Issue d’une proposition de loi du 8 avril 2011 présentée par le Sénateur Yvon Collin, cette loi de 23 articles constitue un catalogue de mesures réunies autour de cinq titres qui sont : Respect des valeurs du sport, Développement du sport, Formation et droits des sportifs, Protection de la santé et lutte contre le dopage, Disposition diverses (domaine télévisuel).
Le code du sport est modifié en conséquence.
1/ Respect des valeurs du sport
- Charte éthique (art. 1) : Chaque fédération agréée sera tenue d’établir et faire respecter une charte éthique dont le contenu sera fixé par décret après avis du CNOSF. De nombreuses fédérations se sont déjà dotées d’une telle charte, et notamment la Fédération française de football (Règlements généraux, annexe 8).
- Joueurs formés localement et« salary cap » (art. 2) :
Il est prévu que les règlements des fédérations pourront contenir des dispositions relatives :
– au nombre minimum de sportifs formés localement dans les équipes participant aux compétitions ;
– et au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportives. La première disposition permet astucieusement de limiter le nombre de joueurs étrangers dans les équipes de clubs sans fonder cette limitation sur leur nationalité, évitant ainsi de tomber sous le coup de la jurisprudence européenne (CJUE, 15 déc. 1995, Bosman) sur la libre circulation. La seconde permet d’instaurer un « salary cap » visant à imposer aux clubs professionnels la réduction ou la limitation de leur masse salariale, dans une optique d’équité économique et d’équilibre d’exploitation. Un dispositif de ce type, inspiré du sport professionnel américain, a déjà été mis en place par la Ligue nationale de rugby. Il n’aura pour les fédérations ou ligues professionnelles qu’un caractère facultatif.
- Renforcement du rôle des organes de contrôle de gestion des clubs (art. 3) :
Jusqu’ici, les organes de contrôle de gestion des clubs créés obligatoirement par les fédérations disposant d’une ligue professionnelle ne bénéficiaient que d’un encadrement législatif minimal. N’étant pas définis par la loi, leurs pouvoirs et leurs missions pouvaient faire l’objet d’interprétations plus ou moins restrictives. Les organismes de contrôle de gestion se voient expressément reconnaître un pouvoir d’appréciation indépendant et assigner l’objectif d’assurer la pérennité des clubs, de favoriser le respect de l’équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions. Toutefois, ces organismes n’accèdent pas au statut d’autorité administrative indépendante (AAI), contrairement à l ’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ou à l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Ils ne possèdent pas la personnalité morale. Ils ne sont pas rattachés au budget du ministère des sports et ils n’agissent pas directement au nom de l’État, même si leurs actes relèvent des prérogatives de puissance publique exercées par les fédérations délégataires. Leur degré d’indépendance par rapport à la fédération qui les a créés dépend toujours de cette fédération elle-même, dont ils peuvent constituer un organe interne et qui fixe le mode de nomination de leurs membres, leurs règles de fonctionnement et leurs pouvoirs (simples recommandations ou mesures contraignantes, sanctions …). Cela étant, le « pouvoir d’appréciation indépendant » que leur confère la loi nouvelle renforce leur autonomie de fonctionnement.
- Vente illégale de titres d’accès à une manifestation sportive (art. 5) :
La vente de titres d’accès à une manifestation sportive ou la fourniture de moyens dans ce but, à titre habituel et sans L’accord de 1’organisateur, constitue désormais un délit puni d’une amende de 15.000 €, doublée en cas de récidive (C. sport, art. L. 332-22 nouveau).
- Rémunération des agents (art.6) :
Les fédérations se voient accorder la possibilité d’imposer aux agents sportifs et aux avocats exerçant cette activité un taux maximal de rémunération inférieur au plafond légal de 10% du contrat conclu par leur intermédiaire. S’agissant des avocats, la rédaction du nouveau texte est maladroite, puisqu’elle lie la rémunération ainsi plafonnée à un pourcentage du contrat « conclu par les parties mises en rapport », alors qu’un avocat ne peut être rémunéré qu’en vertu d’un mandat, et non pour une simple mise en rapport.
