Longtemps attendus, les ajustements apportés au mécénat d’entreprise par la loi de finances pour 2019 ainsi que ceux envisagés dans le projet de loi de finances 2020 font couler beaucoup d’encre. Désormais traditionnelles, ces annonces de changements sont régulièrement l’occasion de rappeler que ce type de soutien financier ne saurait se confondre avec une niche fiscale[1]. Si à l’évidence, un tel constat s’impose, il n’en demeure pas moins que les mesures récentes permettent de réorienter ce type de financement privé vers les associations de taille réduite, c’est-à-dire précisément vers celles qui ne bénéficient pas ou très peu de financements publics.

Le projet de loi de finances pour 2020 présenté à l’Assemblée nationale le 27 septembre dernier[2] prévoit d’abaisser de 60% à 40% le taux de réduction d’impôt pour les versements supérieurs à 2 millions d’euros. Certes, en l’état actuel, tout avantage supprimé au détriment des organismes dédiés à l’intérêt général (association, fondation, fonds de dotation) est regrettable mais faut-il pour autant y voir « une remise en cause du régime du mécénat » ?[3] Rien n’est moins sûr.

Et cela pour plusieurs raisons :

– Cette réforme envisagée dans le cadre du PLF 2020 ne va en définitive concerner qu’un faible nombre de grandes entreprises[4], certes pour un volume de mécénat conséquent (pour l’année 2016, les 50 entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 13,6 milliards d’euros, la créance fiscale s’élève à 432 milliards d’euros, soit 48% de la dépense)[5].

– Ces ajustements ont été largement contrebalancés par la loi de finances intervenue en 2019 qui a augmenté le seuil maximum de réduction d’impôt au titre du mécénat, le faisant passer de 0,5% de chiffre d’affaires hors taxe des entreprises à 10.000 € par année civile, ce qui est considérable. A titre d’exemple, une TPE ou PME dégageant un chiffre d’affaires annuel de 500.000 € disposait d’une capacité de financement annuel sous forme de mécénat limitée à 2.500 €. Pour les versements effectués au cours des exercices clos au 31 décembre 2019, ces mêmes entreprises pourront choisir le seuil maximum de 10.000 € de réduction d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu lorsque celui-ci leur sera plus favorable[6]. Ces nouvelles perspectives offertes sont donc loin d’être négligeables lorsque l’on sait que seulement 2,7% des TPE et 20% des PME ont déclaré leurs dons au titre du mécénat[7] contre plus de 80% des grandes entreprises au cours de l’année 2016.

– Enfin et surtout, un tel régime devrait également être plus favorable aux organismes d’intérêt général de taille réduite dont la plupart ne bénéficie pas de dons sous forme de mécénat supérieurs à 2 millions d’euros. En effet, le don moyen déclaré pour les TPE et les PME s’élève respectivement à 1.670 € et 11.781 € en 2016[8] alors même que celui des grandes entreprises se situe à un niveau moyen de plus de 4 millions d’euros !

Par ailleurs, l’on observe une grande disparité territoriale dans la pratique du mécénat dans la mesure où 20% des entreprises bénéficiant de ce mécanisme de réduction d’impôts ont leur siège situé en Ile-de-France alors même que l’ancrage territorial arrive en troisième position dans les motivations des mécènes.

En définitive, loin de remettre en cause le régime du mécénat[9], les ajustements apportés en 2019 et probablement en 2020 devraient au contraire s’avérer être extrêmement bénéfiques pour les opérateurs économiques de taille modeste, que ce soit du point de vue des entreprises mécènes comme des associations de taille réduite dans les territoires.  Surtout lorsque l’on sait que 95% des financements publics (soit près de 47,88 milliards d’euros), sous forme de subventions ou de commandes publiques, bénéficie déjà aux 10% des associations les plus importantes en France[10].

Aussi, plus que de refondation[11], le mécénat d’entreprise a surtout besoin de se démocratiser.

Colas AMBLARD

President INSTITUT ISBL

Directeur des publications ISBL MAGAZINE

 

Notes : 

[1] F. Pascal, Le mécénat n’est pas une niche fiscale, La Fonda, mai 2019

[2] Ass. Nat. Projet de loi de finances pour 2020 n°2272, 27 sept. 2019

[3] Le Mouvement associatif, PLF 2020 : nos propositions pour la vie associative, 30 sept. 2019  ; voir égal. Le Parisien – Aujourd’hui en France, Non à une nouvelle économie au détriment des acteur de l’intérêt général, 1er sept. 2019

[4] J. CL., Le Parisien, Mécénat culturel : l’exécutif veut réduire la niche fiscale des entreprises, 29 août 2019

[5] C. comptes, Le soutien public au mécénat des entreprises, rapport, nov. 2018, p. 35

[6] L. 2018-1317 du 28 déc. 2018, art. 148

[7] Admical, Le mécénat d’entreprise en France, Baromètre oct. 2018

[8] Ibidum

[9] cf note 3

[10] V. Tchernonog et L. Prouteau, Le paysage associatif français – mesures et évolutions, coll. « Hors-Série », Juris éditions – Dalloz, mai 2019, tableau 216, p. 293

[11]M. Darrieutort et F. Debiesse, Le mécénat a besoin d’une refondation, Tribune Le Monde, 26 octobre 2019






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