Les dirigeants d’associations ne répondent à titre personnel que des fautes détachables de leur fonction ou de celles commises pour le compte d’une association non déclarée et donc dépourvue de la personnalité juridique, comme dans la présente espèce.
1-Un pompier professionnel, qui participait en qualité de bénévole au démontage d’un ponton d’atterrissage à l’issue d’une manifestation d’acrobaties aériennes en parapente, est victime d’un accident de plongée et décède par noyade. Sa veuve, agissant en son nom personnel et en qualité d’administratrice légale de son fils, fait assigner en responsabilité le comité organisateur de la manifestation et son assureur. Mais cette action est déclarée partiellement irrecevable en raison de l’inexistence juridique de cette association non déclarée au jour de l’accident. Son dirigeant de fait est alors assigné à son tour, à titre personnel. Par jugement du 6 juin 2013, le tribunal de grande instance de Chambéry le juge responsable, par sa faute, du décès accidentel du pompier bénévole et le condamne solidairement avec l’assureur de l’association. Il interjette appel en soutenant qu’il n’était pas le responsable juridique de cette manifestation qu’il organise, chaque année, uniquement en qualité de bénévole du Comité départemental de Vol Libre.
2- La veuve de la victime lui reproche une insuffisance des mesures de sécurité, notamment le défaut de réunion préparatoire et plus généralement un manquement au devoir d’information, la tardiveté des secours qu’elle impute à l’absence d’un deuxième plongeur, ainsi que le défaut de signature d’une convention de mise à disposition du service départemental d’incendie et de secours.
3-L’action qu’elle a formée a pour fondement les articles 1382 et 1383 du code civil. En effet, la faute reprochée à l’appelant est une faute délictuelle car ni la veuve ni son fils n’ont passé de contrat avec lui. Quelque soit l’origine de la faute, contractuelle ou délictuelle, elle ne peut être retenue qu’à la condition d’avoir été la cause génératrice du dommage. Aussi, la cour d’appel écarte-t-elle le moyen tiré du défaut de réunion préparatoire. En effet, il n’est pas prétendu que le mode opératoire pour le désancrage du ponton d’atterrissage soit en cause. De surcroît, l’arrêté du 4 avril 1996 qui prescrit le rappel des consignes de sécurité, ne vise pas l’organisation de la manifestation mais la mission particulière du directeur des vols. En revanche, la cour d’appel retient comme cause de la noyade l’utilisation d’un matériel défectueux, en l’occurrence un parachute de levage percé, qui a contraint la victime à une plongée supplémentaire, et à l’utilisation de davantage d’air comprimé puisque sa bouteille a été retrouvée vide au moment de la remontée du corps à la surface.
4-La cour d’appel avait ensuite à démêler l’imbroglio constitué par la présence de deux structures dans l’organisation de cette manifestation afin de pouvoir identifier l’auteur de la faute. Selon l’arrêté de 1996, l’organisateur d’une manifestation aérienne est le rédacteur de la demande d’autorisation. Or, celle-ci a été faite au nom d’un comité non déclaré où est mentionné le nom de son dirigeant à la fois comme organisateur et comme directeur des vols. Ce comité a été autorisé à organiser la manifestation par arrêté préfectoral. Mais non déclaré, il n’a pas d’existence juridique. C’est donc son dirigeant qui est réputé l’organisateur de la manifestation. Toutefois celui-ci objecte qu’il n’intervenait qu’en qualité de préposé bénévole du Comité départemental de Vol Libre émanation de la Fédération Française de Vol Libre. C’est sous l’égide de cette association qu’il prétend avoir préparé les dossiers d’autorisation administrative. Pour preuve de son analyse, le visa de la Fédération Française de Vol Libre mentionne que la manifestation apparaîtra sur le calendrier de la FFVL et précise qu’elle est « organisée par le Comité départemental de vol libre de Savoie N° 03818 » ce qui est confirmé par le calendrier des manifestations aériennes et sur le site de la FFVL.
5-Mais un élément va faire pencher la balance. En effet, le comité a souscrit une assurance en responsabilité civile pour l’accueil du public, alors que l’assurance de la partie aérienne de la manifestation est couverte par la Fédération Française de Vol Libre. C’est donc par le biais des assurances en responsabilité que la cour d’appel détermine le rôle de chacune des deux structures. La première prenant en charge la logistique de la manifestation et la seconde l’épreuve proprement sportive. L’accident était en rapport avec l’organisation matérielle de la manifestation et non le déroulement des épreuves, c’est donc, en toute logique, la responsabilité de ce comité qui était en cause. Seulement, n’ayant pas été déclaré, il n’était qu’une « association de fait ». Si les dirigeants ne répondent pas par principe de leur responsabilité, c’est qu’ils agissent pour leur compte de l’association en qualité de représentants. Ils bénéficient donc de l’écran que constitue la personnalité morale. Ce n’est que dans le cas où ils commettraient une faute personnelle « séparable de leur fonction »[1]qu’ils en répondraient à titre personnel. Mais quand il n’y a pas l’écran de la personne morale, ce qui est le cas des associations de fait, c’est la responsabilité du dirigeant lui-même qui est retenue. C’est la conclusion à laquelle aboutit la cour d’appel après avoir relevé qu’il devait être qualifié d’organisateur de la manifestation aérienne en sa qualité de représentant du comité.
Notes:
[1] Civ 2, 19 févr. 1997, n° : 95-11959. Civ 2, 17 févr. 2011. C’est le cas de ceux qui se rendent coupables de fautes de gestion ou d’abus de fonction.