- Répression de la fraude et de la manipulation de compétitions donnant lieu à paris sportifs (art. 7, 8 et 9) :
Les fédérations délégataires devront édicter des règles interdisant aux acteurs des compétitions sportives de réaliser des prestations de pronostics sur ces compétitions :
– lorsqu’ils sont contractuellement liés à un opérateur de paris sportifs agréé,
– ou lorsque ces prestations sont effectuées dans le cadre de programmes parrainés par un tel opérateur. De même, les acteurs des compétitions ne pourront détenir aucune participation au sein d’un opérateur agréé proposant des paris sur la discipline concernée. Ces interdictions nouvelles sont notamment susceptibles de s’appliquer à un sportif qui aurait concédé à un opérateur de paris sportifs le droit d’exploiter son nom et son image. En outre, les peines applicables à la corruption active et passive sont étendues à l’offre et à l ’acceptation de présents, dons ou avantages en vue de modifier le déroulement normal et équitable d’une manifestation sportive donnant lieu à paris sportifs (C. pénal., art. 445-1-1 et 445-2-1 : 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende).
2/ Développement du sport
- Possibilité pour une société sportive de prendre la forme d’une SARL, d’une SA ou d’une SAS (art. 10)
Jusqu’ici, les sociétés sportives ne pouvaient être constituées que sous la forme d’une société anonyme à objet sportif (SAOS), d’une société anonyme sportive professionnelle (SASP), d’une entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL), ou encore, à titre « résiduel », d’une société d’économie mixte sportive locale (SEMSL). Ces sociétés devaient se conformer à des statuts-types annexés à un décret. Désormais, les sociétés sportives nouvellement créées ou préexistantes pourront également adopter, si elles le souhaitent, l’une des formes « classiques » de SARL, de SA ou de SAS, sans être tenues au respect de statuts-types. La loi nouvelle ne remet donc pas en cause le schéma juridique actuel selon lequel :
– une société sportive, quelle qu’en soit la forme, doit être créée par une association affiliée à la fédération, même si par la suite, cette « association support » peut céder la totalité de sa participation d’origine à des personnes privées (sauf si la société est une SAOS, auquel cas l ’association doit conserver au moins 1/3 du capital) ;
– il doit exister une convention d’une durée maximale de 5 ans, sans possibilité de reconduction tacite, entre la société sportive, quelle qu’en soit la forme, et « l’association support », même si cette dernière ne détient plus aucune participation dans la société autre qu’une SAOS et ne siège pas dans ses organes de direction ou de contrôle ;
– cette convention doit être approuvée par le pr
éfet ;
– en cas de résiliation ou de non renouvellement de la convention, la société sportive ne peut plus participer aux compétitions (nota : cette hypothèse est toutefois théorique, car elle conduit dans les faits à la disparition du club, ou tout au moins à sa relégation dans les championnats amateurs .. .) ;
– « l’association support » peut utiliser gratuitement le nom et les marques du club ;
– « l’association support » est destinataire des délibérations de l’organe dirigeant de la société sportive ; elle peut notamment poser par écrit des questions aux dirigeants de la société sportive sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Cela étant, la durée et le contenu de la convention qui assure le rattachement indirect des sociétés sportives à la FFF via « l’association support » ne sont pas fixés par la loi, mais par un décret qui pourrait être modifié par le gouvernement.
