Une évolution nécessaire, le passage d’une vision budgétaire centrée sur les coûts vers une vision économique centrée sur la valeur d’utilité sociale : mesure d’impact et retour social sur investissement[1]analyse coûts-bénéfices  entre  l’ensemble des coûts (d’investissement, fonctionnememnt, environnement, social) et  l’ensemble des bénéfices (économiques, sociaux, … Continue reading

 

Le contexte

La méconnaissance relative des institutions à but non lucratif, dont celui des associations gestionnaires du secteur médico-social[2]36 200 associations employeuses soit 23% des 159 000 associations employeuses et 51% des budgets associatifs  (jurisassociations n° 596 – 1er avril 2019), et plus particulièrement celui du secteur du handicap, ouvre le champ à des représentations faussées, notamment sur le poids pour la collectivité nationale, de leur financement. Les associations[3]Les 1,5 million d’associations représentent 22 millions de bénévoles. seules 159 000 sont des associations gestionnaires et réalisent 88% du budget cumulé du secteur associatif qui pèse 113 … Continue reading sont souvent regardées sous le seul prisme des subventions publiques qui leurs sont versées (coût pour la collectivité et accroissement de la dette) et plus rarement sous le prisme de l’investissement social (gain pour la collectivité et retour sur investissement). Le risque de ce regard biaisé est de considérer l’association gestionnaire comme un seul inducteur de coûts dans une logique de « toujours plus ».

Le champ du handicap est porté quasi exclusivement par plus de 30 000 associations qui représentent 90 % des structures existantes (établissements et services). Le secteur du handicap échappe aux lois du marché et au code des marchés publics (concurrence par les prix). Il existe cependant une procédure dite « d’appel à projet » (AAP) qui n’entre pas dans le champ strict de la commande publique[4]Toute latitude est laissée au candidat dans la définition et l’organisation de sa réponse à l’AAP mais qui organise une concurrence entre les acteurs[5]Une concurrence qui doit ouvrir la réflexion sur les notions d’efficacité et d’efficience sociale attendue des associations au-delà du « reporting » d’exécution budgétaire.

Le secteur du handicap est en quasi-totalité financé par des fonds publics par le biais d’arrêtés de tarification[6]Les produits de la tarification ne sont pas considérés comme des subventions . Ils se distinguent également des marchés publics par l’absence de contrepartie directe mais de prestations rendues … Continue reading dans lesquels sont fixés les ressources (budgets) allouées par les autorités de tarification (financeurs et tutelles)[7]Les associations gèrent ainsi la quasi-totalité de l’aide aux handicapés et de leur insertion. Il comprend de nombreux financeurs, décideurs publics et modes de tarification qui tend à une certaine complexité rendant difficile une évaluation consolidée des actions mises en œuvre. De manière générale et dans un raccourci rapide[8]Le financement du secteur médico-social est d’une grande complexité (des modes de tarification différents, de nombreux financeurs) les budgets des établissements sociaux et médico-sociaux s’analysent comme une dépense obligatoire pour la collectivité qui résulte d’une créance sur l’État de la personne qui relève de l’aide sociale.

Le financement[9]Une grande part des subventions publiques nourrit le secteur parapublic associatif, auquel l’État et les collectivités délèguent des missions de service publicdes associations gestionnaires du secteur relève du système de la tarification (prix de journée ou budget global) dans une logique de « reconduction » des budgets alloués.

La logique de l’évaluation étant très peu développée, l’allocation de ressource n’est pas subordonnée à une condition d’efficience (rapport entre les budgets alloués et la qualité finale) mais relève plutôt d’une logique de reconduction. La notion de « résultat social » étant encore balbutiante, le risque est de considérer l’association gestionnaire uniquement comme consommateur de budget dans une logique de toujours plus. Un autre biais de représentation serait de réduire l’association gestionnaire à un consommateur de subventions publiques au détriment de son expertise d’ingénierie sociale profitable à la collectivité nationale[10]Il est alors permis de regarder l’association comme un investisseur social producteur de valeur au profit de la collectivité et de s’interroger sur quelle garantie entre les sommes investies et … Continue reading.

