A priori, il ne fallait pas attendre grand-chose d’une instruction fiscale de synthèse. En effet, ces nouvelles dispositions datant du 18 décembre 2006 (1) reprennent pour l’essentiel la méthodologie en trois étapes principales initiée par les textes antérieurs (2) : gestion désintéressée, absence de concurrence apportée au secteur commercial, utilité sociale appréhendée à travers la règle des 4 « P ».

Voilà pour l’analyse à première vue.

Mais à bien y regarder, cette nouvelle instruction (3) comporte de nombreuses précisions utiles dans la recherche de la différenciation entre les modes d’intervention économique « traditionnel » et associatif.

Pour ne citer que quelques exemples (4), il convient de constater que :

  • La notion de gestion désintéressée est désormais intimement liée au respect des conditions de transparence financière et de démocratie par les associations (conditions non prévues dans la loi du 1er juillet 1901), cette dernière condition étant réputée acquise en cas de signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs avec l’Etat,
  • La situation des directeurs salariés se trouve sécurisée, et par la même celle des organismes dont ils sont issus sur le plan fiscal, par une série de dispositions (5) destinées à éviter que ces derniers ne soient considérés comme des dirigeants de fait,
  • Le mode de calcul des seuils de ressources et de rémunération versée aux dirigeants en application de l’article 261-7-1°d du CGI par les « grandes associations » intègre désormais clairement celles de leurs organismes affiliés ; de la même façon, sont clarifiées les hypothèses de cumul de responsabilités au sein des organismes sans but lucratif et la situation des dirigeants mis à disposition,
  • La concurrence apportée aux entreprises commerciales : la nouvelle instruction fiscale consacre définitivement l’approche in concreto des situations de concurrence avec les entreprises intervenant sur un même secteur en retenant la méthode fondée sur une « analyse fine », activité par activité. En cela, la position de l’Administration est conforme à celle du Conseil d’Etat dans son arrêt Association Jeune France du 1er octobre 1999 ; reste à savoir si, de ce point de vue, le recours à un certain nombre de fiches sectorielles sera de nature à pallier les disparités d’interprétation trop souvent constatées entre correspondants de la vie associative,
  • La règle des 4P : en ne retenant plus que les critères liés au « produit » et au « public » (« bénéficiaire » et non plus « visé »), la notion d’utilité sociale perd incontestablement de sa dimension prospective. A l’inverse, en confortant les critères liés à l’affectation des excédents (dont la réalisation et l’accumulation apparaissent légitimes), au « prix » (susceptible d’être identique à ceux pratiqués par le secteur concurrentiel s’il fait apparaître une modulation en fonction de la situation des clients) ainsi qu’à la « publicité » (internet n’étant plus considéré comme un vecteur publicitaire mais plutôt comme un moyen destiné à informer le public), les associations et les osbl s’apparentent désormais de plus en plus à de véritables entreprises sociales (6),
  • La sectorisation et la filialisation : désormais, en matière de taxe professionnelle, seules les activités lucratives sont imposables, quand bien même ces dernières seraient prépondérantes ou ne feraient pas l’objet d’une sectorisation ; une « association mère » peut désormais être considérée comme exerçant une gestion passive tout en étant majoritaire dans le capital de sa filiale ( ?) et ainsi bénéficier du régime de faveur « mère-fille » concernant les dividendes reçus.

Ainsi, on le voit, les précisions ne manquent pas.

Mais, peut-on considérer que la nouvelle instruction fiscale répond véritablement aux aspirations « associatives » du moment ?

L’on peut en douter eu égard à certaines constatations :

  • Sur la nécessité de mettre en oeuvre un régime fiscal clair et sécurisant pour tous : en retenant une méthode en 3 étapes, applicable désormais « activité par activité », cette nouvelle approche ne risque-t-elle pas au contraire de rendre plus complexe encore l’application du dispositif fiscal propre aux associations ?,
  • Sur la nécessité de disposer de fonds propres suffisants : l’adoption d’un seuil fixe de franchise commerciale au titre des recettes lucratives accessoires à hauteur de 60.000 € (7) ne nous semble pas adapté aux exigences actuelles de la vie associative. Dans cette « course à l’échalotte », les petites associations risquent en effet d’y perdre leur âme (8), tandis que pour les grandes associations, le montant de cette franchise apparaît ridiculement bas en ne permettant pas, par conséquent, à cette partie du « monde philanthropique d’être économiquement viable » (9). Aussi, il aurait été plus utile de prévoir un dispositif « coulissant » en fonction du budget annuel de l’association (par exemple une franchise équivalente à 20 ou 30% du budget annuel de l’association non assujettie),
  • Sur le besoin de renouvellement de ses cadres dirigeants : si le bénévolat se porte bien, le renouvellement des cadres associatifs pose problème à brève échéance, et particulièrement dans certains secteurs (10). De ce point de vue, la possibilité offerte aux dirigeants associatifs de recevoir une rémunération en contrepartie d’un travail effectif accompli pour le compte de l’association (exemple : enseignement), sans remettre en question le régime fiscal de cette dernière, demeure plus que jamais une piste de réflexion intéressante. Dommage qu’elle n’ait pas été explorée à cette occasion…

Ainsi on le voit, beaucoup de précisions utiles, certes, mais pour finalement peu d’avancées significatives.

Gageons qu’il conviendra maintenant d’attendre les prochaines échéances électorales pour revenir sur ces aspects essentiels de la (sur)vie des associations et des osbl… affaire à suivre.

Colas AMBLARD

Rédacteur en chef

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Notes:

[1] Instr. fisc. 18 déc. 2006, BOI 4 H-5-06

[2] Instr.fisc. 15 sept. 1998, BOI 4 H-5-98, 16 févr. 1999 BOI 4 H-1-99, 30 oct. 2000 BOI 4 H-3-00 et 17 déc. 2001 BOI 4 H-6-01

[3] Associations loi 1901, associations régies par la loi locale de 1908 (départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin), congrégations religieuses, fondations reconnues d’utilité publique et fondations d’entreprise, à l’exclusion des syndicats professionnels et des mutuelles

[4] De plus amples précisions seront apportées ultérieurement et en particulier lors du séminaire de formation prévu à Lyon le 2 mars 2007

[5] Exemple : la possibilité de participer à titre consultatif aux réunions du conseil d’administration

[6] Le terme a été emprunté à M. Hugues SIBILLE, Président d’Avise, Adjoint du Président du Crédit Coopératif, Préface in L’entreprise associative : guide juridique des activités économiques et commerciales des associations, par Colas AMBLARD, Editions AME, nov. 2006

[7] La franchise des impôts commerciaux a été instituée par l’article 15 de loi de finances de 2000 et réactualisée en 2002

[8] Et par la même occasion le droit à la franchise puisque celle-ci n’est applicable qu’aux activités lucratives accessoires

[9] Entrepreneurs sociaux : l’efficacité économique au service des démunis, Le Monde 28 - 29 janvier 2007, p. 10

[10] On pense particulièrement au secteur sanitaire et social

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