Bien entendu, toutes les associations ne relèvent pas de l’Économie sociale et solidaire (ESS), et c’est heureux ! Mais, entreprendre, peut aussi signifier vouloir répondre à un besoin d’utilité sociale, créer de la richesse qui ne soit pas uniquement mesurable en terme monétaire ou encore s’inscrire dans une logique collective, responsable et désintéressée. Depuis trop longtemps, cette démarche essentielle dans la fonction humaine a été délaissée. Il est temps de se la réapproprier !
Les notions d’entreprise[1]Une entreprise se caractérise par le fait de réaliser une voire plusieurs activités économiques, c’est-à-dire offrir des biens ou des services sur un marché donné (principe général posé … Continue reading et d’activité économique[2]A ce stade, il est important de signaler que l’activité économique est une notion plus large que l’activité commerciale : en effet, si toute activité commerciale est économique, l’inverse … Continue reading ont été accaparées par le monde capitaliste. Pour l’ESS et surtout la société civile, il est désormais temps de reprendre en main ces concepts essentiels à la bonne marche de nos démocraties et de revendiquer haut et fort que l’entrepreneuriat ne doit plus être un monopole réservé au monde marchand[3]Le Code de commerce fait de la recherche d’un bénéfice, qui caractérise la spéculation, un caractère essentiel de l’acte de commerce. Ce critère de l’intention spéculative (élément … Continue reading mais au contraire, constituer une fonction plurielle, démocratique et responsable.
Pratique associative : de la philanthropie au « self-help »[4]Le Code de commerce fait de la recherche d’un bénéfice, qui caractérise la spéculation, un caractère essentiel de l’acte de commerce. Ce critère de l’intention spéculative (élément … Continue reading
Parmi les nombreux changements enregistrés au cours de ces dernières années, le formidable développement du recours à la formule offerte par la loi du 1er juillet 1901 et corrélativement l’entrée massive du monde associatif dans la sphère économique, sont autant de phénomènes[5]Amblard, Associations et activités économiques : contribution à la théorie du tiers secteur, thèse de droit, Université Saint-Quentin-En-Yvelines, juin 1998 qui permettent aujourd’hui de conclure à l’émergence de nouveaux rapports sociaux[6]J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, éd. Desclé de Brouwer, Paris, 1997. Certes, le rôle des associations a toujours été – et continue – de répondre au manque de lien social dans la construction d’une société démocratique mais depuis peu, l’action associative semble se concentrer tout particulièrement sur la réparation des échecs successifs imputables au marché (pauvreté, chômage, marginalité de certaines couches de la population, environnement, etc…) et tentant également de satisfaire des demandes sociales non prises en compte par l’État[7]Bourdieu, préc., p. 9 et s.. Or, étonnamment, ces changements dans la pratique associative ne sont pas dus à une modification du cadre juridique puisque la loi de 1901 est restée relativement stable depuis près de deux siècles, démontrant par là-même sa formidable capacité à résister au temps.
Sur le terrain, les associations ont enregistré ces changement depuis longtemps déjà : « une mutation est en train de s’opérer : la logique de celui qui donne et celui qui reçoit a peut-être fait son temps, on assiste à l’organisation de groupes qui portent leurs propres difficultés »[8]Propos de D. Duesne (membre du Secours catholique) recueillis par M.-P. Subtil, M.-P. Subtil, En pleine expansion, le bénévolat renouvelle les solidarités sociales, Le Monde, 10 févr. 1998, p. 10, « les exclus ne veulent pas seulement recevoir une aide, ils veulent participer. »[9]Propos de J. Laupètre (Président du Secours populaire) recueillis par M.-P. Subtil, Ibid, préc. p. 10 Au-delà de la satisfaction légitime de leurs besoins essentiels, ces individus sont à la recherche d’un sens à donner à leur vie, d’une activité « signifiante »[10]C. Colliot-Thélène et M. Weber et l’histoire, PUF, Paris, 1990, p. 66 et s. : « La seule instance donatrice de sens est l’activité signifiante de l’individu humain. » capable de leur redonner confiance en l’avenir, autant de besoins primordiaux qui ne sauraient être satisfaits, par les seules forces du marché et/ou les diktats de l’État.
« Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne » écrivait Alexis De Tocqueville[11]De Tocqueville, De la démocratie en Amérique (1835-1840), Paris, Gallimard, 1986.. Curieusement, en 2023, ce précepte prend tout son sens. En effet, confrontées à la situation inédite de la coexistence d’un niveau important « sous-emploi »[12]J.-P. Maréchal, Demain l’économie solidaire, le monde diplomatique, avr. 1998, p.19 : pour l’auteur, « le concept de sous-emploi, plus large que celui du chômage, regroupe les chômeurs, … Continue reading et de pauvreté qui s’aggrave[13]Selon Oxfam, En 2019, l’Insee comptait 9,2 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, auxquelles il faut ajouter environ 1,6 million de pauvres qui échappent aux … Continue reading malgré une richesse créée en constante augmentation (le PIB[14]A noter que ce système de comptabilisation de la richesse créée est actuellement fortement contesté : voir à ce sujet J. Gadrey et F. Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesses, Coll. … Continue reading en France est passé de 126 milliards en 1970 à 2642 milliards en 2023), les sociétés développées incapables de renverser la tendance actuelle, assistent à l’émergence de nouveaux modes de régulation socio-économiques, en particulier à travers le développement des entreprises d’ESS[15]Principalement représentées par les associations, coopératives, fondations, fonds de dotation et mutuelles. Ces « corps intermédiaires » et leur organisation en réseau[16]M.-P. Subtile, L’émergence de l’économie solidaire, Le Monde, 18 avr.1998, p.17 : « Les réseaux sont en train de bouleverser le paysage associatif. Ils innovent en ce sens qu’ils sont … Continue reading créés un renouveau du système productif, pas seulement en France mais également dans toute l’Union Européenne[17]Dans l’Union européenne (UE), l’économie sociale et solidaire représente 2,8 millions d’organisations et 13 millions d’emplois (soit 6,3 % des emplois de l’UE), selon les chiffres … Continue reading et même dans le monde. Ils viennent nous rappeler que la survie de notre société exige une diminution rapide de la part des activités qu’elle laisse régir par le marché et pose de plus en plus clairement le problème de la distribution de la richesse, celui de leur partage.
Profitant d’une diminution du temps de travail, la société civile s’organise
Contrairement aux idées reçues, cette formidable croissance de la richesse enregistrée au cours du siècle dernier s’accompagne d’une non moins remarquable réduction du volume global du travail[18]Le temps de travail en France est passé 2.200 heures par travailleur et par an en 1950 à 1.490 heures en 2021 (source : OCDE).. La durée moyenne du temps de travail correspond aujourd’hui à 8% du temps de vie éveillé[19]Pour une durée de vie moyenne de travail de 1.000 heures/an (incluant le travail à temps partiel), sur 33 années d’activité (âge moyen d’entrée sur le marché du travail : 24 ans ; de … Continue reading (soit 5% de notre existence) et concerne à peine 1 français sur 3[20]Sue, La richesse des hommes. Vers l’économie quaternaire, éd. O.Jacob, Paris, 1997, p.10 et s.. Ce constat prévisible procède de l’idée depuis longtemps exprimée que le progrès finirait un jour par nous libérer du travail contraint et nous conduirait vers une société où l’Homme serait plus libre de réaliser ses « besoins supérieurs » (besoins spirituels, culturels ou esthétiques…) : de plus en plus de richesses (matérielles) avec de moins en moins de travail, la loi n’est pas nouvelle ! En effet, les hommes ont de tout temps aspiré à se libérer de toutes formes de travail, les philosophes anciens se faisant depuis longtemps déjà l’écho de ce rejet[21]Platon, République, livre V : dans son utopie sociale, sa République modèle, l’auteur note que : « la nature n’a fait ni cordonniers, ni forgerons ; de pareilles occupations dégradent … Continue reading mais, ce qui jusqu’à maintenant constituait un mythe, est en passe de se réaliser grâce à l’automation[22]H. Marcuse, Eros et civilisations, minuit, Paris, 1963, p.10 : en 1963, le philosophe et psychologue lançait cet avertissement en forme de prophétie : « l’automation menace de rendre possible … Continue reading renforcée dernièrement par l’apparition de l’intelligence artificielle[23]Benhamou, Quel impact de l’intelligence artificielle sur l’avenir du travail ? strategie.gouv.fr, Rev. Personnel, juill./août 2018, n°589, p. 46 à 49.