Une évolution du dialogue de gestion semble nécessaire pour organiser le passage d’une logique budgétaire (dépenses budgétaires) vers une logique économique de l’investissement social[11]Contrairement à ce que l’on peut observer dans certains pays, notamment aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, nous ne disposons en France que de rares travaux fournissant des estimations fiables des … Continue reading et du retour sur investissement (valeur d’utilité sociale[12]La loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire décrit l’utilité́ sociale selon quatre dimensions : le soutien à des publics vulnérables, la cohésion … Continue reading et impact social[13]L’impact social consiste en l’ensemble des conséquences (évolutions, inflexions, changements, ruptures) des actions d’une organisation tant sur ses parties prenantes externes … Continue reading) d’autant plus que dans le secteur du handicap où la demande n’est pas solvable et où l’offre est contingentée, les lois du marché ne peuvent pas être mises en œuvre.

Les subventions[14]Les subventions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. tendent à devenir minoritaires dans le financement public des associations (hors champ du handicap). La personne publique privilégie la commande publique, en particulier le recours à des procédures d’appel d’offre permettant une analyse plus globale des actions mises en œuvre par les prestataires au-delà du critère unique du « meilleur coût ou de la moindre dépense ».

Il est donc indispensable de disposer à terme d’une mesure d’impact économique et social des actions mises en œuvre. L’objectif étant de rendre compte à la collectivité nationale de l’efficience de l’action au-delà de la justification de l’exécution des budgets.

 

L’exemple de grim : un changement de regard

L’association GRIM[15]L’association GRIM s’inscrit dans une démarche globale innovante orientée RSE (label iso 26000 et démarche de mesure d’impact), association Lyonnaise, s’inscrit dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Forte de 170 salariés, elle est gestionnaire de services médico-sociaux. Elle accompagne près de 2 000 personnes avec troubles psychiatriques.

Elle fonde son action sur une approche du handicap par les droits. La personne accompagnée est considérée comme un sujet de droit et non comme un objet de soin. Elle pose comme fondement à son action le passage de la logique de prise en charge de la personne vers la logique de prise en compte des besoins. Son organisation et son fonctionnement qui visent à s’inscrire dans les enjeux d’une nouvelle demande sociale pour une société dite « inclusive » induit la nécessité d’une approche innovante.

Les activités de GRIM sont fondées sur les valeurs de la solidarité, du respect et de l’adaptabilité.

L’association s’articule autour de 2 axes principaux :  laccompagnement social et médico-social (rétablissement et habitat inclusif) et la protection juridique de personnes fragiles (services tutélaires), en raison d’une situation de handicap ou de l’âge. Ces activités se déploient dans un contexte de complexité socio-économique grandissante.

En contexte de finances publiques contraintes, l’optimisation des arbitrages d’allocations de ressources par la puissance publique (aide à la décision) peut s’appuyer utilement sur l’évaluation socio-économique. L’analyse coûts-bénéfices qui n’est pas exclusivement financière permet de déterminer si une politique sociale est créatrice de valeur[16]Comparaison des coûts et des bénéfices (monétaires et non monétaires) sur le long terme, pour l’ensemble des parties prenantes (directs et indirects) concernés par la politique évaluée. permettant ainsi d’allouer les ressources de façon équitable et optimale.

Dans une logique plus globale de RSE[17]Fera l’objet d’un prochain article.  L’association GRIM passe d’une logique ISO 9000 (qualité du processus internes) à une logique RSE ISO 26 000 (prise en compte des parties prenantes) l’association GRIM s’inscrit dans l’objectif de mesurer les effets de son action d’accompagnement des personnes en situation de handicap en prenant en compte les interactions entre toutes les dimensions de l’accompagnement par les parties prenantes.

Dans le secteur de « l’économie du handicap » les outils permettant de mesurer les effets d’un accompagnement médico-social dans sa globalité (impact social-économique et retour sur investissement) n’existent pas ou sont encore balbutiants. Dans le cadre complexe d’un accompagnement des personnes vulnérables dans une logique de société inclusive (ouverture sur le droit commun, partenariats, etc…) nous pensons indispensable cette approche pour renforcer la cohérence sur le long terme lors de l’engagement de la dépense publique.

Devant cette insuffisance d’outils, en s’appuyant sur une récente étude du cabinet Citizing de septembre 2020 intitulée « Protection juridique de majeurs : Et si ça n’existait pas ? »[18]Évaluation des impacts socio-économiques de la protection juridique de majeurs par les mandataires professionnels, septembre 2020, GRIM initie la mesure de son action dans une approche globale qui dépasse le cadre limitant du suivi budgétaire[19]Selon France stratégie « …il est nécessaire de disposer d’une méthodologie d’évaluation opérationnelle et robuste scientifiquement pour l’évaluation des impacts sur la santé des … Continue reading. Cette évaluation de mesure d’impact s’appuie sur une méthodologie dite « impact additionnel » qui permet d’estimer un écart entre une situation sans l’existence GRIM et la même situation avec GRIM.

