Les jugements rendus par les tribunaux correctionnels d’Agen, le 22 novembre 2019 et de Fontainebleau, le 18 décembre 2019 à la suite de noyades mortelles, fournissent l’occasion de revenir sur les conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes physiques et des personnes morales poursuivies pour des infractions non intentionnelles.  Le drame qui a eu pour scène deux  piscines s’est déroulé selon des scénarios qui ne relèvent nullement d’un hasard malheureux, mais sont l’aboutissement de l’impéritie manifeste d’un dirigeant de société dans un cas et de l’imprévoyance inconsciente de moniteurs d’un centre de loisirs dans l’autre.

 

1-La première espèce, qui a de fâcheux précédents, (voir notre commentaire) est la répétition accablante de noyades imputables à des bouches de reprises des eaux défectueuses. En l’occurrence, une  jeune fille d’un centre de vacances est décédée des suites de l’aspiration de ses cheveux par une bouche située sous l’eau.  Le gérant de la société qui est intervenu pour la construction de la piscine où s’est produite la noyade, ainsi que le syndicat de la copropriété et la société exploitant le site, ont été condamnés pour homicide involontaire.

2-Dans la seconde espèce, l’enfant qui faisait partie du groupe d’un centre de loisirs et était placé sous la surveillance de deux animateurs a été retrouvé flottant entre deux eaux, sans que personne ne se soit aperçu du drame qui se déroulait. Les personnels de surveillance et les animateurs du centre de loisirs ont été relaxés.

3-Ces solutions, à première vue contradictoires, car il y a eu des défaillances dans les deux espèces, s’expliquent par les dispositions de l’article 121-3 du code pénal qui résultent de l’importante réforme issue de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Auparavant les choses étaient simples. Toute faute, quel que soit son degré de gravité et à la condition impérative qu’elle fut la cause du dommage, suffisait pour engager la responsabilité pénale de l’auteur involontaire de la mort ou des blessures causées à autrui. Sous la pression de l’association des maires de France, alarmée par des condamnations pénales de maires pour des négligences légères, le législateur a revue sa copie.  Mais la voie d’un allégement du risque pénal qu’impliquait un relèvement du seuil de la faute s’avérait étroite. D’une part, il fallait éviter le risque de censure du Conseil constitutionnel pour atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, si la réforme ne s’était appliquée qu’aux décideurs publics. D’autre part, les associations de défense des victimes n’auraient pas admis que des dispositions de portée générale affectent des domaines aussi sensibles que la sécurité au travail, les violences routières, la santé des personnes ou les atteintes à l’environnement.

4-Le législateur a fait le choix d’une voie moyenne qui figure à l’alinéa 4 de l’article 121-3.  Le lien de causalité en constitue la pierre angulaire. Sans retoucher à la situation de ceux qui sont les auteurs immédiats du dommage pour l’avoir provoqué, l’idée s’est imposée, pour ceux coupables d’une faute sans lien direct avec le préjudice, qu’ils ne répondaient de leur responsabilité que pour des imprudences ou négligences d’un certain degré de gravité. La distinction, jusque là sans conséquence entre causalité directe et causalité indirecte,  est devenue primordiale.

Le sort des auteurs directs demeure inchangé. Ayant provoqué par leur action ou inaction le dommage qui en est le résultat immédiat, ils répondent de leur faute ordinaire. En revanche, la responsabilité des auteurs indirects, c’est-à-dire ceux « qui ont créé les conditions du dommage ou n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter » ne peut être engagée que pour une faute qualifiée. Il en est ainsi des élus locaux, de leurs agents municipaux, des personnels d’encadrement des clubs sportifs ou des accueils collectifs de mineurs. Ce ne sont pas les maîtres nageurs et les animateurs qui provoquent une noyade. En revanche, ils en sont indirectement les auteurs s’ils ont manqué de vigilance et d’attention dans l’exercice de la surveillance.