Cette libération du travail[24]Rifkin, La fin du travail (Trad. Fr.), La découverte, Paris, 1996, préf. M. Rocard doit permettre de jeter les bases d’un « nouveau contrat social »[25]J.-L. Laville, Pour un nouveau contrat social, travers, Charleroi, n°107, mars 1996, p.22. dont le socle repose sur une vision alternative de l’économie et de l’entreprise.
Libérez l’entreprise a-capitaliste !
Parallèlement à cette « réduction-réorganisation » du travail[26]Gortz, Nous allons sûrement vers l’entreprise sans salariés permanents et à temps plein, Le Monde, 6 janv. 1998, p.14 ; voir également G. Aznar, Emploi : la grande mutation, Hachette, coll. … Continue reading, il importe aujourd’hui de libérer les nouvelles formes d’économie susceptibles de répondre à cette demande sociale. Il convient de tirer parti de gisements d’emplois qui correspondent à des besoins fondamentaux, tant sociaux qu’environnementaux, que la société satisfait mal en raison de la faiblesse de la demande solvable qui les sous-tend. Aussi, face au recul de l’État providence, des groupements de personnes d’un genre nouveau, en ce qu’elles combinent tout à la fois logique économique et logique sociale, s’imposent comme des modes d’action et d’expression collective[27]J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc. p.86. particulièrement adaptés aux besoins décelés dans nos sociétés contemporaines. L’essor de ces groupements, « profondément articulés autour de l’agencement des projets, des volontés et des exigences de la socialisation de leurs membres comme ressort majeur de leur dynamique et de leur permanence »[28][1]Ibidum, p.37.accompagne l’entrée de la société dans l’ère post industrielle[29]Sue, La richesse des hommes. Vers l’économie quaternaire, préc., p.11 et s.. Face aux menaces de fractures sociales[30]E. Dacheux et D. Goujon, Cohésion sociale et richesse économique, Management & Avenir 2013/7, n°65, p. 141 à 153 , ils constituent également le terrain d’expression privilégiée d’un certain nombre d’intérêts convergents dans les territoires (bénéficiaires, acteurs, collectivités publiques). Aussi, en se regroupant, les individus obligent par la même les politiques publiques à tenir compte de leurs revendications[31]R. Sue, Les associations au cœur d’un nouveau mode de développement économique, Le Monde des initiatives, 4 fév. 1198, p.3.. En définitive, si la finalité de l’entreprise associative[32]Amblard, La gouvernance de l’entreprise associative, Juris associations Dalloz, éd. Hors-Série, août. 2015, mon. 294 p. et autres organismes de l’ESS (OESS) consiste le plus souvent dans la « prise en charge économique d’un besoin de société »[33]J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc. p.320., en réalité, cette perspective utilitariste n’a d’autre objet que de proposer des solutions alternatives aux nombreux paradoxes de l’économie capitaliste.
Parmi ces OESS, l’association est souvent présentée comme la « forme la plus féconde de sociabilité »[34]M.-T. Chéroutre, Les associations dans la dynamique sociale, 13ème colloque de l’ADDES, Paris, 17 nov. 1997 et le groupement qui a connu le développement le plus spectaculaire au cours de ces dernières années, avec plus de 60 000 créations par an[35]Forse, Les création d’associations : un indicateur du changement social, observations et diagnostics économiques, janv. 1984. En admettant comme principe « la propriété durablement collective des résultats et leur réinvestissement dans l’activité »[36]J.L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc., p.77-78., elle fournit le cadre idéal à de nouvelles formes d’entreprise dont la finalité consiste en réalité à prendre en charge économiquement un besoin de société, comme le souligne Edith Archambault[37][1]E. Archambault, Le secteur sans but lucratif en France, Economica, 1996 : « facile à constituer, facile à adapter aux évolutions, l’association apparait comme un type d’organisation sociale privilégiée, souple, apte à répondre à tous les besoins en constante évolution de notre société, susceptible de fournir le cadre de gestion de nouvelles formes d’action, qui diffèrent à la fois de l’activité commerciale et du secteur public. ».