 

Focus accompagnement social et médico-social

L’analyse de la valeur est initiée par GRIM depuis l’année 2021 afin de d’innover dans sa communication politique et financière autour de sa valeur ajoutée en termes d’investissement social.

La méthodologie développée simpliste et partielle sera consolidée dans un proche avenir afin de consolider le modèle d’analyse.

La première étape se concentre sur l’accompagnement social (habitat, services d’accompagnement médico-social) mettant l’accent sur les seuls gains relatifs à la diminution du nombre de jours d’hospitalisation des personnes accompagnées dans une approche d’impact différentielle[20]Selon France stratégie « …il est nécessaire de disposer d’une méthodologie d’évaluation opérationnelle et robuste scientifiquement pour l’évaluation des impacts sur la santé des … Continue reading. En effet, Le lien de causalité de la diminution des jours d’hospitalisation des personnes avec les processus d’ingénierie de l’accompagnement, est démontré par des enquêtes et l’analyse des pratiques du terrain.

Résultats partiels[21]Ce focus dans une première approche ne rend pas compte des potentiels autres effets positifs (culture, santé, vie sociale et consommation, citoyenneté, …)

  • Entre 2019 et 2021 la diminution de jours d’hospitalisation constaté 1 262 jours (passage de 2484 jours à 1222 jours) soit un gain économique pour la société de l’ordre de 1 Million d’euros sur la base d’un prix de journée en psychiatrie de l’ordre de 850 €.
  • Sur la même période le coût des services de GRIM (habitat inclusif) est de l’ordre de 0,3 million d’euros sur la base d’un coût de journée de 450 €
  • L’impact économique sur l’unique base de la diminution des jours d’hospitalisation est donc un impact positif de 0,7 million d’euros. Par ailleurs, nous notons sur le long terme qu’après 5 années d’accompagnement il est constaté aucun retour à l’hôpital (le retour sur investissement est réel et certain).

Dans le cas d’espèce, la limite de l’exercice dans le dialogue de gestion avec le financeur originel de l’action médico-social est criante. En effet, la mesure d’impact dépasse le cadre budgétaire fléché de l’action puisque son impact est global. Il est parfois opposé un discours du type : « le budget hôpital n’entre pas dans mes compétences, je n’en suis pas le gestionnaire ».

La mesure d’impact, assise sur une vision globale de la dépense publique pour la collectivité, est freinée dans sa mise en œuvre par la « spécialisation des financements publiques » et la complexité du processus des finances publiques.

 

Focus services de protection des majeurs

Pour ce qui concerne l’activité des services de protection, Le rapport Citizing de 2020 cité plus haut conclut : « chaque euro public investi dans la protection juridique de majeur entraine 1,5 € de gains sociaux économiques » : Pour chaque personne protégée le coût public est de 1.377 € alors que les bénéfices sociaux-économiques sont de 2.084 € soit un retour sur investissement social (ROI) de 1,5

En effet, l’accompagnement des personnes vulnérables (accompagnement tutélaire des personnes protégées) a plusieurs conséquences positives et impacts finaux[22]Source : Évaluation socio-économique de la protection juridique de majeurs par des professionnels – CITIZING – 2020 :

  • Maltraitance financière évitée
  • Réduction des coûts liés à la pauvreté́ (soins, logement, justice, etc.)
  • Réduction du sans-abrisme
  • Valorisation du patrimoine
  • Réduction des incidents bancaires
  • Aide à la stabilisation psychiatrique
  • Institutionnalisation évitée
  • Répit des aidants familiaux
  • Augmentation de l’estime de soi (accès au travail, au logement, à la vie sociale)

L’association GRIM après analyse du rapport confirme les conclusions.

Aussi, rapporté à l’association GRIM, le gain économique et social pour une année, des services de protection des majeurs est de l’ordre de 4,5 millions d’euros pour un budget de 3 Millions d’euros.

