Les dernières jurisprudences en matière de mise en jeu de la responsabilité personnelle des dirigeants associatifs confirment la nécessité de caractériser une faute de gestion ou une faute détachable des fonctions pour engager la responsabilité du dirigeant, ainsi que l’exigence d’un lien de causalité avec le préjudice allégué. Les décisions récentes illustrent la rigueur des juridictions dans l’appréciation de ces critères, tant en matière de responsabilité délictuelle que dans le cadre des procédures collectives.

 

  • Nécessité d’une faute détachable des fonctions pour engager la responsabilité personnelle du dirigeant associatif

La jurisprudence rappelle que la responsabilité personnelle d’un dirigeant associatif ne peut être engagée que si une faute détachable de ses fonctions est caractérisée, c’est-à-dire une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. À défaut, seule la responsabilité de l’association peut être recherchée.

Ainsi, dans une affaire où un organisme de gestion collective réclamait le paiement de redevances à des dirigeants associatifs, la cour a jugé que les manquements reprochés ne présentaient pas le caractère de gravité requis pour constituer une faute détachable des fonctions exercées au sein de l’association. En conséquence, la responsabilité personnelle des dirigeants n’a pas été retenue (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 28 février 2024, n° 23/08240).

De même, le tribunal a rejeté la demande d’un créancier visant à obtenir le paiement d’une dette associative auprès du dirigeant, faute pour ce dernier d’avoir commis une faute détachable de ses fonctions. Le tribunal a précisé que la simple émission de chèques sans provision par l’association ne suffisait pas à caractériser une telle faute à l’encontre du dirigeant (Tribunal Judiciaire de Toulouse, Pole civil collegiale, 14 novembre 2024, n° 24/02537).

 

  • Responsabilité pour fautes de gestion dans le cadre des procédures collectives

La mise en jeu de la responsabilité personnelle du dirigeant d’association est également possible en cas de fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif lors d’une liquidation judiciaire. Les juridictions exigent la preuve de la qualité de dirigeant de droit ou de fait, l’existence de fautes de gestion caractérisées, et un lien de causalité avec l’insuffisance d’actif.

La cour d’appel de Dijon a ainsi confirmé la condamnation d’un président d’association à supporter l’insuffisance d’actif, retenant que la tenue d’une comptabilité insincère constituait une faute de gestion ayant contribué à masquer la situation déficitaire de l’association. La cour a également précisé que la qualité de dirigeant de droit était caractérisée par la fonction de président, même si les décisions étaient prises collectivement (Cour d’appel de Dijon, 2e chambre civile, 16 janvier 2025, n° 22/01106).

Dans une autre affaire, la cour d’appel de Bourges a retenu la qualité de dirigeant de fait à l’encontre d’un bénévole ayant exercé des fonctions de direction (embauche de salariés, gestion des comptes), et a jugé que la gravité des fautes de gestion justifiait la condamnation à supporter l’intégralité du passif de l’association en liquidation (Cour d’appel de Bourges, 1re chambre, 28 mars 2024, n° 23/00830).

 

  • Appréciation stricte de la preuve de la faute et du lien de causalité

Les juridictions se montrent exigeantes quant à la preuve de la faute personnelle du dirigeant et du lien de causalité avec le préjudice. À titre d’exemple, la cour d’appel de Rennes a rejeté la demande d’indemnisation de créanciers à l’encontre d’un dirigeant, faute pour eux d’avoir démontré une faute personnelle détachable de ses fonctions et un préjudice distinct de celui des autres créanciers (Cour d’appel de Rennes, 5e chambre, 19 juin 2024, n° 21/06522).

 

  • Limites à la mise en cause de la responsabilité personnelle

Enfin, la cour d’appel d’Amiens a infirmé une décision d’interdiction de gérer prise à l’encontre d’un dirigeant d’association, en relevant que les griefs de gestion n’étaient pas établis et que les faits reprochés étaient antérieurs à sa prise de fonction. Cette décision rappelle que la responsabilité personnelle ne peut être engagée qu’en présence de fautes caractérisées et imputables au dirigeant concerné (Cour d’appel d’Amiens, Chambre economique, 3 avril 2025, n° 24/02146).

 

En synthèse :

La jurisprudence récente confirme que la mise en jeu de la responsabilité personnelle des dirigeants associatifs suppose la réunion de conditions strictes : qualité de dirigeant, faute de gestion ou faute détachable des fonctions, et lien de causalité avec le préjudice ou l’insuffisance d’actif. À défaut, la responsabilité de l’association seule est engagée.

 

 

 

En savoir plus :

Présider une association : la vigilance est de mise, Colas Amblard, Institut ISBL, octobre 2024

Association et dirigeant de fait : attention au retour de bâton !, Colas Amblard, Institut ISBL octobre 2024

Président : un écrit sinon rien !, Institut ISBL, octobre 2023

Faute détachable des fonctions de dirigeant, Institut ISBL, novembre 2023

La révocation du dirigeant d’association, Institut ISBL, novembre 2023

Action en comblement d’insuffisance d’actif : un risque pour les dirigeants associatifs !, Colas Amblard, Institut ISBL juin 2021

Un directeur salarié peut être reconnu dirigeant de fait d’une association, Colas Amblard,  Institut ISBL avril 2020






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