Bien que l’organisateur d’une session de quad ne soit pas assujetti à une obligation de résultat il n’en est pas moins tenu à une obligation de sécurité alourdie lorsqu’il s’adresse à un public débutant à l’égard duquel il doit faire preuve d’une vigilance redoublée et d’autorité pouvant aller jusqu’à lui interdire la poursuite de l’activité (CA Aix en Provence, 20 septembre 2018).
1-Lors d’un stage consacré à la pratique du quad, sport qui n’est pas sans danger, un des participants se blesse. Il assigne en réparation l’organisateur de la session à qui il reproche d’avoir failli à son obligation de sécurité en lui fournissant un matériel défectueux et en lui proposant un exercice de bascule nécessitant une bonne maitrise de l’engin bien qu’il fut novice dans ce sport. En réplique l’exploitant soutient qu’aucun dysfonctionnement n’a été constaté et que le matériel était en parfait état de fonctionnement. C’est la vitesse très excessive et les sauts effectués par la victime, qui a utilisé la remorque basculante comme un tremplin malgré l’interdiction qui lui en avait été faite, qui auraient été la cause exclusive de l’accident.
2- Le terrain sur lequel se sont engagés les débats ne pouvait être que celui de la responsabilité contractuelle puisqu’un contrat avait été conclu entre les deux parties attesté par une carte provisoire d’adhésion et par un chèque tiré au profit de l’association pour des tours de quad. En admettant que la victime ait fondée son action sur le terrain de la responsabilité délictuelle, au mépris de la règle du non cumul des responsabilités et avec l’accord implicite des juges, elle n’aurait guère pu en tirer profit car aucune des conditions pour pouvoir bénéficier des régime de responsabilité de plein droit n’étaient remplies, qu’il s’agisse de la responsabilité du fait des choses ou de la loi du 5 juillet 1985 sur la réparation des dommages causés aux victimes d’accident de la circulation. D’abord, sur le fondement de l’article 1142 du code civil il aurait été facile d’objecter à l’appelant qu’il avait la garde du quad c’est-à-dire l’usage, le contrôle et la direction de l’engin de sorte qu’il ne pouvait pas agir contre lui-même. Ensuite, comme le fait remarquer, à juste titre, l’assureur, il est de jurisprudence constante que le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur dont il est aussi le gardien, ne peut invoquer la loi du 5 juillet 1985 lorsque seul son véhicule est impliqué dans l’accident[1].
3-C’est donc sur le fondement des articles 1194 et 1231-1 du code civil (ancien article 1147) que l’appelant a interjeté appel. A cet égard les juges croient utiles de rappeler que l’organisateur n’est tenu contractuellement qu’à une obligation de sécurité de moyens « compte tenu du comportement actif du participant au cours du circuit ». Reste à savoir quels engagements avaient pris l’association pour assurer la sécurité des participants. A cet égard, peu importe que ceux-ci n’aient pas été détaillés en toute lettre dans le contrat. Ce sont les juges qui en fixent le contenu en considération du degré de dangerosité de l’activité. Dans les sports réputés à risque, comme les sports automobiles, les tribunaux n’hésitent pas à mettre une obligation de sécurité renforcée à la charge de l’organisateur « en raison des risques particuliers induits par l’activité» comme le mentionne, par exemple, la cour d’appel de Paris à propos d’un circuit de kart[2]. Si les juges Aixois ne font pas explicitement référence à une obligation de moyens renforcée il y a tout lieu de penser, à en juger par l’énumération qu’ils dressent des prescriptions mises à la charge de l’association, qu’elle présente de telles caractéristiques. En effet, elle implique selon l’arrêt « d’assurer un encadrement qualifié et en nombre suffisant au regard du nombre de participants, de doter ceux-ci d’un quad en bon état de fonctionnement, de choisir un quad, un parcours et des exercices adaptés au niveau de chacun et ne présentant pas de danger particulier ». Dans un arrêt remarqué du 1erdécembre 1999[3] la Cour de cassation avait même imposé à un exploitant de kart une obligation de surveillance permanente du comportement des utilisateurs qu’un auteur autorisé n’a pas hésité à qualifier « d’obligation implicite de résultat [4]». De telles contraintes s’expliquent par le souhait des participants inexpérimentés, de faire appel à un professionnel afin qu’ils soient initiés à l’activité dans un cadre sécurisé. L’organisateur qui s’adresse à ce public n’est pas seulement tenu de fournir un matériel en bon état. Il doit également s’assurer que le parcours et les exercices proposés sont adaptés au niveau de chaque élève. Sans doute l’acquisition d’un savoir technique, suppose que le débutant soit soumis à des difficultés croissantes afin qu’il puisse acquérir, progressivement, une certaine autonomie[5]. S’il ne peut lui être reproché d’avoir « soustrait son élève à toute embûche » pour faciliter la levée des inhibitions, l’organisateur ne doit pas le mettre « en présence d’obstacles disproportionnés par rapport à son aptitude à les surmonter »[6]. Or c’est précisément l’erreur commise par le responsable de l’association ayant reconnu que l’intéressé a échoué à deux reprises l’exercice de la bascule, ce qui prouve, comme le font remarquer les juges,« qu’il n’avait pas le niveau pour l’effectuer » et d’ajouter qu’il aurait fallu « l’empêcher de poursuivre et mettre fin à la séance » d’autant plus qu’il avait, précédemment, été rappelé à l’ordre pour avoir enfreint les règles de la piste de trial. Non seulement, il n’était pas au niveau pour l’exercice de la bascule mais de surcroît il s’avérait peu soucieux du respect des règlements. Le responsable de l’association avait donc une double raison « d’être extrêmement vigilant lors de la sortie du 26 juillet 2010 ». C’est, en définitive, ce défaut de surveillance qui est la faute majeure car il n’a pas permis à l’encadrement de prendre les mesures qui auraient permis d’éviter l’accident. Curieusement, la cour d’appel ne fait pas allusion à l’obligation de surveillance permanente de l’association alors que la relation des circonstances de la chute révèle son rôle primordial dans l’exécution du contrat.
