Le Tribunal Administratif de Strasbourg a rendu une décision, pour le moins incompréhensible, en matière de calcul de la taxe sur les salaires.
Quelques rappels techniques nécessaires à la bonne compréhension du sujet
Selon le 1 de l’article 231 du code général des impôts (CGI), la taxe sur les salaires est à la charge des personnes ou organismes qui paient des rémunérations, lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la TVA (que leurs activités soient hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou qu’elles soient dans son champ mais exonérées).
Sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations versées une année N, dans la limite du rapport existant, au titre de l’année civile précédant celle du versement (N − 1), entre le chiffre d’affaires non imposé à la TVA et le chiffre d’affaires total hors TVA.
Le calcul de ce rapport (ou prorata) est le cœur du sujet.
Comment se calcule ce rapport ?
Le numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires reprend le total des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA (c’est-à-dire les produits ou recettes correspondant à des opérations situées en dehors du champ d’application de la TVA ou exonérées de cette taxe, ainsi que les subventions non imposables à la TVA ).
Le dénominateur du rapport comprend les sommes figurant au numérateur plus les recettes afférentes aux opérations ouvrant droit à déduction de la TVA.
- Plus la part des recettes non soumises à TVA est significative, plus la part de taxe sur les salaires est importante.
- Une entité n’ayant pas de recettes entrant dans le champs de la TVA, devra s’acquitter de la taxe sur les salaires à 100 %, sans « décote ».
Quid des dons en nature (CVN)[1]Contribution Volontaires en Nature. https://institut-isbl.fr/?s=contributions+volontaires+en+naturedans les recettes non taxables ?
Dans l’affaire qui nous occupe une association a bénéficié de mises à disposition gratuites de locaux, d’équipements, de consommables et de personnel, provenant d’entreprises privées.
Ces « contributions volontaires en nature » sont par nature non soumises à TVA.
L’administration fiscale et ensuite le Tribunal Administratif soutiennent que ces mises à disposition gratuites devaient être considérées comme des « recettes ou produits » hors du champs de la TVA et doivent être reprises dans le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Les dons en natures sont-ils des recettes comme le prétend l’administration ?
Dans son argumentaire[2]Un autre élément d’argumentation du TA de Strasbourg se réfère à l’ANC 2018-06 alors que l’affaire portent sur des années antérieures à ce règlement de l’ANC. Cet argument est donc … Continue reading l’administration considère que l’association a choisi d’inscrire ces dons en « CVN » au bas du compte de résultat et que cela constitue des « ressources »[3]Terminologie utilisée dans l’arrêt du TA. !
Voilà bien la question : les ressources dont disposent une association sont-elles toutes des recettes ?
Si les recettes sont des ressources, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Par ailleurs, qu’en serait-il si l’association avait choisi de ne pas constater ces CVN au compte de résultat ?[4]Le référentiel comptable applicable était le CRC 99-01.
On notera que l’administration use et abuse du terme « chiffre d’affaires » ! C’est en effet le terme utilisé par l’article 231-1 du CGI. Un don en nature serait-il du chiffre d’affaires …. exonéré de TVA ?
L’administration avance un troisième argument : la volonté du législateur ! Aucun élément n’est avancé pour étayer cet argument. Y a-t-il des débats parlementaires qui énonceraient clairement cette volonté du législateur à inclure les CVN dans les recettes non taxables à la TVA ?
Les seules jurisprudences existantes an matière de détermination du rapport de calcul concernent des entreprises commerciales.
Quelques définitions
Selon l’INSEE : « Le chiffre d’affaires représente le montant des affaires (hors taxes) réalisées par une unité statistique (entreprise, unité légale) avec les tiers dans l’exercice de son activité professionnelle normale et courante. Il correspond à la somme des ventes de marchandises, de produits fabriqués, des prestations de services et des produits des activités annexes. »
Selon le dictionnaire LAROUSSE : le chiffre d’affaires est le « Montant total des sommes gagnées entrées en caisse à un moment donné. »
Selon le dictionnaire ROBERT : le chiffre d’affaires est le « Total des sommes d’argent reçues. »
En guise de péroraison
Cette décision est abstruse, incompréhensible. Il faudra attendre naturellement la décision des juges en appel voire au-delà.
Gageons que la raison l’emporte alors que le secteur associatif vie une époque difficile accentuée par un recul de la puissance publique dans le financement de certaines actions pourtant essentielles à notre société.
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En savoir plus :
References
↑1 | Contribution Volontaires en Nature. https://institut-isbl.fr/?s=contributions+volontaires+en+nature |
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↑2 | Un autre élément d’argumentation du TA de Strasbourg se réfère à l’ANC 2018-06 alors que l’affaire portent sur des années antérieures à ce règlement de l’ANC. Cet argument est donc irrecevable. |
↑3 | Terminologie utilisée dans l’arrêt du TA. |
↑4 | Le référentiel comptable applicable était le CRC 99-01. |