cette dernière est le plus souvent caractérisée par la malveillance, comme détourner des fonds », indique Jean-Marc Lhuillier, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP).
Par manque de vigilance
La plupart du temps, il s’agit de manquements relatifs à la gestion financière de l’association ou de la fondation, ayant par exemple concouru à sa mise en redressement ou en liquidation judiciaire . Par exemple, employer des ressources d’exploitation pour financer d’autres dépenses, ou encore prendre des engagements pécuniaires disproportionnés par rapport aux capacités qu’a l’organisation de les assumer, voire laisser perdurer une situation déficitaire. « N’exercer aucun contrôle peut être considéré comme une faute… par omission » prévient Maître Colas Amblard.
Certaines stratégies d’investissement sont également condamnables. « En cas de non-respect de l’objet social de la structure notamment », explique Pierre Naitali, avocat spécialisé en droit des associations et des fondations. « Ainsi, si le président d’une organisation du secteur du handicap décide de développer des activités relevant du champ de l’exclusion. » C’est aussi le fait, pour un dirigeant, de ne pas se conformer à certaines obligations légales et réglementaires qui lui incombent personnellement. « Je pense aux règles d’hygiène et de sécurité, quand le directeur a une obligation de surveillance, illustre Pierre Naitali. De la même manière, si la commission de sécurité demande la fermeture d’un bâtiment qui n’est pas aux normes, la responsabilité du chef d’établissement est automatique en cas d’accident.»
Des poursuites au civil et au pénal
Si la faute de gestion est avérée, la responsabilité civile du dirigeant ou du mandataire est engagée. Elle est parfois partagée avec d’autres personnes morales ou physiques. L’auteur peut alors être sommé de verser des dommages et intérêts à la victime. Dans certaines situations, il peut être astreint à rembourser tout ou partie des dettes de l’association ou de la fondation qu’il représente.
Le Code civil introduit néanmoins une distinction entre mandataires salariés et ceux à titre gratuit. «Pour ces derniers, la juridiction apprécie la faute avec moins de sévérité, explique Pierre Naitali. En revanche, une fois la responsabilité reconnue, la sanction est identique, que l’on soit rémunéré ou non : il faut réparer l’entier préjudice. »
Des poursuites pénales sont aussi possibles en cas de fraude : abus de confiance (trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende), escroquerie (cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende), vol (trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende)… Et ce, même sans intention de s’enrichir. Par exemple, « la responsabilité d’un président et d’un directeur a été engagée car ils avaient utilisé le budget d’exploitation des établissements pour financer l’activité “formation” de l’association. Les juges ont considéré que c’était un abus de confiance », illustre Pierre Naitali [2]. D’autres infractions peuvent être également punies dans ce cadre : harcèlement moral, travail dissimulé, mise en danger de la vie d’autrui, atteinte à la vie privée…
Des circuits de décision attestés
Afin d’éviter le pire, directeurs et mandataires sociaux ont la possibilité de se protéger avec une assurance responsabilité civile professionnelle. Mais pour se prémunir au quotidien, rien de tel que de garder un œil attentif sur ses tableaux de bord. « Il est nécessaire de veiller à la bonne gestion des établissements et services en mettant en place un contrôle interne : exiger un reporting financier régulier de la part des directeurs et faire avec eux des points sur l’état de fonctionnement des structures, conseille Pierre Naitali. Difficile aussi de se passer d’un contrôle externe : en s’appuyant sur l’avis des commissions de sécurité, en désignant un commissaire aux comptes… »
De manière générale, il est également préférable de conserver les documents attestant des circuits de décision. « La délégation de pouvoir peut être faite oralement, mais il est alors plus compliqué d’en apporter la preuve, explique Maître Colas Amblard. Un acte écrit ou un procès-verbal du conseil d’administration facilitent la démarche. » Enfin, en amont, mieux vaut circonscrire soigneusement le champ d’action de chacun : « Les contrats de travail et les éventuels actes de délégation de pouvoir doivent donc être rédigés avec précision, souligne Colas Amblard. Tout comme les statuts. » Prévenir la faute de gestion, dès le commencement.
source: www.directions.fr par Aurélia Descamps
En savoir plus :
Revue Direction [s] septembre 2014 « Faute de gestion, un risque à ne pas sous-estimer«
- L’innovation sociale, une activité d’intérêt général ? - 27 novembre 2024
- HCVA : précisions sur le rescrit mécénat - 27 novembre 2024
- Table ronde :Quel avenir pour les associations ? – 5 décembre 2024 - 27 novembre 2024