Témoins d’une société qui s’appauvrit inexorablement, les associations de solidarité sont au plus près des problèmes rencontrés par une part croissante de la population française. A l’issue de la crise du COVID, l’inflation sur les prix des fluides et de l’alimentation ont poussé de nombreuses personnes à demander une aide matérielle.
De nombreux responsables associatifs m’ont confié avoir vu arriver dans leurs locaux en 2020 et 2021, des personnes qu’ils ne connaissaient pas, qui ne demandaient rien jusqu’à ce qu’elles se retrouvent étranglées par les charges. Ces personnes avaient parfois tellement honte de demander de l’aide, qu’elles rebroussaient chemin, ne pouvant aller jusqu’à demander une carte pour bénéficier de colis alimentaires.
Que ce soient des personnes seules, en activité, à la retraite, ou des familles, qu’elles soient de nationalité française ou étrangère, une chose est devenue claire : l’insécurité alimentaire, financière, énergétique, sanitaire a touché de plein fouet de nombreux ménages qui en étaient jusqu’alors épargnés.
Une réponse forcément partielle des associations de solidarité, elles-mêmes fragilisées
Les associations ont tâché de répondre à ces besoins sans cesse croissants. Parfois elles-mêmes en difficulté économique, du fait de la hausse des charges, du système complexe des subventions publiques et de leurs délais de versement, elles ont puisé dans leurs fonds propres et se sont parfois mises en difficulté.
Aujourd’hui, les acteurs associatifs ont des stratégies diversifiées pour survivre et répondre aux besoins : grandir en fusionnant, aller chercher des fonds privés, s’appuyer sur des coopérations… Toutefois, ces actions sont insuffisantes et certains ont dû mettre la clé sous la porte. Le manque de bénévoles réguliers et prenant des responsabilités, piliers de leurs actions, met encore plus à mal le modèle de l’association de solidarité « classique ».
La crise de sens du secteur associatif n’est pas irrémédiable
Au-delà de ces questions de survie qui animent de nombreuses associations, leurs salariés et bénévoles peuvent à juste titre se questionner sur leur rôle et leur position, dans cette société de plus en plus morcelée et précaire. Ils font partie des derniers acteurs de notre pays prônant le vivre-ensemble. Toutefois, la dimension curative de leur action ne saurait apporter une satisfaction au vu de l’appauvrissement d’une partie du pays.
De nombreux bénévoles et salariés peuvent rencontrer une crise de sens en raison de ce qu’on leur demande de faire. Par exemple, aider des personnes qui du fait de leur situation administrative, sont coincées, et dont la situation n’évoluera pas. Ou encore, devoir arbitrer sur des quantités réduites de nourriture pour pouvoir en distribuer à tous. Le travail effectué peut être perçu par ces acteurs comme une forme de maltraitance.
La crise de sens des acteurs de la solidarité existe, nous pouvons la palper. Elle se voit dans les difficultés de recrutement des bénévoles et salariés.
Être dans une logique curative n’est pas satisfaisant et porte en germe une démotivation. Il est important que les acteurs associatifs de la solidarité puissent appuyer la construction de politiques publiques visant à plus de justice sociale. Il est essentiel qu’ils soient écoutés par nos gouvernants de façon pleine et entière, dans le temps politique qui s’ouvre.
Noémie Caponnetto, responsable projets, communication et partenariats associatifs
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