Remporter le défi de la méconnaissance
Accusant un déficit de communication auprès des populations concernées, cette nouvelle approche de l’entreprise doit pourtant relever le « défi de la méconnaissance. »[38]Moreau, L’économie sociale face à l’ultralibéralisme, Syros, 1994, p.98 et s. En effet, comme le disait déjà Edith Archambault[39]E. Archambault, Le secteur sans but lucratif en France, préc. au milieu des années 90, « en France comme dans la plupart des autres pays, l’importance croissante des associations dans la vie quotidienne des citoyens et leur implication du nombre de politique publique contraste avec la relative invisibilité dans le paysage institutionnel. »
Depuis la promulgation de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS[40]L. 2014-856 du 31 juill. 2014 (JO du 1er août), des avancées majeures ont été constatées de ce point de vue, en particulier grâce à l’action d’ESS France[41]Ess-France.org impulsée par son Président Jérôme SADDIER[42]J. Saddier, Pour une économie de la réconciliation. Faire de l’ESS la norme de l’économie de demain, Jérôme Saddier, Les petits matins, 2022. Mais si cette « bataille » est fondamentale pour l’avenir de nos démocraties, elle demeure pourtant encore loin d’être gagnée ! En effet, face aux tentations hégémoniques de l’idéologie néolibérale, rien ne laisse présager de l’issue finale. En raison de cette « pensée unique »[43]L’expression de I. Ramonet, Directeur du Monde Diplomatique, in « la pensée unique », Le monde diplomatique, janv. 1995 : selon l’auteur, elle traduit « en terme idéologique à … Continue reading, complaisamment relayée par certains médias[44]L’expression de I. Ramonet, Directeur du Monde Diplomatique, in « la pensée unique », Le monde diplomatique, janv. 1995 : selon l’auteur, elle traduit « en terme idéologique à … Continue reading, les « doxosophes »[45]P. Bourdieu, Contre-feu, propos pour servir à la résistance contre l’invasion néolibérale, préc., p15 : « Platon avait un mot magnifique pour tous ces gens, celui de doxosophes : technicien … Continue reading habillent de rationalisation économique les présupposés les plus classiques de la pensée conservatrice, dont la dernière expression en date prend aujourd’hui la forme de la mesure d’impact social[46]F. Jany-Catrice et M. Studer, La mesure d’impact à son sommet – revue AOC – 14 mars 2023 . En se présentant sous les dehors de l’inévitabilité ou de l’évidence, cette idéologie d’un autre âge – l’âge industriel – laisse aujourd’hui peu de place pour d’autres formes d’organisation dont la raison d’être est différente. Elle contribue à maintenir la logique marchande comme seule référence, à entretenir la fiction du travail salarié marchand comme la seule et unique source de création de richesse[47]J. Rifkin, La fin du travail, préface M. Rocard, préc., édifiant par la même une idéologie du travail, comme support à un ordre social d’autant plus difficile à faire évoluer qu’elle conforte le système de pouvoir en place. Face à la montée du chômage, les néolibéraux se rassurent en invoquant la théorie du « ruissellement. »[48]A. Parienty, Le mythe de la « théorie du ruissellement », La Découverte, sept. 2018 Mais cette théorie a aujourd’hui démontré ses limites, le « ruissellement » ne faisant en réalité que grossir un peu plus les rangs des étudiants et des travailleurs précaires parmi ceux dont les capacités professionnelles ne permettent pas de se réinsérer dans la vie professionnelle. Dénoncées depuis fort longtemps[49]Voir l’appel des économistes pour sortir de la pensée unique, colloque, 18-19 oct. 1996, la Sorbonne : en 1996, 270 économistes participaient au colloque. La déclaration finale adoptée à … Continue reading, ces tentations hégémoniques comme les capacités d’adaptation du système capitaliste, encore récemment exacerbées par la loi PACTE de 2019[50]L. 2019-486 du 29 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (JO 23 mai) (RSE, Entreprise à mission, Impact social) et l’émergence de l’entrepreneuriat social, expliquent en grande partie la crise du système représentatif, la fracture entre la société civile et la classe politique, et bien évidemment cette immobilisme consternant qui démontre l’incapacité du système en place à élargir l’espace de liberté des différents acteurs économiques quels qu’ils soient[51]Nowak, Pour une économie sociale de marché, Le Monde, 20 janv. 1998. tandis que la société de consommation, comme rattrapée par ces excès, ne suscite plus un esprit d’initiative capable d’infléchir la courbe du chômage. Dans un contexte économique arrivé à saturation, les « laissés pour compte » du libéralisme sont chaque jour plus nombreux, les inégalités sociales toujours plus évidentes sans que l’on soit en mesure d’annoncer les transformations profondes qui s’imposent.