4-Sa responsabilité ne faisait donc guère de doute et il faut approuver l’arrêt de l’avoir retenu. En revanche, le fait que la preuve d’une faute de la victime n’ait pas été rapportée est moins convainquant. Sans doute l’association ne pouvait reprocher au malheureux pilote débutant dans ce sport d’avoir effectué une réception assise alors qu’il n’avait pas reçu les instructions nécessaires. En revanche, l’arrêt ne fait aucune allusion aux déclarations du responsable selon lequel la victime a utilisé la remorque comme un tremplin au mépris de l’interdiction qui lui en avait été faite. On se souviendra qu’elle avait déjà été l’objet de remontrances sur sa conduite excessive et ses dérapages répétés. Il n’est donc pas à exclure que l’accident est en partie imputable à son imprudence et qu’un partage de responsabilité aurait été plus équitable.
5-Pour comble de malchance, l’association n’a pas obtenu la garantie de son assureur à laquelle elle aurait pu prétendre et qui est capitale si on en juge par le montant des réparations qui s’élèvent à 658.602,80 € (duquel il faut déduire les sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement). Le contrat a été, en effet, résilié en raison d’un défaut de paiement dans les délais prescrits. La victime, également déboutée de la demande d’indemnisation qu’elle avait formée contre l’assureur, a donc à craindre l’insolvabilité de l’association et ses espoirs d’indemnisation envolés!
Jean-Pierre VIAL, Inspecteur honoraire Jeunesse et Sport, Docteur en droit
En savoir plus :
CA AIX EN PROVENCE 20 SEPT 2018 ACCIDENT QUAD
Documents joints:
CA AIX EN PROVENCE 20 SEPT 2018 ACCIDENT QUADNotes:
[1]Voir notamment Cass. 2eciv., 10 nov. 2009 no 08-20273. Petites affiches, 25 juin 2010 n° 126, P. 17 Note JP Vial
[2]CA Paris, 4 septembre 2017,N° 15/19255
[3]Cass.civ.1,1 décembre 1999, n° 97-21690.Bull.civ.I N° 330 p. 215
[5]Cette règle de l’apprentissage progressif a été énoncée à plusieurs reprises dans les sports équestres. Jugé ainsi que le moniteur d’équitation ne commet pas de faute si, pour mettre en confiance son élève, il lui fait effectuer un galop « à petite allure » à la 2èmeleçon sur un cheval réputé calme et en ayant choisi un terrain facile (Civ. 1, 27 juin 1984, Gaz. Pal. 1985, 1, panor. p. 94). De même, s’il le remet en selle après une première chute, il « ne fait que respecter une pratique selon laquelle un sportif pour effectuer des progrès, ne doit jamais se laisser intimider par un échec » (CA Poitiers, ch. civ. 2èmesect. 6 avr. 1994, Seguin c/ Sté hippique d’Aunis). Paris, 7 déc. 1968, D. 1969, somm, p. 26 ; Il a encore été jugé qu’un moniteur de ski pouvait autoriser un élève ayant reçu toutes les consignes de sécurité à effectuer un saut à ski dans une marmite de 5 mètres de profondeur sans dangerosité pour lui (CA Chambéry, 21 oct. 2003, Juris-Data n° 233885).
[6]CA Paris, 28 nov. 1958, D. 1959,1, jurispr. p. 167 .7 déc. 1968, D. 1969, somm. p. 26 – Dijon, 16 févr. 1993, Juris-Data n° 043111.