Les chutes font partie des exercices d’équilibre comme ceux qui se pratiquent sur une boule. L’essentiel est que l’animateur encadrant l’activité se trouve à proximité immédiate de l’élève et tienne compte du principe de progressivité de l’enseignement comme le relève l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 2 octobre 2014.
1-Lors d’un « atelier d’équilibre sur la boule » organisé par une école municipale des sports, une jeune fille perd l’équilibre et chute. L’accident est survenu à l’occasion d’un cours hebdomadaire des arts du cirque encadré par une monitrice diplômée. Les parents assignent en responsabilité la commune à qui ils reprochent des manquements aux règles de sécurité dans l’encadrement, la progressivité et l’adaptation des exercices. Le Tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté leur demande, les parents font appel du jugement qui est confirmé par la cour administrative d’appel de Versailles.
2- L’accident s’étant produit à l’occasion du fonctionnement d’un service public -en l’occurrence l’école municipale des sports- l’affaire devait se juger en application des règles du droit administratif et de la responsabilité pour faute prouvée. En effet, le tapis de réception sur lequel l’enfant avait chuté n’étant pas un ouvrage public, la victime ne pouvait pas bénéficier du régime de responsabilité pour faute présumée qui s’applique aux seuls équipements immobiliers et qui a le mérite d’épargner aux usagers de l’ouvrage la charge de la preuve de sa défectuosité. Sans doute, les parents auraient-ils pu faire valoir que le tapis de réception était un accessoire du gymnase où se déroulait l’activité si bien qu’il pouvait prétendre à sa qualification d’ouvrage public[1]. Mais cela n’aurait eu aucune incidence sur la solution du litige. En effet, la commune aurait facilement combattu la présomption de défaut d’entretien normal en démontrant que le tapis de réception était conforme à la norme conseillée pour ce type d’activité. Par ailleurs, en supposant que la méconnaissance d’une norme de sécurité concernant ce tapis ait été établie, les juges considèrent qu’elle ne suffisait pas à elle seule à prouver que ce manquement avait pu être la cause directe de la chute ou de la fracture du coude. Or, il n’y a pas de réparation possible sans qu’ait été constaté un lien de causalité entre l’inobservation d’une réglementation et le dommage qu’on veut lui imputer.
3-Les motifs retenus pour rejeter la demande de réparation sont sans surprise. Il y a d’abord l’exigence de qualification qui s’impose à tout éducateur sportif rémunéré. La monitrice remplissait cette condition puisqu’elle était titulaire du brevet d’État d’éducateur sportif du 1er degré dans l’option gymnastique sportive féminine. Sans doute n’était-elle pas en possession du brevet d’initiateur aux arts du cirque de la Fédération des écoles du cirque comme le recommande la circulaire n° 162-782 du 9 mars 1999, mais la cour administrative d’appel n’en tient pas compte. Il faut l’approuver à un double titre. D’abord, le juge n’est pas tenu par des recommandations. Seule la loi et les règlements l’obligent. Ensuite, rien ne prouve que si la monitrice avait été en possession dudit brevet elle aurait empêché l’accident de survenir. C’est précisément l’occasion de rappeler qu’il n’y pas de responsabilité sans lien de causalité entre le fait générateur (la faute en l’occurrence) et le dommage.
4-Il est communément admis que l’organisation d’une activité à risque à l’intention d’enfants nécessite des mesures de sécurité renforcée. Pour le juge civil l’enseignant doit se tenir à proximité de l’atelier où se déroule l’exercice le plus dangereux[2].Le contrôle simultané de plusieurs ateliers n’est toléré qu’à la condition que l’éducateur sportif veille « personnellement à la bonne exécution des exercices dont le déroulement peut se révéler dangereux »[3]. En l’espèce, le juge administratif ne raisonne pas autrement en relevant que l’animatrice encadrait spécifiquement l’enfant tandis que ses camarades se livraient à d’autres activités d’équilibre dénuées de risques. Par ailleurs, il n’y a rien à redire sur l’emplacement qu’elle occupait puisqu’elle était en position de parade arrière préconisée en pareil cas.
5-Pour tout exercice à risque, le juge civil veille à ce que l’animateur ait vérifié les capacités physiques de ses élèves et ne surestime pas leur niveau en leur imposant des exercices qui les mettraient en danger. Le juge administratif observe ici la même ligne de conduite. En l’occurrence, la cour administrative d’appel s’est assurée que cette exigence avait bien été prise en compte en constatant que l’élève avait déjà effectué l’exercice lors des cours précédents.
6-Les appelants reprochent encore à l’animatrice d’avoir encouragé l’enfant à reprendre l’exercice malgré ses réticences. Mais un bon éducateur ne peut soustraire son élève à toute embûche. Son rôle est aussi de faciliter la levée de ses inhibitions et notamment de l’aider à surmonter sa peur. On n’apprend pas à monter à cheval sans tomber ! De même on ne maitrise pas son équilibre sur une boule sans faire de chute. L’essentiel pour l’animateur est de respecter le principe de progressivité de l’enseignement ce qu’a fait l’animatrice puisque rien n’indique qu’elle ait contraint son élève « à prendre des risques excessifs ».
Jean-Pierre VIAL, « Le risque pénal dans le sport« , coll. « Lamy Axe Droit », novembre 2012