Les droits et obligations du président d’une association sont encadrés par plusieurs dispositions légales et statutaires. Celui-ci doit donc demeurer vigilant et rester strictement dans la sphère de pouvoir qu’il lui est statutairement dévolue. A défaut, il s’expose à ce que les membres exercent leur droit à contestation voire engage ce qui s’appelle une « révocation ad nutum. » Voici une analyse basée sur des situations récentes qui font aujourd’hui encore jurisprudence.
-
Droits et obligations du président d’une association
1.1 Droits du président d’association
- Représentation légale : Le président d’une association a généralement le droit de représenter l’association dans tous les actes de la vie civile, y compris en justice. Cela est souvent stipulé dans les statuts de l’association. Par exemple, selon la Cour d’appel de Versailles du 30 septembre 2004[1] CA Versailles, 30 sept. 2004, n° 01/08642 « le président, qui représente l’association, est le chef de maison » et « il a donc qualité pour représenter l’association en justice. » Toutefois, cette règle est de mise lorsque le droit de représenter l’association est expressément stipulé par les statuts voire lorsque ceux-ci restent silencieux sur ce point. Dans le cas contraire, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté une requête au motif que le président n’avait pas été autorisé par les statuts à agir en justice au nom de l’association[2]CAA Lyon, 1 févr. 1994, 92LY00290.
- Convocation et présidence des assemblées : Le président a le droit de convoquer et de présider les assemblées générales et les réunions du conseil d’administration ou du conseil paroissial, comme indiqué dans la décision de la Cour d’appel de Pau le 12 février 2008[3]CA Pau, Ch. civ. 1, 12 févr. 2008, 06/0060.
1.2 Obligations du président d’une association :
- Respect des statuts : Le président doit agir conformément aux statuts de l’association. Par exemple, dans la Cour administrative d’appel de Lyon en date du 1er février 1994[4]CAA Lyon, Plénière, du 1 févr. 1994, 92LY00290, il est précisé que « aucune disposition des statuts de cette association ne confère au bureau ni au président du conseil d’administration le pouvoir d’agir en justice au nom de ladite association. »
- Gestion désintéressée : Le président doit veiller à ce que la gestion de l’association soit désintéressée[5]BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n°50 et s.. Toujours selon la Cour administrative d’appel de Lyon le 18 mars 2021[6]CAA LYON, 5ème ch., 18 mars 2021, 19LY00534, « les rémunérations versées doivent être proportionnées aux ressources de l’association et constituer la contrepartie des sujétions effectivement imposées à ses dirigeants dans l’exercice de leur mandat. » Or, en l’espèce, la CAA de Lyon a jugé que la gestion d’une association n’était pas désintéressée lorsque des avantages excessifs étaient accordés aux dirigeants sans justification adéquate.
- Déclaration des modifications : Le président doit s’assurer que toutes les modifications apportées aux statuts et les changements dans l’administration de l’association soient déclarés dans les trois mois, comme le dispose l’article 5 de la Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
Conclusion
En conclusion, le président (ou les coprésidents) d’une association a le droit de représenter l’association dans les actes de la vie civile et de convoquer et présider les assemblées. Cependant, il doit respecter les statuts de l’association (ce qui suppose qu’ils soient correctement rédigés), veiller à une gestion désintéressée et déclarer toutes les modifications statutaires et administratives dans les délais légaux.
-
Quels sont les recours possibles pour les membres de l’association si le président ne respecte pas les statuts de l’association ?
La jurisprudence offre plusieurs exemples de recours possibles pour les membres d’une association en cas de non-respect des statuts par le président :
- Convocation et révocation
Dans une affaire jugée par le Tribunal Judiciaire de Nanterre, il a été établi que la révocation d’un dirigeant d’association doit être prévue à l’ordre du jour de l’assemblée générale, sauf en cas d’incident pendant l’assemblée. Les membres peuvent donc demander la convocation d’une assemblée générale pour discuter de la « révocation ad nutum » du président si celui-ci ne respecte pas les statuts[7]TJ Nanterre, 1re ch., 26 sept. 2024, n° 20/08044.