5-Ce régime d’aggravation de la faute ne s’applique qu’aux personnes physiques. La Cour de cassation considère que les personnes morales ne peuvent en tirer bénéfice et demeurent responsables des fautes ordinaires de leurs organes ou représentants.

6-Le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Fontainebleau atteste de l’allégement du risque pénal pour les personnes physiques. Celui d’Agen montre que la responsabilité des personnes morales demeure pleine et entière.

 

  • Responsabilité des personnes physiques

 

7-Les prévenus – exploitant d’une société dans la première espèce ; personnels de surveillance d’une piscine et moniteurs d’un centre de loisirs dans la seconde – étaient des auteurs indirects. Il leur était reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter la noyade. Auteurs indirects leur responsabilité ne pouvait être recherchée que pour une des fautes qualifiées – délibérée ou caractérisée – énumérées et définies par l’alinéa 4 de l’article 121-3.

8-La faute délibérée est « lestée de plomb » si on en juge par la somme des conditions à réunir : Il faut enfreindre une loi ou un règlement ; ce texte doit  édicter une obligation de sécurité en sachant que ne sont visées que les obligations particulières. Par ailleurs, à ces conditions propres à l’élément matériel du délit, viennent s’ajouter celles relatives à l’exigence de connaissance du texte par le prévenu et de sa ferme intention de s’en affranchir ce qui, dans le cas de l’exploitation d’un établissement sportif,  ne peut guère se faire sans une mise en demeure préalable. Lorsque les conditions propres à la faute délibérée ne sont pas réunies le juge doit rechercher s’il y a eu commission d’une faute caractérisée laquelle a une fonction supplétive de la faute délibérée.

9-La faute caractérisée a un périmètre beaucoup plus large, puisqu’elle s’applique non seulement à la violation d’une loi ou d’un règlement mais à toute faute d’imprudence ou de négligence. Cependant,  sa définition n’est pas sans soulever certaines difficultés par manque de précision sur son degré d’intensité, d’où le flou sur le seuil à partir duquel on passe de la faute ordinaire à la faute caractérisée[1]Cette question a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation, qui fait office de filtre, à refusé de transmettre au Conseil constitutionnel  pour le … Continue reading. Pour sortir de l’impasse les tribunaux l’assimilent tantôt à la violation d’une loi ou d’un règlement ne répondant pas aux conditions propres à la faute délibérée[2]La Cour de cassation a admis que si un arrêté appliqué par les services locaux de l’aviation civile et les entreprises de transports aériens  ne pouvait s’identifier à la violation … Continue reading, tantôt comme un manquement grave à une obligation professionnelle essentielle[3]Par exemple,  l’accompagnateur d’une course d’alpinisme laissant un membre de sa cordée inexpérimenté redescendre seul au refuge en empruntant un itinéraire rendu difficile par une neige … Continue reading, tantôt comme une addition de fautes ordinaires[4]Crim. 10 janv. 2006, n° 04-86428 .. Le tribunal correctionnel d’Agen reproche à l’exploitant qui avait réalisé les travaux de la piscine, d’avoir gravement méconnu l’obligation de sécurité à sa charge en qualité de professionnel. En revanche celui de Fontainebleau estime qu’aucun manquement ayant le degré de gravité requis pour la faute caractérisée n’est imputable aux maitres nageurs et moniteurs.

 

A-La condamnation du constructeur

 

10- Le prévenu est intervenu directement pour réaliser la construction de la piscine de la copropriété. Le jugement révèle qu’il a modifié le plan initial de l’équipement en remplaçant les bondes de fond par des bouches d’aspiration de paroi. Ce remplacement s’est effectué au mépris des dispositions de l’article 10 de l’arrêté du 14 septembre 2004 portant prescription de mesures techniques et de sécurité dans les piscines privatives à usage collectif qui s’appliquait à la piscine de la copropriété. En effet, ce texte précise que « les bondes de reprise des eaux (…) doivent être conçues de manière à éviter qu’un usager puisse s’y trouver plaqué, aspiré sur tout ou partie de son corps ou sur les cheveux ».  Or celles-ci n’avaient pas les dimensions requises pour répondre à cette condition et étaient, de surcroit, dépourvues d’un système anti-placage adapté. L’article 13 de l’arrêté est également enfreint puisque s’il existait bien un système d’arrêt d’urgence coup de poing, il avait été placé dans le local technique situé dans une rue adjacente à la piscine et fermé à clef, alors qu’il aurait dû être visible et facilement accessible au public.

