Votée en 2004 (article L 222-2 du Code du sport), le droit à l’image collective (DIC) est utilisé par les clubs de sports collectifs depuis la saison 2005-2006. La remise en question de cette disposition à partir de fin juin 2010 fait couler beaucoup d’encre, au point que certains clubs sportifs professionnels menacent de faire grève. L’avantage fiscal consenti aux clubs sportifs professionnels doit-il être remis en question ? Nous vous proposons une revue de détails des arguments en présence.
I. Le DIC : qu’est-ce que c’est ?
Son principe permet au club d’exonérer de charges sociales (patronales et salariales) une partie de la rémunération des joueurs selon un certain nombre de limites : cette part doit être supérieure à deux fois le plafond de la sécurité sociale (5546 € mensuel brut) et ne doit pas dépasser 30% du salaire brut des joueurs. Dans un contexte de crise économique, beaucoup s’interrogeait sur le maintien d’une telle niche fiscale au bénéfice des clubs sportifs (Rép. min. sport publiée au JO du 30/06/2009, p. 6713).
Initialement prévu pour être maintenu jusqu’en 2012, le vote des députés a décidé d’anticiper sa fin au 31 décembre 2009 provoquant une polémique au sommet de l’Etat : suite à un rapport 2009 de la Cour des Comptes qui recommandait la « suppression de ce dispositif », Jean-Jacques JEGOU, sénateur du MODEM, a déposé un nouvel amendement qui après avoir envisagé de supprimer cet avantage fiscal consenti aux clubs sportifs au 31 décembre 2009 devrait finalement se poursuivre pour les contrats en cours jusqu’en 2012 et ne plus s’appliquer à ceux signés à partir de la saison prochaine.
Une solution acceptable aux yeux des dirigeants du rugby français qui menacent de faire grève (27 clubs sur 30 du Top 14 et Pro D2). La commission paritaire a rendu son avis à l’Assemblée pour décider d’une issue politique à ce conflit, en attendant d’éventuels recours à la voie judiciaire actuellement à l’étude.
II. Les arguments en présence concernant la suppression du DIC
Comment en est-on arrivé à une telle situation ? La suppression du droit à l’image collective (DIC), votée par l’Assemblée Nationale jeudi 29 octobre, selon les vœux du gouvernement a créé une véritable polémique. Pas seulement parce que différentes personnalités du gouvernement ont pris des positions différentes sur cette question (étaient pour la suppression du DIC la Ministre de la Santé et des Sorts, Roselyne BACHELOT, Madame Christine LAGARDE, à l’inverse de la secrétaire d’Etat au Sport Rama YADE).
Evidement, dans un contexte de crise, la suppression de cette exonération de charges sociales pour des clubs sportifs qui ont longtemps combattus pour être reconnus comme des acteurs économiques à part entière (voir notamment les débats à propos de l’introduction en bourse des clubs sportifs) conduit à s’interroger. Par ailleurs, il apparait que ce « coup de pouce » donné en faveur des clubs sportifs français à surtout servi à alimenter un peu plus l’inflation salariale notamment des footballeurs : le salaire brut moyen a augmenté de 40% entre 2005 et 2007 pour passer de 29 300 à 40 800 € par mois. Comme l’a souligné Roselyne BACHELOT, Ministre de la Santé et des Sports, « ce mécanisme, mis en place pour permettre au club de mieux payer les joueurs professionnels, s’est révélé inefficace, injuste et incontrôlable. Inefficace car il n’a pas renforcé la compétitivité des clubs au niveau Européen, injuste car les critères sont liés à la rémunération des joueurs. C’est surtout une mécanique qui s’emballe totalement. »
En effet, la compétitivité des joueurs tient pour une large part à la capacité de ces derniers de verser des rémunérations attractives en direction des sportifs professionnels. Or, comme l’a calculé la Cours des Comptes, laquelle, il convient de le rappeler préconise la suppression du DIC, un joueur disposant d’un salaire brut de 100 000€ touche en net (après impôt et charges) 55 700€ en France, soit le même niveau qu’en Espagne (55 600€) et en Allemagne (55 450€) et plus qu’en Italie (48 800 €). Seule l’Angleterre permet une moindre taxation (59 650€) par conséquent, il ressort que l’harmonisation de la fiscalité des clubs n’entraine pas des conséquences immédiates car la différence de revenu net s’explique surtout par le salaire brut : or, comme la souligné Roselyne BACHELOT, les joueurs français bénéficient déjà du bouclier fiscal, « ce qui a permis de réduire à 15% l’écart des rémunérations avec les autres pays. »
Ce qui a choqué est donc très probablement que l’on a changé les règles en cours de partie. En effet, fort de cette fiscalité avantageuse, les clubs n’ont pas hésité a investir lourdement pour faire venir ou revenir en France les meilleurs joueurs et permis de recruter des stars, comme Lissandro LOPEZ à Lyon (football), Nicolas CARABATIC à Montpellier (handball) ou Johnny WILKINSON à Toulon (Rugby) « grâce au DIC, j’ai pu faire rentrer Sébastien CHABAL en France et recruter François STEYN (international Sud Africain) le plus jeune champion du Monde de l’Histoire », a expliqué Jacky LORENZETTI le Président du Racing métro.