Fort heureusement, le secteur associatif et les OESS recèlent l’existence de nouvelles formes d’entreprendre « socialement intéressées »[52]C. Amblard, L’association : l’entreprise a-capitaliste qui se fait attendre ! institut-isbl.fr, édito, juin 2023 fondées sur un renouveau du « collectivisme »[53]Il s’agit là, d’un collectivisme « tertiaire », fondé sur la propriété impartageable des bénéfices engendrés par une activité de services principalement. qui, progressivement, est en train de s’imposer dans notre paysage socio-économique. Grâce à sa souplesse d’adaptation, ce secteur a permis depuis le début du XXème siècle de trouver des réponses évolutives à des besoins en mutations constantes et bon nombre d’observateurs s’accordent pour reconnaître le rôle essentiel qu’il joue dans l’approche féconde des multiples problèmes que connaissent actuellement nos sociétés industrialisées. La capacité d’innovation sociale des associations, leur ancrage territorial, les emplois non-délocalisables qu’elles créées, sont autant d’atouts qui permettent de proposer des solutions alternatives afin de tenter de résoudre la crise démocratique, sociale et économique profonde qui secoue notre pays actuellement[54]Ano Kuhanathan et Taoufik Vallipuram, Des augmentations et de la solidarité, ou des émeutes de la faim ? L’obs, 29 sept. 2023 ; F. Joignot, Emeutes : La République doit-elle les craindre ? … Continue reading.
Colas Amblard , président de l’Institut ISBL
- Présider une association : la vigilance est de mise - 29 octobre 2024
- Association et dirigeant de fait : attention au retour de bâton ! - 29 octobre 2024
- A propos de la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback en qualité de ministre déléguée chargée de l’Economie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation - 29 septembre 2024
References
↑1 | Une entreprise se caractérise par le fait de réaliser une voire plusieurs activités économiques, c’est-à-dire offrir des biens ou des services sur un marché donné (principe général posé par la CJCE 18 juin 1998 aff. N35/96 : Rec. p.I-3851 point 36). Peu importe que le prix pratiqué soit inférieur à celui du « secteur lucratif » grâce à l’intervention de personnes bénévoles (CJCE 3ème ch. 29 nov. 2007 aff. 119/06 : Rec. 207 p. I-168) ou que l’association agisse sans but lucratif (CJCE 3ème ch. 29 nov. 2007, préc. ; Cass. 2ème civ. 26 sept. 2013 n°12-22.743 ; CA Nancy 6 juin 2019 n°18/00608) |
---|---|
↑2 | A ce stade, il est important de signaler que l’activité économique est une notion plus large que l’activité commerciale : en effet, si toute activité commerciale est économique, l’inverse n’est pas vrai (Cass. com. 25 janv. 2017, n°15-13.013FS-PBI : BAF 2/17 inf. 44) |
↑3 | Le Code de commerce fait de la recherche d’un bénéfice, qui caractérise la spéculation, un caractère essentiel de l’acte de commerce. Ce critère de l’intention spéculative (élément intentionnel) a été reconnu par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 1951 (Cass. Soc., 28 juin 1951, JCP éd. G. 1951, IV, p.161). La notion d’activité commerciale se caractérise également par la réalisation d’actes de commerce (C. com, art. L 110-1 et 110-2), comme élément matériel, qui repose essentiellement sur une construction arbitraire dont « les normes sont la consécration d’usages peu à peu établies et non une construction de la raison » (M. Despax, l’entreprise en droit, bibliothèque de droit privé, Paris, 1954, p.31 ; dans le même sens, A. Jaeffret, droit com., LGDJ, 19ème éd., p.33.) et créer un monopole commerçant disposant de droits spécifiques (bail commercial, régime de preuve spécifique, fonds de commerce, etc. |
↑4 |
