TEXTE DE LA QUESTION n° 13042 publiée dans le JO Sénat du 14/11/2019, p. 5691

M. Marc Daunis (Alpes-Maritimes – SOCR) appelle l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances au sujet de la sécurisation de la notion d’utilité sociale pour les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Ces sociétés coopératives ont la particularité d’associer différents acteurs économiques, publics et privés pour la réalisation en commun d’un projet d’utilité sociale et d’intérêt collectif. La SCIC est un mode d’entreprendre conciliant activité économique et intérêt général, fortement sollicité notamment dans les domaines de la lutte contre les déserts médicaux (ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé), le développement de l’énergie citoyenne (Enercoop) et de l’habitat partagé (coopératives d’habitations à loyer modéré – HLM), la mutation du secteur du sport ou encore la revitalisation des territoires.

Un des freins à leur développement est lié aux incertitudes issues interprétations de la définition de l’utilité sociale applicable aux SCIC. En effet, les articles 19 quinquies et suivant de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération a prévu, en 2001, que les SCIC ont pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Or, si l’intérêt collectif du projet de la SCIC se définit par son multi-sociétariat, l’utilité sociale ne bénéficie pas d’une définition claire. Certains éléments ont été apportés par la circulaire DIES n° 2002-316 du 18 avril 2002 relative l’agrément des SCIC (procédure aujourd’hui disparu et circulaire abrogée) et dans le décret n° 2015-1381 du 29 octobre 2015 relatif aux éléments d’informations sur l’évolution du projet coopératif d’une SCIC à inscrire dans le rapport de gestion ou le rapport du conseil d’administration ou du directoire, sans préciser de définition claire.

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dont il était le rapporteur au Sénat, a introduit, dans son article 2, une définition de l’utilité sociale « au sens de la présente loi ». Or cette définition de l’utilité sociale avait vocation à s’appliquer aux dispositifs contenus dans la loi de 2014 (entreprises de l’économie sociale et solidaire et l’agrément « entreprises solidaires d’utilité sociales »). Une extension de l’application de cet article 2 sortirait du cadre fixé par le législateur, et serait en dissonance avec la définition issue de la loi du 10 décembre 1947 et de ses textes d’application provoquerait une hécatombe dans les SCIC. Cela priverait de surcroît les territoires d’un outil innovant pour porter des projets utiles à tous.

En ce sens, en 2016, un groupe de travail dirigée par le ministère de l’économie et des finances a conclu que la définition de l’article 2 de la loi du 31 juillet 2014 ne pouvait s’appliquer qu’aux dispositifs issus de cette loi, excluant donc les dispositions de la loi du 10 décembre 1947.

Un décret aurait été rédigé pour préciser la définition de l’utilité sociale pour les SCIC mais n’a toujours pas fait l’objet d’une publication à l’heure actuelle. Le fort intérêt du Gouvernement et du Parlement pour le développement des SCIC et de leur mode d’entreprendre a été rappelé par le rejet unanime de la fiscalisation de leurs résultats mis en réserves, lors de la discussion du projet de loi n° 2272 (Assemblée nationale, XVe législature) de finances pour 2019. Dès lors, il lui demande dans quel délai il compte procéder à la publication de ce décret très attendu par le secteur pour soutenir le développement de cette forme vertueuse d’entreprendre autrement.

TEXTE DE LA RÉPONSE du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 11/06/2020, p. 2726

Le Gouvernement avait rappelé, notamment lors des débats sur la loi de finance pour 2019, son attachement au développement des sociétés coopératives d’intérêt collectives (SCIC) qui répondent, par leur gouvernance particulière et leur lucrativité limitée, à une demande de renouveau dans la façon d’entreprendre. Les SCIC ont pour objet, en application de l’article 19 quinquies de la loi de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Suite à la suppression de l’agrément préfectoral obligatoire des SCIC par l’article 26 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, une incertitude existe sur la définition de l’utilité sociale au sens de l’article 19 quinquies de la loi du 10 septembre 1947. Or, il existe en droit plusieurs définitions de « l’utilité sociale » qui s’appliquent selon le contexte dans lequel elles sont utilisées. Fiscalement, l’utilité sociale est un élément de la règle dite des 4P permettant d’identifier l’absence de concurrence avec le secteur commercial. Dans ce contexte, une activité a une utilité sociale si elle tend à satisfaire un besoin non pris en compte ou de façon insuffisante par le marché. Cette notion se trouvera également dans le secteur du logement avec les conventions d’utilité sociale passées entre un organisme HLM et l’État. L’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire introduit la notion d’entreprise « poursuivant une utilité sociale au sens de la présente loi », limitant ainsi son champ d’application. Cet article n’a pas modifié la définition fiscale et n’a pas, non plus, modifié les conditions de création et de fonctionnement des SCIC dont l’utilité sociale n’est pas liée à leur objet social. Aussi, la poursuite d’une utilité sociale, au sens de la loi du 31 juillet 2014 ne peut être valablement utilisée pour définir l’utilité sociale de leur production de bien ou prestation de service. Pour sécuriser le développement des SCIC et palier l’incertitude consécutive à la suppression de l’agrément préfectoral, un projet de décret précisant la notion d’utilité sociale au sens de l’article 19 quinquies de la loi du 10 septembre 2017 est actuellement en cours d’élaboration en vue d’une publication courant 2020.

 

En savoir plus :

C. Amblard, Utilité sociale : l’avantage compétitif des associations, Juris associations Dalloz, 15 févr. 2020, n°613






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