Et si, en raison de leur capacité à mobiliser l’intelligence citoyenne, les associations loi 1901 étaient finalement le mode d’entreprendre le mieux à même de répondre efficacement à l’urgence sociale, démocratique et environnementale du moment ?

Telles sont les conclusions des travaux entamés par l’Institut ISBL il y a tout juste 10 ans. Depuis, les évolutions du monde contemporain, ses crises successives comme les dérives du système capitaliste n’ont fait que conforter l’idée selon laquelle les organismes à but non lucratif ou à lucrativité limitée (coopérative) doivent devenir la norme de l’entreprise de demain. Mais pour ce faire, encore faut-il pouvoir s’affranchir des diktats néolibéraux selon lesquels l’entrepreneuriat reposerait uniquement sur l’initiative individuelle, la propriété privée des moyens de production et la liberté de concurrence.

 

En sa qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS), l’association peut être un « mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine »[1]L. n° 2014-856 du 31 juill. 2014, art. 1er. À cet effet, elle dispose d’une pleine capacité pour réaliser « des activités de production, de transformation, de distribution, d’échange et de consommation de biens ou de services ».

Face aux désordres constatés (inégalités, pauvreté, réchauffement climatique, etc.) et aux difficultés rencontrées par les pouvoirs publics pour y remédier, l’association trouve le plus souvent son origine dans l’initiative collective. Dès lors, sa raison d’agir réside dans son « utilité sociale », laquelle se traduit sur un plan opérationnel par la réalisation d’activités tendant « à satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou qui l’est de façon peu satisfaisante »[2]BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 du 7 juin 2017 , le plus souvent « au profit de personnes justifiant l’octroi d’avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale ». Appréhendé « en fonction de la situation géographique de l’organisme », ce type d’entreprise socialement intéressée a donc naturellement vocation à se développer dans les interstices laissés vacants par le repli conjugué de l’économie de marché vers des activités rentables à court terme et des services publics en manque de moyens.

Précisément, la notion de but non lucratif ne doit pas être confondue avec la nécessité pour ce mode d’entreprendre de poursuivre son développement afin de réaliser des actions d’utilité sociale, voire d’intérêt général. Sur le plan juridique, cette contrainte interdit toute forme d’appropriation privative de ses résultats. Sur le plan fiscal, cette notion limite la recherche de profits à ce qui est nécessaire à l’entreprise associative pour « faire face à des besoins ultérieurs ou à des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif » ; elle s’oppose à toute « utilisation manifestement abusive » des excédents qu’elle réalise et empêche tout détournement des ressources et moyens de production, lesquels sont sanctuarisés comme un bien commun au service de tous ; enfin, elle détermine un cadre de rémunération versée aux salariés qui doit être conforme aux « usages professionnels » mais jamais « excessive ».

La gouvernance de l’entreprise associative doit être démocratique et désintéressée, même si des exceptions au principe de gestion bénévole ont été successivement introduites par la doctrine fiscale et le législateur. Sous ces réserves, cette forme d’entreprise a-capitaliste peut faire appel à des bénévoles et bénéficier de financements publics (subventions), voire du régime de mécénat, en compensation de l’obligation de pratiquer « des prix nettement inférieurs au marché », librement facturer ses services économiques d’« utilité sociale » sans aucune limite de chiffres d’affaires et même développer en sus des activités lucratives accessoires, tout en demeurant non assujettie aux impôts commerciaux.

Cet autre modèle économique relevant de l’ESS est donc bien là, à portée de main, dans une perspective de transformation sociale.

 

 

Colas Amblard, président de l’Institut ISBL

 

En savoir plus :

L’association est-elle une entreprise comme les autres ?, Colas Amblard Institut ISBL avril 2023

L’entreprise associative : présent et futur d’une économie souhaitable pour le « monde d’après », Colas Amblard –  éditorial ISBL magazine, juin 2020

« La gouvernance des entreprises associatives – Administration et fonctionnement », Dalloz Juris associations Hors-Série, août 2019

Plaidoyer en faveur de l’entreprise associative, Colas Amblard – éditorial ISBL magazine juillet 2018

Bulletins actualités Lamy Associations, n° 174 septembre 2009, C. Amblard, p. 7

Bulletin actualités Lamy Associations, n°145, avril 2007, comm. C. Amblard

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References

References
1 L. n° 2014-856 du 31 juill. 2014, art. 1er
2 BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 du 7 juin 2017





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