Décidément, il n’est pas facile de gouverner. C’est précisément ce que doit se dire notre Premier ministre François Bayrou dont le discours se concentre actuellement sur la réduction des déficits publics pour éviter une motion de censure lors du vote du projet de loi de finances pour 2025. Un projet de loi qui ne s’annonce pas favorable à l’ESS et aux associations.
François Bayrou en 2012, affirmait pourtant « Je ferai tout pour mettre l’économie sociale au cœur du redressement de notre pays ». Ce qu’il s’est passé depuis, nous le savons tous. Un dérapage sans précédent de nos comptes publics et une instabilité gouvernementale grandissante liée aux choix de privilégier depuis 2017 les « ultra-riches » (suppression de l’ISF, tax-flax, etc.) au détriment de la mise en œuvre de politiques publiques centrées sur l’intérêt général et la satisfaction des besoins sociaux. Or, à notre grand désespoir, nous assistons passivement depuis de nombreuses années au « détricotement » de nos services publics et à la polarisation du débat politique dans les médias « mainstream » autour de deux questions centrales : la réduction des déficits publics et la lutte contre l’immigration.
Deux préoccupations principales qui pourtant interrogent lors que l’on sait que les français sont de plus en plus nombreux à être concernés par les problèmes environnementaux (83 % des Français pensent que le changement climatique et ses conséquences sont le plus grand défi auquel l’humanité est confrontée). Lors de son meeting à Marseille, dans le jardin du Pharo, le Président Macron avait pourtant annoncé « la politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » Depuis, plus rien ou pas grand-chose à se mettre sous la dent. Pire encore, ce dernier appelait à peine un an après à faire une « pause » dans la réglementation environnementale européenne !
Ainsi on le voit, bien plus qu’une crise démocratique, c’est en réalité à une crise générationnelle de notre représentation nationale à laquelle nous assistons avec une classe politique vieillissante et pour beaucoup dépassée par les véritables enjeux qui préoccupent les français.
En effet, à quoi assistons-nous aujourd’hui ? Principalement à une radicalisation du discours politique autour des questions migratoires – alors même que tous les rapports un tant soit peu sérieux, montrent que l’immigration contribue positivement au niveau de vie moyen et à la croissance économique – et à une cristallisation du débat sur la problématique liée à la gestion de notre dette publique, souvent sous une forme caricaturée.
Les vraies questions seraient-elles ailleurs pour les nouvelles générations ? 55% des français parmi le plus jeunes considèrent que le capitalisme est un système « plutôt négatif » (sondage IFOP 2022). Et selon un sondage d’Oxfam de 2023, la montée des inégalités économiques est désormais une préoccupation majeure, une grande partie de nos concitoyens critiquant de plus en plus ouvertement la concentration des richesses entre les mains de quelques grandes fortunes essentiellement par le biais de la distribution de dividendes, tout comme l’accroissement des inégalités sociales, et en creux le rôle direct que ce système économique obsolète joue en matière de pratiques industrielles polluantes incompatibles avec les enjeux économiques ainsi que sa focalisation sur la productivité au détriment du bien-être des travailleurs.
C’est précisément là où l’ESS a un rôle fondamental à jouer dans les années à venir, en ce qu’elle représente, de manière organisée, « la pièce manquante du puzzle de la décroissance et peut constituer une brèche dans le capitalisme. » Structuré depuis le IXème siècle et fort d’une loi spécifique adoptée en 2014, ce mode entrepreneurial alternatif dont les principales caractéristiques se fondent sur la non-lucrativité ou la lucrativité limitée tarde pourtant à prendre tout son essor, malgré sa reconnaissance récente sur le plan international.
A l’horizon de 2025, les perspectives pour l’ESS et les associations s’annoncent pourtant sombres au regard de la suppression drastique des financements publics qui leur sont promis et de la défiance persistante de nos gouvernants actuels à l’égard des corps intermédiaires, dont la figure de proue est représentée par la loi confortant le respect des principes de la République qui, pour beaucoup, porte gravement atteinte à la liberté associative.
Faudra-t-il que les nouvelles générations poussent pour un « Grand soir » afin d’arriver à imposer cette bifurcation vitale pour notre pays (mais pas seulement) ou, au contraire, devons-nous attendre patiemment que les préceptes de l’ESS infusent dans chacun des territoires de notre République, à l’image de la « révolution moléculaire » décrite par Félix Gattari dans son ouvrage « Qu’est-ce que l’écosophie ? »
Le débat est posé.
A cette occasion, l’Institut ISBL et son équipe d’experts engagés, renouvellent tout son soutien aux partisans de l’ESS et souhaite une année 2025 solidaire à l’attention de tous ses acteurs. Fidèlement, nous continuerons le « combat » à travers nos publications et interventions pour que s’impose avec force l’idée d’un pluralisme entrepreneurial et de démocratie en entreprise.
Colas Amblard, président de l’Institut ISBL
En savoir plus :
Les Assises de la Démocratie en Organisations – Paris 29 janvier 2025
Construire la maison commune, J-L Cabrespines, Institut ISBL, janvier 2025
Comment valorise l’ESS par une reforme du Code de commerce, C; Amblard, Institut ISBL, janvier 2025
- En 2025, l’ESS et les associations confrontées plus que jamais à la « realpolitik » ! - 28 janvier 2025
- Comment valoriser l’ESS par une reforme du Code de commerce - 23 janvier 2025
- Engagement associatif : petit lexique juridique - 27 novembre 2024