En janvier 2021, plusieurs décisions de Cour d’appel sont venues apporter des précisions sur le droit disciplinaire des associations sportives.
L’article revient ici sur trois décisions qui lui semblent importantes et qui confirment l’importance de bien rédiger ses statuts et son règlement intérieur.

 

Il est important de veiller attentivement à la rédaction des statuts et du règlement d’une association sportive, ce d’autant lorsque vous devez prendre la lourde décision d’en sanctionner un adhérent.

Au sein d’une association sportive, la décision du conseil de discipline de prononcer la radiation ou l’exclusion d’un membre doit être prise sur le fondement et en application des dispositions des statuts de l’association.

En janvier 2021, plusieurs décisions de Cour d’appel viennent rappeler cette règle.

Il est donc important en amont de vérifier la rédaction de ces actes et leur cohérence.

A défaut, les juges du fonds n’hésiteront pas à annuler les sanctions prononcées et, en cas d’exclusion ou de radiation, à prononcer la réintégration de l’adhérent au sein de la structure.

Voici un tour d’horizon de ces décisions.

En date du 5 janvier 2021, la Cour d’appel de Grenoble (n°18/04604) a annulé une sanction disciplinaire au motif qu’il ne doit exister aucune distinction entre la sanction qui est prononcée et la sanction finalement notifiée à l’intéressé.

En l’espèce, un joueur a été convoqué à un conseil de discipline en vue d’une radiation pour avoir pris des décisions au nom de l’association, sans l’accord du Président ou du Comité directeur, et pour avoir eu un comportement discréditant l’image du club. Il a ensuite été exclu de son association. La Cour d’appel de Grenoble confirme le jugement de première instance et l’annulation de la sanction entrainant ainsi la réintégration de l’athlète au sein de l’association.

Pour motiver sa décision, la Cour d’appel retient que les griefs présentés contre le sportif dans la lettre de convocation devant le conseil de discipline, et dans le procès-verbal qui en ressort, ne correspondent pas avec la sanction notifiée à l’intéressé.

En effet, le procès verbal du conseil de discipline retranscrit le fait que l’athlète a été sanctionné par sa radiation. En revanche, dans sa lettre de notification de la sanction, il est fait état d’une exclusion.

Ces deux sanctions n’ont pas la même nature et ne reposent pas sur les mêmes griefs. La radiation ne peut être prononcée que pour non-paiement d’une cotisation, alors que l’exclusion résulte d’une infractions aux statuts et au règlement intérieur de l’association.

Ainsi, le conseil de discipline s’est prononcé à tort en faveur d’une sanction qui n’était pas celle finalement notifiée au sportif. Le conseil de discipline aurait du se prononcer sur l’exclusion de l’athlète pour non respect des règles statutaires de l’association, notamment du fait de son comportement portant atteinte à l’image du club.

Il est donc impératif de vérifier la cohérence des actes.

La Cour d’appel de Limoges a rendu un arrêt le 7 janvier dernier (n°19/00719) précisant que la sanction doit être prononcée par l’organe de l’association statutairement compétent et que la procédure doit respecter les droits de la défense.

La décision d’une association sportive d’exclure un adhérent en lui refusant la qualité de membre pour des manquements aux règles de sécurité et de moralité s’analyse, au regard des statuts de l’association, en une radiation pour motif disciplinaire.

Ainsi, cette sanction doit être prononcée dans le respect des règles de procédure qui sont définies par les statuts et par les droits de la défense.

La Cour d’appel relève dans cette affaire que les statuts de l’association ne prévoyaient que deux moyens pour perdre la qualité de membre de l’association, la démission et la radiation. Ils prévoyaient également que la radiation pouvait être prononcée pour non-paiement des cotisations, non-observation des statuts ou du règlement intérieur, ou encore pour faute grave.

En l’espèce, malgré le non-paiement de la cotisation par le sportif, la Cour d’appel relève que ce grief n’est pas soulevé par l’association pour prononcer sa radiation.

La Cour d’appel considère que la demande de réintégration de l’athlète est fondée car son exclusion n’a pas été prononcée par l’organe statutairement défini comme étant compétent, c’est-à-dire le comité de direction de l’association, mais par le conseil d’administration. Ainsi, la procédure de radiation pour motif disciplinaire n’a pas été respectée par l’association.

Les juges précisent également que la convocation du plongeur avec notification des griefs qui sont formulés à son encontre n’a pas été délivrée dans un délai suffisant avant la réunion du conseil. Par conséquent, l’adhérent a été privé de son droit à préparer sa défense.

La Cour d’appel a donc logiquement prononcé l’annulation de la sanction et la réintégration du sportif au sein de l’association.

Autre décision, la Cour d’appel de Pau a prononcé le 7 janvier 2021 (n°19/02272), la réintégration de plusieurs sportifs à la suite de l’annulation de sanction disciplinaire.

Il ressort de cette décision que la procédure disciplinaire doit être exempt de conflit d’intérêts, qu’elle doit respecter le principe de publicité des débats et que la sanction envisagée doit être prévue dans les statuts ou le règlement intérieur de l’association.

Dans sa décision, la Cour d’appel relève que les sanctions ont été prises en réponse à des critiques émises envers le Président de l’association. Si la Cour ne se prononce pas sur la pertinence de la sanction, elle fait droit à la demande des sportifs pour des irrégularités procédurales.

D’une part, elle précise que le Président de l’association a pris part aux votes pour les sanctions alors qu’il était la principale victime des faits. La Cour a reconnu l’existence d’un conflit d’intérêt manifeste qui aurait dû, selon les statuts de la fédération, empêcher le Président de participer aux votes.

D’autre part, la Cour d’appel rappelle que pour empêcher le public d’assister aux débats, il faut justifier d’une atteinte à l’ordre public ou à la vie privée des membres. En l’espèce, ce n’était pas le cas et rien ne permettait à l’association de prendre une telle mesure en contournant le principe de publicité des débats devant les organes disciplinaires.

Pour finir, les juges du fonds précisent que la critique de la gestion de cette dernière n’est pas susceptible de sanction par le comité directeur en vertu des principes du droit disciplinaire et des différents documents disciplinaires de l’association (le règlement intérieur ne prévoyait pas ce grief)

Dans cet arrêt, ce n’est pas moins de trois problèmes procéduraux qui ont permis l’annulation des sanctions prononcées.

Pour éviter ces situations et le retour d’un adhérent n’ayant plus sa place dans l’association, cette dernière doit prêter une attention particulière aux règlements fédéraux, aux statuts et au règlement intérieur de l’association avant de prononcer une sanction.

Globalement, il faut que la sanction soit :

  • prévue dans un des textes susvisés ;
  • applicable aux griefs retenus contre l’adhérent ;
  • prononcée dans le respect des droits de la défense ;
  • prononcée par l’organe associatif compétent ;
  • de même nature entre le prononcé et la notification.

Dans le cas contraire, l’association risquera outre l’annulation de la sanction, d’être condamnée par les juges judiciaires.

 

 

Victoria DREZE, Juriste et Guillaume GHESTEM, Avocat






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