La loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 modifie en profondeur le dispositif existant afin de lutter contre le temps partiel « subi » et de permettre aux salariés de toucher de meilleurs revenus.
Outre une négociation obligatoire dans les branches dont plus du tiers des effectifs est à temps partiel, cette loi offre une priorité d’emploi élargie pour les salariés à temps partiel, une durée minimale de travail, une rémunération différente des heures complémentaires et permet l’instauration d’un complément d’heures contractuel.
1- Une priorité d’emploi élargie
La loi porte sur la priorité reconnue aux salariés à temps partiel pour obtenir un emploi à temps plein ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ainsi que, à l’inverse, celle dont bénéficient les salariés à temps plein qui souhaitent occuper un emploi à temps partiel.
La loi prévoit qu’une convention collective ou un accord de branche étendu peut autoriser l’employeur à proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ne correspondant pas à sa catégorie professionnelle ou non équivalent à son emploi actuel.
Cette disposition a pour but de favoriser le passage à temps plein en octroyant une certaine flexibilité à l’entreprise et en garantissant les droits des salariés par l’exigence d’une convention collective ou d’un accord de branche étendu.
La convention collective nationale du sport devra certainement envisager les modalités d’une telle modification.
2- La durée minimale hebdomadaire du travail à temps partiel
La loi introduit un nouvel article L. 3123-14-1 dans le code du travail fixant la durée minimale de travail du salarié à temps partiel à 24 heures par semaine.
Il se peut que cette durée minimale soit fixée, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée (104 heures) ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif d’annualisation du temps de travail (1092 heures).
Cette durée minimale de 24 heures par semaine doit s’entendre chez le même employeur et non globalement en cas de pluriactivité.
Cette disposition a clairement pour objet de garantir aux salariés une durée du travail plus importante leur permettant une augmentation de leur rémunération et une majoration de leurs droits sociaux.
Pour autant, du côté des entreprises intervenant dans des secteurs recourant de manière récurrente à des salariés à temps partiel, elle va avoir un impact financier significatif.
Il y a toutefois des exceptions :
L’article L. 3123-14-2 nouveau du code du travail dispose qu’une durée du travail inférieure à la durée minimale peut être fixée à la demande du salarié.
La demande du salarié doit être écrite et motivée.
Cette durée minimale dérogatoire doit permettre au salarié :
- de faire face à des contraintes personnelles,
- ou de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée minimale.
En outre, la loi précise que cette dérogation n’est admise qu’à la condition de regrouper les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes sauf pour le salarié âgé de moins de vingt-six ans poursuivant ses études pour lequel une durée de travail inférieure, compatible avec ses études, est fixée de droit.
L’article L. 3123-14-4 nouveau du code du travail dispose qu’un accord de branche étendu ou d’entreprise peut déterminer les modalités selon lesquelles s’opère ce regroupement. Il ne s’agit pas d’une dérogation.
Le comité d’entreprise (ou, à défaut, les délégués du personnel) doit être informé, chaque année, du nombre de demandes de dérogation individuelle.
Une durée du travail inférieure à la durée minimale peut aussi être fixée par la convention collective :
La fixation d’une durée inférieure à la durée minimale prévue à l’article L. 3123-14-3 par une convention ou un accord de branche étendu est subordonnée à l’existence de garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée minimale.
De la même façon que pour la dérogation à la demande du salarié, cette dérogation n’est admise qu’à la condition de regrouper les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières.
Il existe aussi quelques cas particuliers pour les personnes sans emploi lorsqu’elles concluent des contrats de mission avec des entreprises de travail temporaire d’insertion (art. L. 5132-6) et pour les personnes sans emploi embauchées par des associations intermédiaires (art. L. 5132-7).
Dans les deux cas, cette dérogation à la durée minimale doit être justifiée par le parcours d’insertion du salarié à temps partiel.
Entrée en vigueur de cette durée minimale :
La loi précise que l’article L. 3123-14-1 entre en vigueur le 1er janvier 2014.
Toutefois, pour les contrats de travail en cours au 1er janvier 2014 et jusqu’au 1er janvier 2016, sauf convention ou accord de branche spécifique, la durée minimale nouvelle est applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l’employeur justifié par l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
En d’autres termes, les clubs et entreprises sportives ont tout intérêt, pour différer l’application de la durée minimale de 24 heures hebdomadaire, d’anticiper, en cas de besoin, leur recrutement de salariés à temps partiel.
En effet, en embauchant des salariés à temps partiel avant le 1er janvier 2014, elles seront libres de fixer la durée du travail, ce qui ne sera plus le cas en 2014.
La loi prévoit que le salarié, même sous contrat de travail en cours au 1er janvier 2014, peut demander à son employeur d’appliquer la durée minimale nouvellement applicable.
Toutefois, l’employeur peut s’y opposer en arguant « d’une impossibilité… compte tenu de l’activité économique de l’entreprise ».
Aucune précision n’est donnée sur cette notion.
A n’en pas douter, il ne s’agit pas de difficultés économiques. A notre sens, et même si l’employeur semble pouvoir refuser assez facilement la demande du salarié, il conviendra de motiver la lettre de refus afin de sécuriser au mieux tout éventuel contentieux qui pourrait intervenir en cas de rupture du contrat de travail. Le risque d’un contentieux en cours de contrat nous semble relativement faible.
