En 2025, le monde associatif est en grande détresse financière. Plus d’une association employeuse sur deux, et un tiers des non-employeuses, sont confrontées à des problèmes de trésorerie. Pour près d’un tiers des structures employeuses, la trésorerie ne couvre même pas trois mois d’activité. Le cœur associatif de notre société bat à vide, sous les coups de boutoir d’un gouvernement de plus en plus autoritaire.

 

Les arbitrages budgétaires des collectivités mettent en péril ces structures privées à but non lucratif qui emploient 11 % des salariés en France. En 2024, 856 associations ont été concernées par des procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire)[1]Le Monde 7 février 2025 De nombreuses associations en grande difficulté, des milliers d’emplois menacés, au plus haut depuis 2018. Les subventions publiques s’effondrent : 45 % des financements attribués pour 2025 sont en baisse, parfois drastique. Résultat : des activités réduites, des projets annulés, et des populations fragiles laissées pour compte.

 

Des difficultés qui interpellent

Face à ce mur, les associations improvisent : recours aux dons, au mécénat, à l’emprunt, ou réduction des activités. Mais près de 40 % ne savent plus vers qui se tourner. Le financement public, pourtant vital, se dérobe. Les secteurs humanitaire, social et sanitaire sont les plus frappés, suivi du sport et de la culture.

Les fonds propres, souvent insuffisants voire inexistants, ne permettent pas d’amortir la crise. Et la situation empire : les baisses de financement touchent déjà l’emploi, les services rendus et le tissu social.

Après des mois de tergiversations, l’intention du gouvernement de supprimer 15 000 postes de service civique sur les 150 000 prévus initialement frise l’amateurisme[2]https://www.carenews.com/carenews-info/news/le-budget-de-15-000-missions-de-service-civique-gele.

Les associations ne peuvent pas faire toujours plus avec toujours moins. Elles portent une part essentielle de la solidarité, de la culture, de l’inclusion. Elles ne doivent pas devenir les grandes oubliées des politiques publiques.

Il est temps de réagir : un soutien structurel, pérenne et ambitieux est indispensable pour sauver les associations. Sans elles, c’est la société toute entière qui vacille.

 

Que fait le gouvernement ?

Derrière les discours sur « importance du tissu associatif », le gouvernement poursuit en réalité une logique de désengagement de l’État vis-à-vis des associations. Les subventions de fonctionnement, essentielles à l’autonomie des structures, diminuent depuis plus d’une décennie, remplacées par des appels à projets concurrentiels, à durée limitée, et souvent fléchés selon les priorités politiques « clientélistes » du moment. Cette logique impose une forme de mise en concurrence permanente entre associations, brisant la solidarité du secteur.

  • Une précarisation croissante du secteur associatif

Le résultat ? Une fragilisation inquiétante du monde associatif :

    • Suppression d’emplois aidés non compensée, notamment dans l’éducation populaire et l’action sociale.
    • Burn-out associatif, lié à l’épuisement des bénévoles et à la surcharge administrative.
    • Dépendance accrue aux financements instables, mettant en péril la pérennité des actions.
  • La philanthropie privée comme substitut toxique au financement public ?

Le gouvernement encourage de manière excessive le développement du mécénat privé, comme si les grandes fortunes devaient à elles-seules compenser le retrait de l’État. Ce glissement favorise une logique où les plus fortunés décident de ce qui mérite d’être financé, accentuant les inégalités entre associations “vendeuses” et causes invisibilisées. C’est une forme de privatisation déguisée du soutien à l’intérêt général.

  • Des consultations à tout va pour un gouvernement sans boussole politique, de belles paroles… mais quelle crédibilité quand les actes manquent ?

Le 29 avril 2025, Bercy a accueilli la Première Conférence des financeurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Une initiative inédite, ambitieuse sur le papier, destinée à poser les bases d’une stratégie nationale de financement pour un secteur qui emploie plus de 2,3 millions de personnes et porte un modèle économique plus juste, plus durable, plus ancré dans les territoires.

Autour de la table : acteurs de l’ESS, banques publiques, collectivités, fonds d’investissements… Tous s’accordent : il est urgent d’agir, et de bâtir des ponts entre économie classique et économie solidaire. Des ambitions affichées, une méthode de co-construction annoncée, des échéances fixées.

Rendez-vous est pris à l’automne… pour juger des suites données à cette conférence. Mais sans résultats concrets, les belles paroles ne suffiront plus.