 

Conclusion

L’approche évaluative de l’accompagnement social pourrait à terme s’appuyer sur une démarche d’impact qui est globale, systémique, élaborée et conduite avec les parties prenantes (financeurs publics et privés, bénéficiaires, salariés, acteurs du droit commun,).  La mesure d’impact qui permet d’évaluer l’opportunité des projets publics est déjà une obligation légale pour l’État pour les projets de plus de 20 millions d’euros. Un nombre croissant d’acteurs du secteur privé et de l’économie sociale et solidaire s’inscrivent dans cette démarche. Le monde associatif à peut-être à gagner dans cette démarche.

 

 

 

 

Patrick POZO, Président Association GRIM

Print Friendly, PDF & Email
Patrick Pozo

References

References
1 analyse coûts-bénéfices  entre  l’ensemble des coûts (d’investissement, fonctionnememnt, environnement, social) et  l’ensemble des bénéfices (économiques, sociaux, environnementaux, éducatifs, , etc.) d’un projet
2 36 200 associations employeuses soit 23% des 159 000 associations employeuses et 51% des budgets associatifs  (jurisassociations n° 596 – 1er avril 2019)
3 Les 1,5 million d’associations représentent 22 millions de bénévoles. seules 159 000 sont des associations gestionnaires et réalisent 88% du budget cumulé du secteur associatif qui pèse 113 milliards d’euros, soit 3,3 % du PIB ( le poids du secteur humanitaire, santé, social représente 51% du total)
4 Toute latitude est laissée au candidat dans la définition et l’organisation de sa réponse à l’AAP
5 Une concurrence qui doit ouvrir la réflexion sur les notions d’efficacité et d’efficience sociale attendue des associations au-delà du « reporting » d’exécution budgétaire
6 Les produits de la tarification ne sont pas considérés comme des subventions . Ils se distinguent également des marchés publics par l’absence de contrepartie directe mais de prestations rendues aux usagers
7 Les associations gèrent ainsi la quasi-totalité de l’aide aux handicapés et de leur insertion
8 Le financement du secteur médico-social est d’une grande complexité (des modes de tarification différents, de nombreux financeurs)
9 Une grande part des subventions publiques nourrit le secteur parapublic associatif, auquel l’État et les collectivités délèguent des missions de service public
10 Il est alors permis de regarder l’association comme un investisseur social producteur de valeur au profit de la collectivité et de s’interroger sur quelle garantie entre les sommes investies et la qualité finale ?
11 Contrairement à ce que l’on peut observer dans certains pays, notamment aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, nous ne disposons en France que de rares travaux fournissant des estimations fiables des effets à moyen et long terme des politiques d’investissement social (France stratégie)
12 La loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire décrit l’utilité́ sociale selon quatre dimensions : le soutien à des publics vulnérables, la cohésion territoriale, l’éducation-citoyenneté et le développement durable. (Art.2)
13 L’impact social consiste en l’ensemble des conséquences (évolutions, inflexions, changements, ruptures) des actions d’une organisation tant sur ses parties prenantes externes (bénéficiaires, usagers, clients) directes ou indirectes de son territoire et internes (salariés, bénévoles, volontaires), que sur la société́ en général. ». Conseil supérieur de l’ESS
14 Les subventions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent.
15 L’association GRIM s’inscrit dans une démarche globale innovante orientée RSE (label iso 26000 et démarche de mesure d’impact)
16 Comparaison des coûts et des bénéfices (monétaires et non monétaires) sur le long terme, pour l’ensemble des parties prenantes (directs et indirects) concernés par la politique évaluée.
17 Fera l’objet d’un prochain article.  L’association GRIM passe d’une logique ISO 9000 (qualité du processus internes) à une logique RSE ISO 26 000 (prise en compte des parties prenantes)
18 Évaluation des impacts socio-économiques de la protection juridique de majeurs par les mandataires professionnels, septembre 2020
19, 20 Selon France stratégie « …il est nécessaire de disposer d’une méthodologie d’évaluation opérationnelle et robuste scientifiquement pour l’évaluation des impacts sur la santé des investissements publics…
21 Ce focus dans une première approche ne rend pas compte des potentiels autres effets positifs (culture, santé, vie sociale et consommation, citoyenneté, …)
22 Source : Évaluation socio-économique de la protection juridique de majeurs par des professionnels – CITIZING – 2020





© 2024 Institut ISBL |  Tous droits réservés   |   Mentions légales   |   Politique de confidentialité

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?