3- La répartition de la durée du travail du salarié à temps partiel
En application de l’article L. 3123-16 du code du travail, l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures.
Il pouvait en être autrement si une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoyait :
- 1° Soit expressément ;
- 2° Soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée.
La première exception au principe posé est supprimée par loi dans un but évident de protection du salarié à temps partiel.
Désormais, il ne peut être dérogé à la répartition de la durée du travail posée à l’article L. 3123-6 du code du travail qu’à la condition que le salarié bénéficie de contreparties spécifiques et sous réserve de la conclusion d’un accord collectif.
4- La rémunération des heures complémentaires
- Majoration des heures complémentaires effectuées dans la limite du dixième :
La loi ajoute un alinéa à l’article L. 3123
-17 du code du travail prévoyant que les heures complémentaires réalisées dans la limite du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail, pour lesquelles aujourd’hui la rémunération est identique à celle des heures effectuées dans le cadre du contrat de travail, seront majorées de 10 %.
La loi précise que l’article L. 3123-17 entre en vigueur le 1er janvier 2014.
Compte tenu de l’impact financier de cette disposition, les entreprises ont tout intérêt, d’ici le 1er janvier 2014, à vérifier si leurs salariés à temps partiel accomplissent un volume d’heures complémentaires récurrent.
Si c’est le cas, il conviendra mieux de proposer aux salariés concernés de lisser les heures complémentaires et de les intégrer dans la durée du travail contractuelle.
Ainsi, une telle mesure aura le double avantage d’éluder la majoration de 10 % et d’assurer la transition vers la fixation de la durée minimale de 24 heures hebdomadaires applicable à compter du 1er janvier 2016 pour les contrats de travail en cours au 1er janvier 2014.
- Majoration des heures complémentaires effectuées au-delà du dixième et dans la limite du 1/3 :
La loi modifie l’article L. 3123-19 du code du travail afin qu’une convention ou un accord de branche étendu puisse retenir, pour les heures, jusqu’à présent, majorées obligatoirement à 25 % (c’est-à-dire les heures réalisées au-delà du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail et dans la limite du 1/3), un taux différent (voire inférieur), sans que celui-ci puisse être inférieur à 10 %.
La négociation de cette disposition est laissée à la branche via la conclusion d’une convention collective ou d’un accord de branche qui devra être étendu.
5- L’instauration du complément d’heures
Afin d’offrir la possibilité aux salariés à temps partiel d’augmenter leur temps de travail, tout en permettant à l’employeur d’adapter son organisation en fonction de l’activité, la loi crée un dispositif original de complément d’heures.
Celui-ci permet, par accord de branche étendu, d’augmenter temporairement la durée de travail des salariés par avenant au contrat de travail.
La convention ou l’accord de branche étendu :
- doit déterminer le nombre maximum d’avenants qu’un salarié peut signer chaque année, dans la limite de huit par an, hors remplacement d’un salarié absent ;
- peut fixer un taux de majoration pour les heures effectuées dans le cadre de l’avenant ;
La majoration n’est donc pas obligatoire.
Toutefois, les heures complémentaires au-delà de celles stipulées dans l’avenant bénéficient d’une majoration d’au moins 25 % et ce, même si une convention collective ou un accord de branche étendu fixe un taux de majoration inférieur pour les heures complémentaires effectuées au-delà du dixième..
- doit déterminer les modalités selon lesquelles les salariés à temps partiel peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures.
Ce dispositif peut permettre de palier l’absence d’un salarié à temps plein en recourant à plusieurs autres salariés à temps partiel effectuant un complément d’heures. Ce système pourra donc avoir comme conséquence une baisse du recours au CDD et au travail temporaire. Il pourra en résulter une baisse du coût du travail.
Mais encore faudra-t-il trouver des volontaires et que la branche ait négocié sur ce point !.
Il est néanmoins indéniable que cette mesure permet d’instaurer de la souplesse d’autant que les cas (à défaut du nombre) de recours au complément d’heures ne sont pas limités.
Notons que la loi n’apporte aucune précision quant à la combinaison du complément d’heures avec les dispositions de l’article L. 3123-15 du code du travail (accomplissement pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines de deux heures au moins par semaine au-delà de l’horaire contractuel).
Cette règle ne nous paraît pas devoir s’appliquer pour les heures accomplies dans la limite du complément d’heures.
En revanche, il conviendra pour les heures effectuées au-delà du complément d’heures de tenir un décompte précis des heures accomplies. En effet, dans l’hypothèse d’un dépassement d’au moins deux heures hebdomadaires (ou équivalent mensuel) pendant douze semaines consécutives ou pendant douze semaines sur une période de quinze semaines, la règle selon laquelle l’horaire contractuel est modifié risque de s’appliquer.
S’agissant d’une modification du contrat de travail, ces compléments d’heures ne peuvent être mis en œuvre sans l’accord du salarié.
En complément du dispositif, la loi ajoute un nouvel alinéa à l’article L. 3123-14 qui définit le contenu du contrat de travail à temps partiel du code du travail qui dispose que :
« L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat ».
Nous vous tiendrons au courant des évolutions de la convention collective nationale du sport en cette matière.
Me J-Christophe Beckensteiner
Avocat spécialiste en droit du travail
Associé du Cabinet Fidal, Lyon
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