Le Code de commerce fait de la recherche d’un bénéfice, qui caractérise la spéculation, un caractère essentiel de l’acte de commerce. Ce critère de l’intention spéculative (élément intentionnel) a été reconnu par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 1951 (Cass. Soc., 28 juin 1951, JCP éd. G. 1951, IV, p.161). La notion d’activité commerciale se caractérise également par la réalisation d’actes de commerce (C. com, art. L 110-1 et 110-2), comme élément matériel, qui repose essentiellement sur une construction arbitraire dont « les normes sont la consécration d’usages peu à peu établies et non une construction de la raison » (M. Despax, l’entreprise en droit, bibliothèque de droit privé, Paris, 1954, p.31 ; dans le même sens, A. Jaeffret, droit com., LGDJ, 19ème éd., p.33.) et créer un monopole commerçant disposant de droits spécifiques (bail commercial, régime de preuve spécifique, fonds de commerce, etc. |
↑5 | Amblard, Associations et activités économiques : contribution à la théorie du tiers secteur, thèse de droit, Université Saint-Quentin-En-Yvelines, juin 1998 |
↑6 | J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, éd. Desclé de Brouwer, Paris, 1997 |
↑7 | Bourdieu, préc., p. 9 et s. |
↑8 | Propos de D. Duesne (membre du Secours catholique) recueillis par M.-P. Subtil, M.-P. Subtil, En pleine expansion, le bénévolat renouvelle les solidarités sociales, Le Monde, 10 févr. 1998, p. 10 |
↑9 | Propos de J. Laupètre (Président du Secours populaire) recueillis par M.-P. Subtil, Ibid, préc. p. 10 |
↑10 | C. Colliot-Thélène et M. Weber et l’histoire, PUF, Paris, 1990, p. 66 et s. : « La seule instance donatrice de sens est l’activité signifiante de l’individu humain. » |
↑11 | De Tocqueville, De la démocratie en Amérique (1835-1840), Paris, Gallimard, 1986. |
↑12 | J.-P. Maréchal, Demain l’économie solidaire, le monde diplomatique, avr. 1998, p.19 : pour l’auteur, « le concept de sous-emploi, plus large que celui du chômage, regroupe les chômeurs, les travailleurs découragés et les travailleurs à temps partiel subi. » |
↑13 | Selon Oxfam, En 2019, l’Insee comptait 9,2 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, auxquelles il faut ajouter environ 1,6 million de pauvres qui échappent aux statistiques. Sans compter le fait que les statistiques de l’Insee concernent uniquement la France métropolitaine, alors que le taux de pauvreté monétaire des DOM est deux à cinq fois plus élevé qu’en métropole. Ainsi, le taux de pauvreté en France est officiellement de 14,6%, alors que les personnes pauvres représentent en réalité au moins 17% de la population. La pauvreté ne se caractérise pas seulement par un manque d’argent. En 2017, l’Union européenne a défini un indicateur de privation matérielle et sociale qui recouvre par exemple la précarité énergétique, la précarité alimentaire (ne pas pouvoir se nourrir correctement) ou encore la précarité numérique (ne pas pouvoir se payer un accès à internet). En France métropolitaine, 21% de la population sont en situation de pauvreté monétaire ou de privation matérielle et sociale, soit plus d’une personne sur cinq ! |
↑14 | A noter que ce système de comptabilisation de la richesse créée est actuellement fortement contesté : voir à ce sujet J. Gadrey et F. Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesses, Coll. Repères, éd. La Découverte, 2005, 123 p. |
↑15 | Principalement représentées par les associations, coopératives, fondations, fonds de dotation et mutuelles |
↑16 | M.-P. Subtile, L’émergence de l’économie solidaire, Le Monde, 18 avr.1998, p.17 : « Les réseaux sont en train de bouleverser le paysage associatif. Ils innovent en ce sens qu’ils sont faits de ce que chacun de leurs membres y apportent. Par définition, cette structure est plus vivante que celle classique du mouvement à hiérarchie pyramidale. » |
