Dans un article antérieur, publié sous le titre « La transparence financière des associations cultuelles » , j’abordais l’implémentation de la Loi confortant le respect des principes de la République, également connue sous le nom de Loi CRPR du 24 août 2021 ou Loi « Séparatisme ».

En conclusion, j’avais exprimé des réserves quant à la faisabilité des résultats escomptés par cette loi, soulignant que les acteurs au sein de ces associations pourraient rencontrer des difficultés à assimiler et à appliquer les mesures prévues. Quelle est la situation actuelle à ce sujet ?

 

Loi CRPR (Loi confortant le respect des principes de la République) : rappel de quelques points clés

Il demeure complexe d’établir un bilan précis de la mise en œuvre de la transparence financière au sein des associations cultuelles suite à la loi CRPR. Cependant, plusieurs observations découlent de plusieurs mois d’échanges et de pratiques avec les parties prenantes.

En premier lieu, il convient de noter que le choix du régime juridique entre une association loi du 4 janvier 1907 et une association loi de 1905 reste complexe pour les dirigeants associatifs. La gestion d’une association mixte 1907 (cultuelle et culturelle) peut sembler plus contraignante, notamment sur le plan fiscal, par rapport à une association 1905 exclusivement cultuelle. Les avantages fiscaux offerts par cette dernière, tels que les droits de mutation à titre gratuit, l’exonération de diverses taxes, et la possibilité d’émettre des reçus fiscaux, sont des incitations importantes.

Malgré cela, certaines associations avec un patrimoine immobilier conséquent préfèrent demeurer en association mixte plutôt que de tirer profit des avantages fiscaux de la loi de 1905. Et pourtant en pratique, une association 1901 peut demeurer propriétaire d’un bien immobilier et transférer l’usufruit à une association 1905 via un bail emphytéotique, devenant ainsi redevable de la taxe foncière et bénéficiant de l’exonération qui en découle.

D’autres associations optent pour la scission de leurs activités entre une association cultuelle de 1905 et une association de 1901. Enfin, certaines préfèrent régulariser leur statut en passant de 1907 à 1905. Ces choix sont souvent motivés par des considérations stratégiques telles que la méfiance envers les préfectures, la protection du patrimoine immobilier, ou l’adhésion à des fédérations dictant les orientations stratégiques.

Les professionnels du chiffre, tels que les experts-comptables et les commissaires aux comptes, rencontrent également des difficultés dans l’exercice de leurs fonctions. Il est souvent laborieux d’établir une comptabilité inexistante (reconstitution de l’actif immobilisé) ou d’évaluer le bénévolat. De plus, les dirigeants d’associations peuvent recourir à des non-professionnels pour la gestion de la paie, entraînant des problèmes de conformité avec le droit du travail.

Très rares sont les associations disposant d’une comptabilité répondant aux normes comptables en vigueur : absence de documents justifiant les ressources (PV de quêtes), caisse inexistante, à-nouveaux non justifiés, etc. Dans ce contexte, formuler une opinion correcte face à tant d’incertitudes demeure un défi.

Les commissaires aux comptes doivent également faire face à des contrôles internes insuffisants et à des difficultés dans l’audit des cycles sociaux. Ils se trouvent confrontés à plusieurs obstacles, tels qu’une équipe dirigeante peu formée, une méconnaissance du rôle de l’auditeur rendant le budget difficilement défendable, d’autant plus que le barème légal ne s’applique pas dans le secteur associatif.

Dans le cadre d’une association mixte faisant appel à la générosité du public, où les contrôles du CER (compte d’emploi des ressources) et du CROD (compte de résultat par origine et destination) sont obligatoires, se pose la question de la formation adéquate et de l’expérience suffisante pour effectuer les contrôles nécessaires.

Malgré ces difficultés, des progrès tangibles sont observés. Des représentants départementaux sont désormais en place pour assurer le relais avec les préfectures. La Banque de France soutient les associations ayant acquis la personnalité morale avec la mise en place de la procédure du droit au compte. Les services de l’État accompagnent les associations et accordent des délais supplémentaires pour se conformer à la loi. Les professionnels du chiffre sont mieux formés et bénéficient d’une meilleure implication des compagnies nationales et régionales. Enfin, les associations cultuelles prennent conscience de l’importance de la bonne gouvernance et de la transparence financière pour assurer leur développement économique et un équilibre financier.

Bien qu’il reste beaucoup à faire pour garantir la transparence financière des associations cultuelles, des avancées concrètes sont indéniables. Assurer la transparence financière est essentiel pour gagner la confiance des personnes qui confient leurs fonds à ces associations.

 

 

Alioune Wallabregue, expert-comptable – commissaire aux comptes

 

 

 

En savoir plus :

Loi CRPR du 24 août 2021 ou Loi « Séparatisme 

Loi confortant le respect des principes de la République : une histoire de détournement de pouvoir, Colas Amblard, éditorial ISBL magazine juillet 2023

Charte des Engagements Réciproques ou Contrat d’engagement républicain : de la co-construction à la déconstruction, Jean-Louis Cabrespines,  Institut ISBL avril 2023

Souvenons-nous ! #CER, Carole Orchampt , éditorial ISBL magazine novembre 2022

La transparence financière des associations cultuelles,  Hamid Bachir Bendaoud et Alioune Wallabregue, Institut ISBL, avril 2022

 

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