11-Ces manquements à la réglementation répondaient aux conditions matérielles de la faute délibérée, à savoir la violation d’un arrêté édictant une obligation particulière de sécurité. On peut également penser qu’il avait été commis de façon manifestement délibérée comme le requiert l’alinéa 4 de l’article 121-3, dès lors qu’en sa qualité de professionnel le prévenu ne pouvait ignorer l’existence de l’arrêté de 2004. En outre, ayant modifié le plan initial de la piscine qui le mettait en infraction à la réglementation, il révélait par cette décision son refus manifeste de l’appliquer.

12-Le jugement n’y fait pourtant pas référence, ce qui n’est pas sans conséquence sur la peine encourue plus sévère dans le cas de violation délibérée d’une réglementation[5]Dans le cas d’homicide involontaire commis par faute ordinaire ou caractérisée la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En cas faute  délibérée elle … Continue reading. Le doute sur l’intention manifeste du prévenu d’enfreindre la réglementation est peut-être ce qui a conduit les juges à marquer leur préférence pour la faute caractérisée. Quoiqu’il en soit, ce double manquement à deux articles de l’arrêté de 2004 portait en germe les éléments constitutifs d’une faute de ce degré de gravité : inobservation à deux reprises d’une réglementation ayant pour objet la prévention du risque mortel de noyade que le prévenu ne pouvait méconnaitre en sa qualité de professionnel. A l’inverse, lorsque la faute n’atteint pas ce degré de gravité les poursuites ne peuvent aboutir, comme l’atteste dans la seconde espèce, le jugement de relaxe rendu par le tribunal correctionnel de Fontainebleau en faveur des prévenus.

 

B-La relaxe des personnels de surveillance

 

13-Le rapport effectué par la direction départementale de la cohésion sociale ayant conclu au respect de la réglementation en vigueur, il ne pouvait être question d’une faute délibérée susceptible d’être reprochée aux personnels de surveillance de la piscine de la base de loisirs et aux animateurs du centre de loisirs. En revanche le ministère public avait estimé que les conditions de la faute caractérisée étaient remplies. L’examen attentif des faits par le tribunal révèle l’erreur d’appréciation du parquet.

14-La noyade de la fillette du centre de loisirs s’est déroulée dans des circonstances qui n’ont rien d’exceptionnel car on retrouve un scénario similaire pour d’autres accidents de ce type. La malheureuse après être entrée dans le bassin a perdu pied après avoir eu un contact physique avec un autre baigneur alors qu’elle avait de l’eau à la poitrine. La vidéo surveillance dont est équipé l’établissement a révélé qu’elle a eu plusieurs soubresauts sous l’eau sans que personne ne s’en aperçoive alors qu’elle se trouvait dans le champ de vision des animateurs et qu’il y a avait quatre surveillants autour du bassin. Il s’est écoulé 4 minutes entre le moment où elle s’est retrouvée la tête sous l’eau et la noyade. Son corps a dérivé durant 9 minutes avant qu’un des animateurs, alerté par une fillette, découvre son corps flottant de façon anormale et la sorte de l’eau. Confronté au visionnage de la vidéo, un des employés de la base de loisirs reconnaissait s’être approché du bord du bassin et s’être trouvé près du corps de la fillette sans la voir.

Ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel les cinq préposés de la base de loisirs en service le jour de l’accident et les trois animateurs qui encadraient les enfants. Aux premiers on reprochait d’avoir manqué de vigilance dans la surveillance du bassin et aux seconds d’attention pour le groupe d’enfants dont ils avaient la charge.

15-Les trois animateurs avaient convenu de former deux groupe, l’un comptant 16 non nageurs parmi lesquels figurait la victime, et le second 8 nageurs. Le renvoi en correctionnel de l’animatrice en charge du groupe des nageurs peut surprendre. En effet, pour qu’une personne soit jugée coupable de négligence, il faut établir qu’elle n’a pas « accompli les diligences normales compte-tenu, notamment de la nature de ses missions » comme le précise l’alinéa 3 de l’article 121-3. Or l’intéressée n’avait pas pour mission la surveillance des non nageurs, mais d’un groupe de 8 nageurs. Aussi faut-il approuver les juges de l’avoir relaxée pour absence de faute de sa part.

En ce qui concerne les deux autres animateurs en charge des non nageurs, il ne peut leur être reproché de désinvolture et de laisser aller dans l’exercice de la surveillance, au contraire d’autres espèces (voir notre commentaire). Comme le relève le jugement, ils ont rappelé les consignes de sécurité avant l’entrée en l’eau des enfants ; ceux-ci avaient pied dans le bassin où ils évoluaient ; les animateurs qui n’ont à aucun moment quitté leur poste étaient dans l’eau au milieu des enfants ; si la fiche sanitaire ne comportait aucune information sur l’état d’aisance dans l’eau des enfants -omission à mettre au compte de la direction du centre –  ils ne pouvaient pas nécessairement se douter d’une absence totale d’aisance d’une jeune fille de huit ans dans peu d’eau.

16-En revanche, ils n’ont manifestement pas été formés à l’exigence d’une organisation rigoureuse de  surveillance pour des enfants non nageurs, comme l’atteste leur comportement.

Aucun d’eux n’accompagne l’entrée dans l’eau de la fillette. Ils ne s’enquièrent pas de son état pendant les minutes qui suivent et spécialement entre l’instant de la noyade et de la découverte du corps flottant à la surface de l’eau. A l’évidence ces défaillances tiennent à une organisation défectueuse de la surveillance. Il est impossible de surveiller chaque enfant individuellement avec un effectif de 16 personnes. La surveillance collective, où tous les animateurs surveillent tous les enfants à la fois sans prise en charge nominative, est mortifère. Pour preuve, l’historique des noyades dans les accueils collectifs de mineur révèle que si l’un d’entre eux disparaît du champ de vision d’un des animateurs, celui-ci pense habituellement à tort qu’il est pris en charge par son camarade, alors que l’enfant est en train de se noyer[6]Trib. Corr. Moulins. 23 sept. 1993 jugement n°420/93. CA Pau 28 févr. 1996. Dossier n° 95/00766..

En  scindant les 16 enfants en deux sous groupes, les deux animateurs se seraient donné les moyens d’avoir plus facilement un œil sur chacun d’eux. Leur défaut de surveillance est en définitive moins un défaut d’attention que d’organisation des modalités de la surveillance. Toutefois, celui-ci n’atteint pas le degré de gravité nécessaire à la constitution de la faute caractérisée. Les animateurs pouvaient légitimement ignorer qu’une telle organisation de la surveillance exposait les enfants les plus vulnérables au risque de noyade. A la différence des maîtres nageurs, ils ne sont pas des professionnels des activités aquatiques spécialement formés à la surveillance des baignades. Aucun d’entre eux n’était en possession d’une qualification appropriée à cette activité telle que le brevet de surveillant de baignade. Il appartenait donc aux maitres nageurs de leur recommander, à l’occasion du rappel des consignes, de former des groupes à plus faible effectif.

