Le bénévolat demeure aujourd’hui encore l’un des rouages essentiels du fonctionnement associatif. Mélange entre force vive et bonne volonté, le bénévole apporte à l’association son temps et son savoir-faire, par définition sans rémunération ou contrepartie. Acteur philanthropique du projet associatif, s’il en est, le membre bénévole n’en reste pas moins un sujet de droit, dont la définition est parfois moins évidente qu’il n’y parait.


 

A ce titre, la frontière entre bénévolat et salariat reste poreuse. Les juridictions amenées à se prononcer sur la qualification d’une activité opèrent dès lors une analyse rigoureuse et n’hésitent plus à requalifier une situation bénévole en un contrat de travail de salarié. Et l’addition peut être lourde pour l’association mise en cause.

Preuve encore avec cet arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 20 décembre 2017[1].

 
1. La requalification du contrat de bénévolat par les juges de la Cour de Cassation

En l’espèce, Monsieur X…, membre d’une association de type « aéroclub » signe avec cette dernière une convention par laquelle il acceptait d’assurer bénévolement l’accueil de l’association.

Cette convention précisait les horaires et jours de permanence de l’accueil, les périodes de disponibilité de Monsieur X… en dehors de ces jours ainsi que certains jours fériés, la durée des congés, détaillait les tâches à accomplir et précisait que l’intéressé bénéficiait de l’occupation exclusive et gratuite d’un logement.

Monsieur X estimait pouvoir se prévaloir de l’existence d’un véritable contrat de travail et saisi la juridiction prud’homale à cet effet. Le litige se trouva face à la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, laquelle, dans le présent arrêt, fit droit aux prétentions du requérant aux motifs suivants :

– L’existence d’un lien de subordination

L’une des particularités du salariat réside en l’existence d’un lien de subordination entre l’employé et son employeur.

Une définition de cette notion a été proposée par la Cour de Cassation :

« Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécutionet de sanctionner les manquementsde son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. »[2]

A ce titre, en matière de bénévolat, les juges suprêmes ont déjà pu requalifier un contrat de bénévolat en contrat de travail salarié dans la mesure où les intéressés effectuaient un travail d’accompagnement de voyageurs sous les ordres et directives d’une association, celle-ci ayant le pouvoir d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels[3].

Les juges de la Chambre Sociale reprennent d’ailleurs cette argumentation dans le cadre de l’arrêt commenté en confirmant l’existence d’un lien de subordination entre Monsieur X… et l’aéroclub, sous justification que l’association fixait les horaires de travail, définissait unilatéralement les tâches, imposait les jours de repos et la durée des congés et n’accordait d’absence pendant les heures de présence que sous autorisation préalable et expresse.

Pour autant, la seule existence d’un lien de subordination ne peut suffire en elle-même à caractériser le contrat de travail.

– Une rémunération spécifique

Par définition, le bénévole ne perçoit pas de rémunération, ni en espèces, ni en nature. Son action est purement gratuite.

Cette idée est toutefois limitée, notamment dans le cadre de remboursements de frais correspondant à des dépenses réelles et justifiées, qui sont admises, sans que cela ne remette en cause le caractère bénévole de l’intervention[4].

De même, il est admis que les associations attribuent à leur bénévole exerçant une activité régulière des chèques-repas, destinés à acquitter tout ou partie des repas pris à l’occasion de l’activité associative[5] .

En dehors de ces cas, la rémunération est proscrite pour le bénévole. L’arrêt commenté en l’espèce le rappelle bien. Les juges estiment ici qu’en bénéficiant de l’occupation exclusive et gratuite d’un logement, Monsieur X… percevait bien une rémunération en nature.

L’adjonction de ces deux critères, à savoir le lien de subordination et la rémunération, à l’exécution d’un travail, caractérise bien une situation de salariat. A ce titre, le contrat de bénévolat doit être requalifié.

 
2. Conséquences de la requalification

L’enjeu pour l’association est de taille : la requalification du contrat de bénévolat en salariat emporte l’obligation de satisfaire aux exigences de la règlementation du travail et de protection sociale.

Cela recouvre notamment l’affiliation du salarié au régime de Sécurité Sociale, le cas échéant avec rappel des cotisations sociales impayées.

En outre, le défaut de déclaration préalable à l’embauche du salarié, considéré comme bénévole, constitue une infraction de travail dissimulé[6].

Il est donc nécessaire d’appeler les associations à la plus grande prudence s’agissant de l’utilisation de bénévoles.

S’il est effectivement important de cadrer la relation au sein d’une convention de bénévolat, le simple intitulé du texte ne permet pas de qualifier le bénévolat en tant que tel. Il convient de définir avec précision les modalités de la relation de travail et, surtout, de ne pas verser une rémunération au bénévole qui serait supérieure, strictement, aux remboursements de frais auquel il a le droit.

La jurisprudence commentée en l’espèce, si elle est constante, demeure également empreinte d’une logique protectrice envers le travailleur.

 
Anthony BERGER, Avocat NPS CONSULTING






Notes:

[1]Cass. Soc. 20 déc. 2017, n°16-20.646 F-D

[2]Cass. Soc.. 13 nov.  1996, Bull. civ., V, n° 386 ; n°94-13187

[3]Cass. Soc. 29 janv. 2002, n°99-42.697

[4]Rép. Min. « Séguin », JOAN, 25 juin 1984, p.2888

[5]Loi 2006-586 du 23 mai 2006

[6]Article L.8221-5 du Code du Travail

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