La réforme permettra aux sociétés sportives :
– de ne plus être tenues d’adopter des statuts-types si elles adoptent la forme de SARL, de SAS ou de SA de droit commun ; elles pourront dans ce cas élargir leur objet social à des activités connexes ou complémentaires à l’organisation de manifestation sportives et à la formation des sportifs (p. ex : gestion d’équipements sportifs et organisation ou production de spectacles ou de manifestations dans le domaine artistique, culturel, évènementiel, sécurité, gardiennage, agence de voyages, gestion d’image …) ;
– de bénéficier de modes de gouvernance plus simples et d’une plus grande souplesse de fonctionnement si elles choisissent la forme de SARL ou de SAS. Les règlements des fédérations ne pourront pas limiter cette liberté d’organisation : en effet, les prérogatives de puissance publique dont jouissent les fédérations sportives et leurs ligues professionnelles pour assurer la régularité des compétitions ne leur confèrent pas le droit d’imposer aux sociétés sportives des conditions plus restrictives que celles fixées par la loi (CE, 19 jan. 2009, no 314049, Sté Blagnac Sporting club rugby et a.).
- Prêts ou cautions en faveur des sociétés sportives (art. 11)
Jusqu’ici, il était interdit à toute personne privée porteuse de titres d’une société sportive de consentir un prêt à une autre société sportive de la même discipline ou de se porter caution en faveur d’une telle société (C. sport, art. L. 122-9). Cette interdiction ne concernera plus que les personnes ayant le contrôle exclusif ou conjoint d’une société sportive, ou exerçant sur elle une influence notable, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce. Le porteur de titres d’une société sportive dont il n’a pas le contrôle pourra désormais prêter à une autre société sportive de la même discipline. L’objectif est ici de permettre à une banque ayant une participation minoritaire dans une société sportive d’en financer d’autres.
3/ Formation et droits des sportifs (art.12 et 13) :
Les établissements scolaires du second degré (lycées) et les établissements d’enseignement supérieur doivent permettre « selon des formules adaptées » la pratique sportive de haut niveau en compatibilité avec la poursuite des études.
4/ Protection de la santé des sportifs et lutte contre le dopage (art.14 à 21) :
La loi nouvelle ratifie l’ordonnance du 14 avril 2010, dont l’objectif était d’harmoniser les dispositions du code du sport relatives à la lutte contre le dopage avec le code de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Ces dispositions sont notamment les articles L. 232-12 à L. 232-16 dudit code relatifs aux contrôles et aux obligations de localisation des sportifs du groupe cible désigné pour une année par l’Agence française de lutte contre dopage (AFLD). Leur mise en œuvre doit respecter les standards internationaux de contrôle édictés par l’AMA, qui prévoient notamment l’obligation pour les sportifs du groupe cible de communiquer, pour chaque jour du trimestre à venir, une plage de 60 minutes entre 6 h et 23 h pendant laquelle un contrôle doit pouvoir être effectué dans un endroit déterminé qui peut-être, s’il en est d’accord, le domicile du sportif.
La loi précise par ailleurs les modalités d ’obtention des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques ; les substances et méthodes nécessitant de telles autorisations et les conditions de délivrance de celles-ci seront fixées par voie réglementaire. L’AFLD sera habilitée, avec l’accord de l’organisation anti-dopage (OAD) compétente, à diligenter des contrôles lors de compétitions organisées ou agréées par une fédération délégataire se déroulant à l’étranger. Elle pourra recevoir – et donc utiliser – des informations relatives à la détention ou à l’emploi de substances et méthodes dopantes de la part des autres OAD reconnues par l’AMA ayant les mêmes compétences que les siennes.
Enfin, les services de télévision qui retransmettent des programmes sportifs devront diffuser des programmes relatifs à la lutte contre le dopage.
5/ Droit à l’information (art. 22) :
Les conditions de diffusion gratuite, pour l’information du public, de brefs extraits de manifestations ou compétitions sportives dont les droits de retransmission ont été cédés à un service de télévision devaient être fixées par un décret qui n’a jamais été publié (C. sport, art. L. 333-7). La loi nouvelle donne compétence au Conseil supérieur de l ’audiovisuel pour arrêter directement les modalités de mise en œuvre de ce droit à l’information, après consultation du CNOSF et des organisateurs des manifestation sportives concernées.
Cette loi est d’application immédiate.
Me Denis Provost Me J-Christophe Beckensteiner Cabinet Fidal Réseau sport
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