A défaut de reclassement, l’employeur doit reprendre le versement du salaire dans le délai d’un mois à compter de la visite de reprise ayant déclaré inapte le salarié en CDD après un accident du travail.
Un sportif engagé en CDD pour une durée de 4 ans subit un accident du travail et est déclaré inapte deux ans avant l’échéance de son CDD. Il refuse une proposition de reclassement de son employeur. Puis il saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire de son CDD et en paiement de son salaire à compter de la déclaration d’inaptitude.
La Cour d’appel de Dijon accueille la demande du salarié et prononce la résiliation judiciaire du CDD du sportif aux torts de l’employeur, mais déboute ce salarié de sa demande en paiement de son salaire à compter de la déclaration d’inaptitude. Les juges du fond décident que la règle de la reprise du paiement du salaire n’est pas applicable au CDD, lequel ne peut pas être rompu par l’employeur.
La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si le salaire doit être versé au salarié en CDD non reclassé en cas d’inaptitude d’origine professionnelle.
Par un arrêt rendu le 25 mai 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon au motif que :
« Il résulte de la combinaison de ces textes [L.1226-11, L.1226-20 et L.1226-21 du code du travail] que, lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, n’est pas reclassé dans l’entreprise, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail.
Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire et de congés payés afférents pour la période postérieure au 19 septembre 2007, l’arrêt retient que les dispositions de l’article L. 1226-4 du code du travail instituant l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement de la rémunération du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident ne sont pas applicables au contrat à durée déterminée, lequel ne peut être rompu par l’employeur ; En statuant ainsi, alors qu’en cas d’impossibilité de reclassement ou de refus, par le salarié, de l’emploi de reclassement, l’employeur est en droit de saisir le juge d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Cour de cassation affirme, pour la première fois à notre connaissance, l’obligation pour l’employeur de reprendre le versement des salaires lorsque le salarié en CDD n’est pas reclassé dans le délai d’un mois courant à compter de la déclaration de son inaptitude d’origine professionnelle.
Une telle solution est entièrement justifiée par l’article L.1226-20 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi de simplification du droit du 17 mai 2011. En effet, cette disposition organisait expressément l’exclusion de certaines dispositions relatives à l’inaptitude professionnelle dans le cas particulier du salarié en CDD. Or, l’article L.1226-11 du code du travail relatif à la reprise du versement du salaire n’était pas dans le champ des exclusions. Il était donc pleinement applicable aux salariés en CDD dont l’inaptitude a une origine professionnelle.
La reprise du versement des salaires aux salariés en CDD inaptes pour des raisons professionnelles était justifiée par la possibilité pour l’employeur, non de rompre lui-même le contrat, mais de solliciter la résiliation judiciaire du CDD en cas d’impossibilité de reclasser le salarié, possibilité organisée par l’article L.1226-20 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mai 2011. Mais en pratique, l’employeur risquait fort de voir aboutir sa demande en résiliation judiciaire du CDD après le terme du contrat.
A contrario jusqu’au 17 mai 2011, lorsque l’inaptitude du salarié en CDD avait une origine non professionnelle et que son reclassement s’avérait impossible, l’employeur n’était autorisé ni à rompre le contrat ni à en demander la résiliation en justice. A défaut d’être autorisé à rompre le CDD, l’employeur n’était pas tenu de reprendre le versement des salaires dans le délai d’un mois à compter de la seconde visite de reprise (Cass soc, 8 juin 2005, n° 03-44913, Sté Protectrice des animaux de Charnay les Macôn c/ Legrand). Dans cette situation, l’employeur devait maintenir le salarié dans ses effectifs jusqu’au terme normal du contrat sans lui verser de salaire, le salarié n’étant pas mesure d’exécuter le travail (Cass soc, 18 novembre 2003, n° 01-44280, Sté Chambedis c/ Mme Carole X.).
Quelle que soit l’origine, le traitement de l’inaptitude du salarié en CDD était inapproprié tant pour l’employeur que pour le salarié. Dans ces conditions, l’article 49 de la loi du 17 mai 2011 précitée a modifié et unifié les règles applicables à l’inaptitude du salarié en CDD.
Comme avant la loi, l’employeur doit tenter de reclasser le salarié en CDD déclaré inapte.
Mais, à défaut de reclassement possible, l’employeur doit rompre le CDD ou reprendre le versement des salaires dans le délai d’un mois à compter de la dernière visite de reprise. Les articles L.1243-1, L.1243-4, L.1226-4-2 et L.1226-20 du code du travail sont modifiés en conséquence. La possibilité pour l’employeur de solliciter la résiliation judiciaire du CDD du salarié déclaré inapte après un AT/MP est supprimée.
Le présent arrêt conserve un intérêt pour tous les contentieux présents et à venir liés à l’inaptitude d’origine professionnelle de salariés dont le CDD est parvenu à échéance avant le 17 mai 2011. En l’absence de reclassement, ces salariés peuvent poursuivre leur ancien employeur qui n’aurait pas repris le paiement de leur salaire un mois après la déclaration d’inaptitude d’origine professionnelle, sur le fondement de l’article L.1226-20 dans sa rédaction antérieure au 17 mai 2011 et sur celui du présent arrêt.
Nouveau régime de la loi de simplification du droit
La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a été publiée au Journal Officiel le 18 mai 2011. Elle a été validée par le Conseil constitutionnel .
L’article 49, I. prévoit la possibilité pour un employeur de rompre, de manière anticipée, un C.D.D. en cas d’inaptitude physique du salarié d’origine professionnelle ou non.
Néanmoins, la réunion de plusieurs conditions est nécessaire pour appliquer ce dispositif :
- l’inaptitude physique du salarié doit être constatée par le médecin du travail,
- l’employeur doit avoir cherché des solutions de reclassement du salarié. C’est seulement si le reclassement du salarié est impossible qu’il pourra rompre le contrat.
Attention : Bien entendu, lorsque le salarié inapte a la qualité de salarié protégé, l’autorisation de l’inspection du travail est requise pour pouvoir prononcer la rupture.
Si à l’issue d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié inapte n’est pas reclassé ou n’est pas « licencié », l’employeur doit lui verser le salaire qu’il percevait avant la période de suspension du contrat.
Les salariés dont le contr
at est rompu bénéficient d’une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L.1234-9 du code du travail. Le versement de cette indemnité s’effectue selon les mêmes modalités que la prime de précarité.
Il ressort du rapport de l’Assemblée Nationale (AN n° 3112) que la condition d’ancienneté d’un an prévue par ce dernier article n’est pas requise dans ce cas là. Le montant de l’indemnité est donc calculé au prorata de la période de travail du salarié.
Enfin, toute rupture du C.D.D. entraîne le versement d’une prime de précarité. Le salarié inapte dont le contrat est rompu de manière anticipée peut y prétendre, la loi ne l’excluant pas.
Me J-Christophe Beckensteiner Avocat associé, spécialisé en droit du travail Cabinet Fidal, Lyon
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