↑17 | Dans l’Union européenne (UE), l’économie sociale et solidaire représente 2,8 millions d’organisations et 13 millions d’emplois (soit 6,3 % des emplois de l’UE), selon les chiffres de Social Economy Europe. Dans ce secteur, l’emploi rémunéré dans ce secteur a augmenté de 26,8 % entre 2003 et 2010. Parmi les entreprises créées chaque année en Europe, 1/4 sont des entreprises ESS. |
↑18 | Le temps de travail en France est passé 2.200 heures par travailleur et par an en 1950 à 1.490 heures en 2021 (source : OCDE). |
↑19 | Pour une durée de vie moyenne de travail de 1.000 heures/an (incluant le travail à temps partiel), sur 33 années d’activité (âge moyen d’entrée sur le marché du travail : 24 ans ; de sortie : 58 ans) et une espérance de vie de 75 ans. |
↑20 | Sue, La richesse des hommes. Vers l’économie quaternaire, éd. O.Jacob, Paris, 1997, p.10 et s. |
↑21 | Platon, République, livre V : dans son utopie sociale, sa République modèle, l’auteur note que : « la nature n’a fait ni cordonniers, ni forgerons ; de pareilles occupations dégradent les gens qui les exercent, villes mercenaires, misérables sans nom qui sont exclus par leurs états même des droits politiques. Quant aux marchands accoutumés à mentir et à tromper, on ne les souffrira dans la cité que comme un mal nécessaire. Le citoyen qui se sera avili par le commerce de boutiques sera poursuivi pour ce délit. S’il est convaincu, il sera condamné à un an de prison. La punition sera double à chaque récidive » ; Ciceron, Des devoirs, I, titre 2, chapitre XL2 : « qu’est-ce que le commerce peut produire d’honnête ? Tout ce qui s’appelle « boutique » est indigne d’un honnête homme (…), les marchands ne pouvant gagner sans mentir, et quoi de plus honteux que le mensonge ! Donc, on doit regarder comme quelque chose de bas et ville le métier de tous ceux qui vendent leur peine et leur industrie ; car quiconque donne son travail pour de l’argent se vend lui-même et se met au rang des esclaves ». |
↑22 | H. Marcuse, Eros et civilisations, minuit, Paris, 1963, p.10 : en 1963, le philosophe et psychologue lançait cet avertissement en forme de prophétie : « l’automation menace de rendre possible l’inversion de la relation entre temps libre et temps de travail (…) elle menace d’offrir la possibilité de voir le temps de travail devenir marginal et le temps libre essentiel. Le résultat serait une transformation radicale du contenu des valeurs et un monde de vie incompatible avec la civilisation traditionnelle. La société industrielle avancée est mobilisée en permanence contre cette possibilité ». Et l’auteur ajoutait, « Puisque la longueur de la journée de travail elle-même est l’un des principaux facteurs répressifs imposés aux principes de plaisir par le principe de réalité, sa réduction (…) est la première condition préalable à la liberté. » ; voir également A. Sauvy, La machine et le chômage, Dunod, Paris, 1980. |
↑23 | Benhamou, Quel impact de l’intelligence artificielle sur l’avenir du travail ? strategie.gouv.fr, Rev. Personnel, juill./août 2018, n°589, p. 46 à 49 |
↑24 | Rifkin, La fin du travail (Trad. Fr.), La découverte, Paris, 1996, préf. M. Rocard |
↑25 | J.-L. Laville, Pour un nouveau contrat social, travers, Charleroi, n°107, mars 1996, p.22. |
↑26 | Gortz, Nous allons sûrement vers l’entreprise sans salariés permanents et à temps plein, Le Monde, 6 janv. 1998, p.14 ; voir également G. Aznar, Emploi : la grande mutation, Hachette, coll. Questions de société, 1996. |