Concernant la mise en œuvre de procédure « ad nutum » dans les associations, les procédures de contestation judiciaire sont légion. Sur ce point, la décision de la Cour d’appel de Paris en date du 2 décembre 2020[8] CA Paris, pôle 2 – ch. 1, 2 déc. 2020, n° 18/22620 est un classique du genre : la Cour a infirmé partiellement le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Evry qui avait déclaré irrecevables les demandes de M. C X contre l’association Union internationale des sciences biologiques (IUBS) concernant la nullité de la 31e assemblée générale de l’association et sa révocation en tant que président. La question juridique principale était de savoir si M. X avait qualité et intérêt à agir en contestation de la délibération de révocation et en demande de remboursement de frais avancés pour l’association. La Cour a jugé que M. X était recevable à agir en nullité de la seule délibération ayant prononcé sa révocation et en réparation de son préjudice au titre de la révocation abusive, ainsi qu’en paiement des avances exposées dans le cadre de son mandat de président, mais irrecevable pour le surplus de ses demandes. La Cour a également confirmé la prescription des demandes de remboursement de frais antérieurs au 5 juin 2010. Sur le fond, la Cour a jugé que la révocation de M. X était intervenue dans des formes régulières et n’était pas abusive, et a donc débouté M. X de l’ensemble de ses demandes. Par ailleurs, la Cour a condamné M. X à rembourser à l’IUBS une somme de 9.467 euros pour des sommes non employées et à payer 3.000 euros en réparation du préjudice subi par l’association en raison de ses agissements préjudiciables. Enfin, M. X a été condamné à payer 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
- Capacité pour agir en justice
La Cour d’appel de Papeete du 24 août 2023 a confirmé que le président d’une association a la qualité pour agir en justice et vis-à-vis des tiers, ce qui inclut la possibilité pour les membres de contester les actions du président en justice si elles sont contraires aux statuts de l’association[9]CA Papeete, Cabinet b, 24 août 2023, n° 22/00161.
- Radiation et Réintégration
La Cour d’appel de Toulouse le 07 février 2023 a traité un cas où un membre d’une association a contesté sa radiation, arguant qu’il n’avait pas été régulièrement convoqué et qu’aucun motif grave ne justifiait sa radiation. La cour a ordonné la réintégration du membre, ce qui montre que les membres peuvent contester les décisions du président en justice si elles ne respectent pas les statuts[10]CA Toulouse, 2e ch., 7 févr. 2023, n° 21/01786.
Conclusion
Les membres d’une association disposent de plusieurs recours si le président (ou les coprésidents), ne respecte pas les statuts de l’association :
- Demander la convocation d’une assemblée générale pour discuter de la révocation du président, si les statuts prévoient cette possibilité.
- Contester les actions du président en justice, en se basant sur leur qualité de membres et les statuts de l’association.
- Contester les décisions du président, telles que les radiations, en justice pour non-respect des statuts.
Ces recours permettent aux membres de s’assurer que les actions du président sont conformes aux statuts de l’association et de protéger leurs droits au sein de l’association.
Colas Amblard , docteur en droit, avocat
En savoir plus :
Président : un écrit sinon rien !, Institut ISBL, octobre 2023
Faute détachable des fonctions de dirigeant, Institut ISBL, novembre 2023
La révocation du dirigeant d’association, Institut ISBL, novembre 2023
- Présider une association : la vigilance est de mise - 29 octobre 2024
- Association et dirigeant de fait : attention au retour de bâton ! - 29 octobre 2024
- A propos de la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback en qualité de ministre déléguée chargée de l’Economie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation - 29 septembre 2024
References
↑1 | CA Versailles, 30 sept. 2004, n° 01/08642 |
---|---|
↑2 | CAA Lyon, 1 févr. 1994, 92LY00290 |
↑3 | CA Pau, Ch. civ. 1, 12 févr. 2008, 06/0060 |
↑4 | CAA Lyon, Plénière, du 1 févr. 1994, 92LY00290 |
↑5 | BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n°50 et s. |
↑6 | CAA LYON, 5ème ch., 18 mars 2021, 19LY00534 |
↑7 | TJ Nanterre, 1re ch., 26 sept. 2024, n° 20/08044 |
↑8 | CA Paris, pôle 2 – ch. 1, 2 déc. 2020, n° 18/22620 |
↑9 | CA Papeete, Cabinet b, 24 août 2023, n° 22/00161 |
↑10 | CA Toulouse, 2e ch., 7 févr. 2023, n° 21/01786 |