Certes on peut objecter que « le DIC rapporte plus au budget de l’Etat qu’il ne coute » comme l’annonce Jean-Claude DASSIER, le Président de l’OM. En effet, certains clubs estiment que le DIC aurait rapporté 1, 416 milliard d’euros en charge, impôt et taxe, hors impôt sur le revenu des sportifs à l’Etat contrairement à ce qu’avance le Ministère de la Santé et des Sports qui estime au contraire que la facture cumulée depuis 2005 de cette disposition s’élève à 128 millions d’euros.
Cette décision brutale doit par conséquent tenir compte des difficultés rencontrées pas les clubs par les effets cumulés de la crise. Un certain nombre d’entre eux invoque d’ores et déjà le risque de mettre la clé sous la porte, la part du DIC dans le budget club du Top 14 présentant entre 2,5 et 5% du budget global.
Les débats parlementaires devraient en tout état de cause orienter vers une décision privilégiant le report de cette disposition, permettant ainsi une mission de réflexion sur la rémunération des sportifs de hauts niveaux doit rendre son rapport d’ici la fin de la saison sportive (juin 2010). D’ores et déjà la Ministre des Sports a indiqué que cette décision est partagée par Eric WOERTH, Ministre du budget, tous deux ont donné un avis favorable au gouvernement sur cet amendement prolongeant le dispositif actuel jusqu’au 30 juin 2010.
III. Vers une harmonisation de la fiscalité sportive européenne ?
En envisageant la suppression progressive de cette disposition d’exonération, nos dirigeants politiques tiennent compte du fait que d’autres pays s’orientent dans la même direction. A titre d’exemple, l’Espagne vient de signer en date du 4 novembre 2009, un accord politique visant à mettre fin à une loi autorisant les étrangers à être imposés sur le revenu à hauteur de 24% au lieu de 43% pour les Espagnols. Avec la modification que souhaite apporter le Parlement le taux réduit de 24% ne s’appliquerait plus qu’au contribuable déclarant un revenu annuel inférieur à 600 000 €. Une modification qui s’inscrira dans la loi de finances 2010 si le Parlement espagnol adopte cette disposition.
Ainsi, on le voit, malgré le lobbying imposé par les clubs qui en font une question de survie, l’harmonisation du régime fiscal dans le domaine du sport semble enclenchée, dans un contexte de crise économique …
En savoir plus :
Le Monde, « Le parlement s’attaque aux niches fiscales des sportifs », 27 octobre 2009, p. 25
Le Quotidien du foot, « Un amendement en forme d’amende », 5 novembre 2009, p. 2 et 3
L’Equipe, « DIC : ça amende », 5 novembre 2009, p. 9
Libération, « Mises au point sur le droit à l’image », 6 novembre 2009, p. 22 et 23
L’Equipe, « La bourse ou la vie », 6 novembre 2009, p. 11
L’Equipe, « Le rugby en grève », 17 novembre 2009, p. 15
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