La technique de la donation temporaire d’usufruit est largement utilisée comme ressources monétaires (loyers, dividendes) par bon nombre d’institutions sans but lucratif (ISBL) reconnues d’intérêt général, notamment parce qu’elle constitue pour les mécènes un moyen efficace de défiscalisation en matière d’impôt (IR) sur le revenu ou/et sur la fortune immobilière (IFI). C’est pourquoi la réforme des procédures d’abus de droit intervenue en fin d’année 2018 avait suscité l’émoi dans le secteur des associations, des fondations et fonds de dotation. L’administration fiscale vient officiellement de valider cette pratique à condition de respecter un certain nombre d’obligations précises.
Depuis le 1er janvier 2020, les actes passés ou réalisés dans un but « essentiellement » fiscal pourront être écartés par l’administration fiscale dans le cadre des procédures d’abus de droit[1]LPF, art. L 64 applicable aux rectifications notifiées à compter du 1er janv. 2021 : BAF 1/19 inf. 2 n° 28 et s. comme ne lui étant pas opposables. Cet élargissement du cadre juridique de la notion d’abus de droit apporté par la loi du 28 décembre 2018[2]L. 2018-1317 du 28 déc. 2018, art. 202 inquiétait au plus haut point les ISBL, dans la mesure où jusqu’alors seuls les actes fictifs ou à but exclusivement fiscal étaient concernés.
A la suite de cette modification législative, la donation temporaire d’usufruit devenait-elle une technique fiscale présentant un risque, pour les ISBL, mais également pour les mécènes ?
La pertinence de la question est donc manifeste dans la mesure où elle ouvre un risque de sanction sous forme de majoration de l’ordre de 40 à 80% de l’avantage fiscal indu.[3]CGI, art. 1729
Or, l’intérêt de réaliser une donation temporaire d’usufruit réside bien dans la possibilité pour les mécènes de réaliser de substantielles économies d’impôt, à la fois sur le revenu (IR), puisque le donateur ne perçoit plus les revenus du bien, mais également sur la fortune immobilière (IFI), puisque ce dernier obtient la qualité de nu-propriétaire du bien.
Lors d’une réactualisation de sa base Bofip en date du 31 janvier 2020[4]Bofip impôt BOI-CF-IOR-30-20 n°120, l’administration a clairement indiqué qu’elle n’appliquera pas le procédure d’abus de droit « aux actes dont le but essentiel est l’obtention d’un avantage fiscal sans aller à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable. »CGI, art. L 64 A[5]CGI, art. L 64 A
Néanmoins, pour sécuriser une telle opération, le donateur devra se dépouiller irrévocablement des fruits attachés à l’actif donné et durant toute la durée de l’usufruit temporaire au profit d’une ISBL relevant de l’intérêt général.[6]CGI, art. 200 et 238 bis. Ceci afin de permettre aux associations ou aux fondations de bénéficier d’une ressource non assujettie régulière jusqu’à échéance de la convention signée entre les parties.
Inutile de préciser que cette convention devra faire l’objet d’une rédaction avec une extrême précision.
Colas AMBLARD, Docteur en droit – Avocat associé
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