Dans le cadre de la concertation engagée par le gouvernement pour préparer le projet de loi destiné à reconnaître, structurer et développer l’économie sociale et solidaire dans notre pays, le Premier ministre a saisi le Conseil économique social et environnemental pour qu’il propose un avis sur le sujet. Une commission temporaire a ainsi été constituée, et a désigné, sous la présidence de Christine Dupuis (groupe de l’UNSA), Patrick Lenancker (groupe de la coopération) et Jean-Marc Roirant (groupe des associations) rapporteurs de cet avis intitulé « entreprendre autrement : l’économie sociale et solidaire ».Cet avis a été voté ce jour en séance plénière avec 165 votants : 125 voix pour, 22 voix contre et 18 abstentions.
Des millions de Français sont concernés par l’économie sociale et solidaire (ESS). Ainsi, 38 millions de personnes sont protégées par une mutuelle adhérente à la Fédération nationale de la mutualité française ; 21 000 entreprises coopératives emploient près d’un million de salariés ; 45 % de Français adhèrent à une association et plus d’1,8 million de salariés œuvrent aux côtés de 16 millions de bénévoles. Pour les deux rapporteurs, « l’ESS, forte de valeurs, de pratiques et de statuts qui lui sont propres, se revendique comme une économie à part entière : ni substitutive de l’action publique et du service public, ni curative des dérives d’un modèle économique en crise, elle s’affirme comme une économie d’utilité sociale au service de l’intérêt collectif et de la cohésion sociale ». Pour une meilleure reconnaissance et structuration de l’ESS dans notre pays, le CESE formule des propositions concrètes autour de 3 axes : les perspectives pour l’ESS ; la modernisation du modèle coopératif pour faciliter la reprise d’entreprises par leurs salariés ; et le développement local de l’ESS.
Quelles perspectives pour l’économie sociale et solidaire ?
« Avant toute chose, le CESE considère que ce sont les statuts qui définissent le périmètre de l’ESS, car ils reprennent des valeurs communes – comme la solidarité entre les membres ou l’impartageabilité de la propriété collective ; et spécifiques – comme la non lucrativité pour les associations, les mutuelles et les fondations, et la lucrativité encadrée et réglementée pour les coopératives » précisent les rapporteurs. Le CESE ajoute dans cet avis un point concernant le dialogue social dans l’ESS, rappelant ainsi son importance et recommandant entre autres que les organisations syndicales soient présentes au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ; ou que les textes issus de la négociation d’accords multi-professionnels reçoivent une valeur normative, ce qui passe notamment par une clarification de la représentativité des employeurs.
Moderniser le modèle coopératif pour faciliter la reprise d’entreprises par les salariés
Pour le CESE, la reprise d’entreprises par les salariés ne doit pas être réservée aux entreprises en difficulté. « Le modèle coopératif, dont les SCOP, peut apporter plus globalement une solution à l’enjeu de la transmission de PME saines » ajoutent les rapporteurs. « Dans tous les cas, l’anticipation, le temps de préparation du projet collectif et l’accès aux financements sont des facteurs décisifs en vue de la réussite d’une telle reprise » poursuivent-ils. Concernant les entreprises en difficulté, le CESE précise que cette formule doit être utilisée avec prudence en privilégiant un véritable accompagnement des salariés repreneurs. En ce sens, plusieurs propositions sont formulées, parmi lesquelles la formation des mandataires judiciaires et des tribunaux de commerce pour leur permettre de mieux prendre en compte l’intérêt de cette solution. « Par ailleurs, lorsqu’un projet de reprise d’une entreprise défaillante par les salariés apparaît économiquement viable, ceux-ci doivent se voir accorder un droit de reprise préférentiel » ajoutent les rapporteurs.
Concernant la transmission d’entreprises saines, le CESE propose d’instaurer, pour les sociétés commerciales, un droit d’information des salariés sur tout projet de cession. « Dans le cas d’une absence de transmission familiale, nous recommandons que les salariés disposent, après l’obligation d’information, d’un droit de reprise dans un délai raisonnable au cours duquel cédants et salariés repreneurs examineraient les conditions de transmission » complètent les rapporteurs. Le CESE préconise l’application d’un droit de reprise préférentiel aux salariés repreneurs dans le cas spécifique de fonds « prédateurs » dont l’action se solde par des destructions massives d’emplois et de savoir-faire dans les territoires. Enfin, la création d’un statut transitoire de SCOP d’amorçage, permettrait un portage temporaire, avec détention majoritaire du capital par des associés extérieurs pendant une période limitée de 5 à 10 ans, avec droits proportionnels, le temps que les salariés puissent racheter les parts nécessaires à la détention majoritaire du capital.
« Au-delà des évolutions qui ont déjà mené à la création des SCIC (Sociétés coopératives d’intérêt collectif) et au développement des CAE (Coopératives d’activités et d’emploi), nous proposons un modèle permettant de consolider et accompagner la croissance externe des SCOP : le groupe coopératif. Il permet d’élargir la notion de salariés associés à l’ensemble du groupe dans le cas des relations entre SCOP » ajoutent-ils.
Favoriser le développement local de l’ESS
Pour favoriser le développement local de l’ESS, le CESE prône en premier lieu une structuration de ses acteurs territoriaux, posant comme préalable une meilleure reconnaissance des chambres régionales de l’ESS (CRESS), notamment en harmonisant leur fonctionnement et leurs missions, et en assurant leur présence au sein des CESER. « Les CRESS doivent également pouvoir s’appuyer sur des réseaux associatifs, mutualistes et coopératifs solides et donc contribuer à la pleine reconnaissance des prérogatives de ceux-ci », soulignent les rapporteurs.
Concernant les outils de contractualisation et de financement de l’ESS, indispensable à son développement, le CESE propose de structurer une politique en faveur du développement de l’ESS via la contractualisation entre les pouvoirs publics et les acteurs. Pour les rapporteurs, « l’ESS doit être prise en compte dans l’élaboration des contrats de projets État/Régions. Et ces dernières doivent intégrer l’ESS dans leurs documents stratégiques ». Le CESE propose également d’encourager les coopérations entre les acteurs économiques d’un même territoire en favorisant la structuration de dynamiques locales de développement de l’ESS sous des formes souples, du type des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) qui se multiplient aujourd’hui partout en France. Enfin, le CESE appelle à un véritable soutien de l’ESS, notamment avec l’utilisation d’une partie de l’épargne règlementée et de l’assurance-vie, ainsi que par la création de nouveaux effets levier grâce à la Banque publique d’investissement. « Nous demandons également la sécurisation de la subvention comme modèle de financement des activités associatives en clarifiant les relations contractuelles entre associations et collectivités », concluent les rapporteurs.
source : www.lecese.fr
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