Dans un jugement rendu en date du 21 novembre 2013[1], le Tribunal de grande instance de Limoges a débouté l’Association S. de ses demandes tendant à dire que les dons manuels qui lui ont été consentis sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit en application de l’article 200 du code général des impôts. Le feuilleton portant sur la notion de révélation des dons manuels semble donc relancé. A moins que cette décision repose plus simplement sur le fait que l’Association S. ne présente pas les caractéristiques nécessaires pour être reconnue en qualité d’organisme d’intérêt général lui ouvrant le droit au régime de faveur du mécénat.
L’Association S. a pour but de « promouvoir et pratiquer les enseignements et les arts tels que transmis par Chogyam Trumpa Rimpotché et poursuivis par le Sakyong Mipham Rimpotché. » Elle gère un centre d’études dans lequel sont organisés des séminaires, l’hébergement et la restauration des participants ainsi que la commercialisation de produits dérivés liés à la pratique bouddhiste. Ses ressources sont constituées de cotisations de ses membres, la facturation des prestations d’initiation à la méditation, de restauration et d’hébergement, ainsi que des dons.
A l’occasion d’une vérification de comptabilité, l’administration a demandé à l’Association S. des explications portant sur l’encaissement de produits exceptionnels pour des montants significatifs (150.030,98 € en 2008 : 147.302,16 € en 2009) et ayant fait l’objet de déduction extra comptable. En réponse, l’Association S. a indiqué dans un courrier du 6 juin 2011 qu’il s’agissait de dons faits par ses membres.
Faute d’avoir déposée dans les délais la déclaration de don manuel n°2735, l’administration fiscale a engagé une taxation d’office de ces sommes et produit un avis de recouvrement, ce qu’a immédiatement contesté l’Association S.
Substantiellement, le Tribunal de Grande Instance de Limoges retient que :
- L’Association S. ne présente pas les caractères d’un organisme d’intérêt général : elle ne peut être considérée comme une association culturelle ou éducative (« L’enseignement de la culture tibétaine aux membres de l’Associations S. à l’aune des pratiques bouddhiques (…) ne s’inscrit pas dans une volonté de diffuser à l’ensemble de la population française la culture tibétaine pour répondre à une valeur ou un objectifs communs à la société française mais est destinée à la pratique bouddhique du groupe restreint des membres de cette association, donc tournée non pas vers un intérêt général mais vers des intérêts privés. ») ;
- Dès lors, l’obligation déclarative trouve à s’appliquer dans cette hypothèse sur le fondement de l’article 757 du CGI ;
- En conséquence, les dons manuels faits au bénéfice d’une association ne présentant pas un caractère d’intérêt général demeurent soumis aux droits de mutation à titre gratuit ;
- La révélation résulte de la réponse produite par l’Association S. le 6 juin 2011 pour les dons révélés à cette occasion au titre des exercices 2008 et 2009 (uniquement), suite aux interrogations formulées par l’administration à l’occasion du contrôle fiscal ;
- Les sommes versées par une Société située en Allemagne en contrepartie de travaux de restauration de son bâtiment doivent être intégrées dans l’assiette de l’imposition, dès lors que l’association en saurait être considérée comme une association cultuelle et que le directeur n’a fait aucun distinguo entre cette somme et les autres dons manuels inscrits en produits exceptionnels dans son courrier du 6 juin 2011.
Dans ces conditions, le Tribunal de Grande Instance de Limoges a considéré que la procédure de taxation des dons manuels était parfaitement régulière.
Cette décision précise l’importance de la notion de révélation dans la détermination du régime fiscal applicable aux dons manuels. En l’occurrence, la solution appliquée n’est pas sans rappeler la conception très extensive retenue par la Cour de cassation[2] pour conclure à la taxation des dons manuels versés par les adeptes de sectes.
Colas AMBLARD, Directeur des publications
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