Dans les faits, le tableau est tout autre…

Alors que le gouvernement promettait une hausse de 30 % du budget ESS, les crédits sont finalement revus à la baisse ou « stabilisés », selon la novlangue gouvernementale ? Moins de moyens pour les dispositifs locaux d’accompagnement, les chambres régionales de l’ESS ou encore les pôles territoriaux de coopération économique. 186 000 emplois menacés, alerte l’Union des employeurs de l’ESS. Un choc social majeur se profile, alors même que les collectivités, elles aussi étranglées budgétairement, réduisent leur soutien.

Et cerise sur le gâteau : pas plus tard que le 20 mai dernier, Jean-Jacques Michau (PS), sénateur de l’Ariège, a tiré la sonnette d’alarme au Sénat : l’État ne respecte pas ses engagements[3]Comptes rendus analytiques officiel. La réponse ? Une autosatisfaction déplacée, des chiffres bancals, et l’absence de cap clair.

Pendant ce temps, ce sont des milliards qui continuent de profiter aux entreprises capitalistes, sans contrepartie, alors même que ces crédits devraient être alloués au financement de l’intérêt général !

  • Record de dissolutions d’associations sous Macron : un tournant autoritaire ?

Depuis 2017, le gouvernement d’Emmanuel Macron a dissous plus d’une trentaine d’associations, un chiffre sans précédent sous la Ve République. En tête des motifs invoqués : l’atteinte à l’ordre public, l’« islamisme radical » ou encore le « séparatisme ».

Mais derrière cette offensive sécuritaire, de nombreuses voix dénoncent un usage politique de la dissolution, visant aussi des associations antiracistes, écologistes, ou critiques du gouvernement. La loi « Séparatisme » de 2021[4]L. 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a élargi les marges de manœuvre de l’exécutif, permettant des décisions administratives expéditives, souvent sans jugement préalable.

Des structures comme Les Soulèvements de la Terre, Palestine Vaincra ou Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) ont été ciblées, malgré un soutien populaire ou juridique important. Certaines dissolutions ont d’ailleurs été annulées par le Conseil d’État, soulignant les excès du pouvoir exécutif.

Pour les défenseurs des libertés associatives, c’est une alerte grave : l’État confond opposition et menace, et criminalise l’engagement militant. Une dérive autoritaire qui fragilise la démocratie et les contre-pouvoirs citoyens.

 

Quelle alternative ? Vers une refondation démocratique du financement de l’ESS !

Les acteurs de l’ESS ne veulent plus de conférences symboliques, ide ministres incompétents qui se succèdent tous les 6 mois, ils exigent des actes, des moyens, des garanties et de l’engagement dans la durée. Les associations ne réclament pas l’aumône, mais la reconnaissance de leur rôle politique, social et culturel essentiel. Cela suppose :

  • Une vraie co-construction des politiques publiques avec les acteurs associatifs et de l’ESS.
  • Un financement à la hauteur des enjeux de l’ESS.
  • Le respect des engagements budgétaires annoncés.
  • Une stratégie de soutien cohérente et construite avec les territoires.
  • Le retour à des subventions de fonctionnement pluriannuelles, sans ingérence politique.
  • La suppression de la loi « Séparatisme» de 2021[5]Jean-Damien Lesay, Bilan en demi-teinte pour la loi confortant le respect des principes de la République, Localtis, 17 janv. 2025.
  • Une fiscalité plus juste, où les grandes entreprises et grandes fortunes contribuent réellement au financement de l’intérêt général.
  • La reconnaissance pleine et entière du rôle de l’ESS dans la transformation sociale, écologique et économique du pays.

Assez de concours Lépine de la casse sociale ! On ne gère pas une société comme un tableau Excel. On ne sacrifie pas la solidarité sur l’autel de l’austérité.

Stop à cette surenchère cynique entre collectivités territoriales, à qui sabrera le plus violemment dans les budgets de la culture, du sport et du lien social !

Arrêtons ces postures « trumpistes » qui érigent la destruction du « vivre ensemble » en politique publique ! Ce n’est pas une gestion responsable, c’est un reniement démocratique.

Assez d’effets d’annonce !

Assez de ces logiques néolibérales et répressives qui font du démantèlement du « vivre ensemble » un projet politique assumé !

Quand le mépris social devient une stratégie, et la guerre au tissu associatif une ligne politique, il est temps de résister[6]Claude Alphandéry, la résistance en héritage : un podcast à écouter en ligne | France Culture.

L’ESS ne mendie pas : elle construit l’avenir.

L’État doit le comprendre et agir en conséquence.

Nous ne sommes pas dupes !

 

Colas Amblard, président de l’Institut ISBL

 

 

En savoir plus :

« Sans les associations, la société ne tiendrait pas ! », Jean Louis Cabrespines, Institut ISBL mai 2025

Loi confortant le respect des principes de la République : une histoire de détournement de pouvoir ?, Colas Amblard, Institut ISBL juillet 2023






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