Présent lors du Congrès des 10 ans de la loi ESS, organisé par ESS France les 12 et 13 juin derniers, l’Institut ISBL a participé à l’atelier « Dans 10 ans… l’ESS sera la norme de l’entreprise de demain ».
Plusieurs observateurs ont relevé durant ces deux jours extrêmement riches, une antienne répétée à l’envi par les intervenants : « On est trop gentils ! ».
Cela faisait évidemment référence à cette volonté indéfectible de vouloir « faire société », malgré la fatigue pour les « premiers de cordées », le manque de moyens, le peu de reconnaissance ou de résultats obtenus pour les bénévoles.
La situation politique a tout bouleversé en quelques jours. Il s’agit désormais de lutter contre l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Le manifeste ESS France publié le 14 juin était précédé de la diffusion la veille d’une résolution forte : « Face à l’extrême droite, les acteurs de l’ESS appellent à l’engagement. »
Fin mars 2024 déjà, le HCVA indiquait dans son rapport sur la transition écologique, qu’au-delà du rôle éducatif des associations, il importe désormais de développer d’autres « formes variées » d’engagement associatif « telles que la résistance civile ou le contentieux », notant au passage l’existence de « plusieurs obstacles au déploiement du plaidoyer associatif ».
L’ESS est-elle en train de se politiser par urgence face à la montée des extrémismes ou par nécessité afin de devenir l’économie de droit commun ?
Certainement les deux mon Général !
Toujours est-il que nous sommes satisfaits de voir que l’ESS souhaite continuer à être « bienveillante » car cela est consubstantielle à sa démarche en économie et entend désormais « sortir de l’impuissance politique » dans laquelle est restée trop longtemps cloîtrée.
Déjà en 2020, nous écrivions : « Opérer un tournant dans sa pensée politique, c’est convaincre les tenants de l’ESS que la confrontation politique est inévitable si elle veut véritablement réussir les ruptures paradigmatiques qu’elle appelle de ses vœux depuis plusieurs décennies maintenant. Pour rompre avec ce fatalisme de l’échec. Elle devra instaurer sa propre temporalité politique qui ne soit plus dépendante des actions de l’Etat, essayer de surprendre et d’imposer son propre rythme politique et non pas simplement réagir à chaque annonce gouvernementale qui lui est défavorable. Elle doit investir les cercles du pouvoir, infiltrer l’appareil d’Etat, conquérir les institutions là où les véritables décisions de changement sont possibles. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle peut espérer devenir puissante politiquement et ainsi préserver toutes chances d’inverser le cours des évènements qu’elle dénonce. »[1]Economie sociale et solidaire : sortir de l’impuissance politique !, Colas Amblard, éditorial ISBL magazine octobre 2020
Ne cédons pas au pessimisme car ce « scrutin provoqué » constitue une opportunité inespérée pour l »ESS de « relever le défi de la méconnaissance. »
La France compte 13 000 000 de bénévoles regroupés dans 1 500 000 associations actives, 22.000 coopératives, 500 mutuelles plus de 6 000 fondations et fonds de dotation, l’ESS réunit 2 600 000 de salariés.
L’augmentation du nombre de ces structures a capitalistes et des emplois induits ne cessent de progresser (plus de 70 000 créations d’associations par an depuis 10 ans ; plus de 28 000 emplois créés fin juin 2023).
En réalité, à quoi assistons-nous ? Non pas au grand soir mais à une véritable « révolution moléculaire » (F. Guattari) pour peu qu’un récit commun s’en dégage et réussisse à se faire entendre à ce moment précis de notre Histoire.
Dans de précédentes publications « ESS : sortir de l’impuissance politique » (20 oct. 2020) ou encore « Signaux forts de la politique Macron : l’ESS doit-elle se mobiliser ? » (30 nov. 2023), nous exhortions les acteurs de l’ESS de rompre avec l’impuissance politique.
Aujourd’hui, nous les invitons à revendiquer les principaux critères d’appartenance à l’ESS pour devenir l' »économie de droit commun » :
- Refus des inégalités pour un mieux « vivre ensemble » (taxation des superprofits) et une gestion plus égalitaire des biens communs (préservation de l’eau, l’air, biodiversité, etc.)
- Sens de la solidarité, du collectif et du partage (interdiction de toute appropriation privative des bénéfices et moyens de propriétés collectifs)
- Pouvoir entreprendre autrement (« but non lucratif » ou « lucrativité limité » ; « démocratie » ou « multi sociétariat« )
- Capacité de faire coexister au sein l’ESS utilité sociale et performance économique
- Besoin de conventionnement des entreprises ESS dont l’implantation territoriales génèrent des comportements plus innovants et responsables
- Relocalisation de la production à partir des circuits-courts et du commerce de proximité.
A partir de ces quelques fondamentaux partagés, l’occasion est inespérée pour l’ESS de peser de tout son poids dans cette bataille législative déjà engagée.
Faisons valoir notre engagement commun, construisons et mobilisons nous pour l’ESS !
Colas Amblard, président de l’Institut ISBL
En savoir plus :
L’Entreprise Socialement Intéressée : comment allier performance économique et utilité sociale
- L’innovation sociale, une activité d’intérêt général ? - 27 novembre 2024
- HCVA : précisions sur le rescrit mécénat - 27 novembre 2024
- Table ronde :Quel avenir pour les associations ? – 5 décembre 2024 - 27 novembre 2024
References