↑27 | J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc. p.86. |
↑28 | [1]Ibidum, p.37. |
↑29 | Sue, La richesse des hommes. Vers l’économie quaternaire, préc., p.11 et s. |
↑30 | E. Dacheux et D. Goujon, Cohésion sociale et richesse économique, Management & Avenir 2013/7, n°65, p. 141 à 153 |
↑31 | R. Sue, Les associations au cœur d’un nouveau mode de développement économique, Le Monde des initiatives, 4 fév. 1198, p.3. |
↑32 | Amblard, La gouvernance de l’entreprise associative, Juris associations Dalloz, éd. Hors-Série, août. 2015, mon. 294 p. |
↑33 | J.-L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc. p.320. |
↑34 | M.-T. Chéroutre, Les associations dans la dynamique sociale, 13ème colloque de l’ADDES, Paris, 17 nov. 1997 |
↑35 | Forse, Les création d’associations : un indicateur du changement social, observations et diagnostics économiques, janv. 1984 |
↑36 | J.L. Laville et R. Sainsaulieu, Sociologie de l’association, des organisations à l’épreuve du changement social, préc., p.77-78. |
↑37 | [1]E. Archambault, Le secteur sans but lucratif en France, Economica, 1996 |
↑38 | Moreau, L’économie sociale face à l’ultralibéralisme, Syros, 1994, p.98 et s. |
↑39 | E. Archambault, Le secteur sans but lucratif en France, préc. |
↑40 | L. 2014-856 du 31 juill. 2014 (JO du 1er août) |
↑41 | Ess-France.org |
↑42 | J. Saddier, Pour une économie de la réconciliation. Faire de l’ESS la norme de l’économie de demain, Jérôme Saddier, Les petits matins, 2022 |
↑43, ↑44 | L’expression de I. Ramonet, Directeur du Monde Diplomatique, in « la pensée unique », Le monde diplomatique, janv. 1995 : selon l’auteur, elle traduit « en terme idéologique à prétention universelle, les intérêts du capital international ». |
↑45 | P. Bourdieu, Contre-feu, propos pour servir à la résistance contre l’invasion néolibérale, préc., p15 : « Platon avait un mot magnifique pour tous ces gens, celui de doxosophes : technicien – de – l’opinion – qui – se – croit – savant (l’auteur traduit le triple sens du mot). Il pose les problèmes de la politique dans les termes même où se les posent les hommes d’affaires, les hommes politiques et les journalistes politiques (c’est-à-dire très exactement ceux qui peuvent se payer les sondages.) ». |
↑46 | F. Jany-Catrice et M. Studer, La mesure d’impact à son sommet – revue AOC – 14 mars 2023 |
↑47 | J. Rifkin, La fin du travail, préface M. Rocard, préc. |
↑48 | A. Parienty, Le mythe de la « théorie du ruissellement », La Découverte, sept. 2018 |
↑49 | Voir l’appel des économistes pour sortir de la pensée unique, colloque, 18-19 oct. 1996, la Sorbonne : en 1996, 270 économistes participaient au colloque. La déclaration finale adoptée à l’issue de ce colloque rejoint sur de nombreux points les préoccupations centrales de l’ESS, en proclamant de manière générale que « le néolibéralisme n’est pas un projet de société acceptable pour la majorité des populations ». |
↑50 | L. 2019-486 du 29 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (JO 23 mai) |
↑51 | Nowak, Pour une économie sociale de marché, Le Monde, 20 janv. 1998. |
↑52 | C. Amblard, L’association : l’entreprise a-capitaliste qui se fait attendre ! institut-isbl.fr, édito, juin 2023 |
↑53 | Il s’agit là, d’un collectivisme « tertiaire », fondé sur la propriété impartageable des bénéfices engendrés par une activité de services principalement. |
↑54 | Ano Kuhanathan et Taoufik Vallipuram, Des augmentations et de la solidarité, ou des émeutes de la faim ? L’obs, 29 sept. 2023 ; F. Joignot, Emeutes : La République doit-elle les craindre ? LeMonde.fr Blog, 24 mars 2023 ; voir égal. I. Martinache, Richesse et damnation ! Alternatives Eco., mars 2020, n°399 |