17-Les surveillants du bain ont-ils failli dans l’exercice de leur mission de surveillance comme l’atteste une autre espèce où ils ont laissé vacante une zone de surveillance stratégique et omis de vérifier la fermeture d’une barrière d’accès à un toboggan aquatique ?  (voir notre commentaire). Que leur reproche le ministère public ? De ne pas avoir aperçu la fillette en train de se noyer. Or rien dans leur comportement ne révèle un relâchement quelconque. Ils étaient chacun à leur poste au moment de l’accident mais les circonstances révèlent qu’ils ne pouvaient avoir l’œil sur la victime. Le chef de bassin réceptionnait plusieurs groupes et les fiches de navette. Impossible pour lui d’avoir en même temps les yeux rivés sur le bassin en l’absence de don d’ubiquité ! Ses camarades se trouvaient aux abords du bassin. Toutefois, celui assis sur la chaise haute ne pouvait apercevoir la victime à l’endroit où il se trouvait. Un autre qui avait renoncé à sa pause déjeuné au vu de l’affluence avait les yeux fixés sur des usagers rappelés à l’ordre au moment de l’accident. Un troisième après avoir accueilli des groupes s’était dirigé vers la zone pour relayer un surveillant.

Le tribunal s’étonne qu’aucun d’entre eux n’ait vu le corps de la victime flotter pendant de longues minutes. Mais comme il vient d’être dit, durant ce laps de temps chacun était occupé à une autre tâche ou dans l’impossibilité d’avoir la victime dans son champ de vision. Par ailleurs,  lorsqu’il y a environ 300 personnes dans un bassin, quelle que soit l’attention qu’ils portent aux baigneurs, les personnels de surveillance ne peuvent pas « tenir mentalement un compte exact de la réapparition à la surface » de chacun d’eux[7]Trib. Corr. d’Evreux 16 déc. 1971.. De surcroît, un surveillant de bains peut être induit en erreur par un comportement qui peut s’assimiler à un jeu. L’obligation de surveillance des professionnels  est bien de moyens et non de résultat, comme le rappelle à juste titre le tribunal. Solution logique puisqu’ils n’ont pas la maitrise du comportement de chaque nageur. Leur responsabilité n’est pas engagée du seul fait de la survenance d’une noyade.  Ainsi, la circonstance qu’un enfant soit secouru par un tiers, lequel a été alerté par un nageur ne suffit pas, par elle-même à établir un défaut de surveillance[8]TA Rennes 8 avr. 2004 déjà cité.. Enfin le jugement observe, à juste titre, que « la faute caractérisée ne peut se déduire de la seule gravité du résultat ». C’est aller dans le sens voulu par les sénateurs qui avaient obtenu lors de l’adoption de la loi du 10 juillet 2000 l’ajout par amendement de la conjonction de coordination « et » entre les termes de faute caractérisée et d’exposition d’autrui à un risque d’une particulière gravité. Mesure de précaution pour s’assurer que les tribunaux n’aient pas la tentation d’apprécier le degré de gravité de la faute en considération de  l’ampleur du dommage.

18-Les juges ont mis le doigt sur l’insuffisance du POSS en vigueur au jour de l’accident (mais corrigée depuis) comme l’absence de zones de surveillance et d’affectation d’un surveillant de bains à chacune. De surcroît le MNS en charge de l’accueil des groupes était comptabilisé dans l’effectif de surveillance. Si ces déficiences ne peuvent être imputées aux surveillants de bains, elles auraient pu servir de fondement à des poursuites contre la personne morale gestionnaire de la base de loisirs, à condition toutefois d’établir qu’elles avaient concouru à la noyade et étaient imputables à un organe ou représentant de la personne morale.

 

Responsabilité des personnes morales

 

19-Dans la conception métaphysique du code pénal de 1810 où la responsabilité morale est fondée sur la faute, seuls les êtres doués de volonté et d’intelligence comme les personnes physiques étaient accessibles à la sanction pénale. Il n’était pas concevable que les personnes morales, considérées comme des êtres fictifs, puissent avoir un comportement délictueux. L’idée qu’elles ont une vie propre, indépendante de celle de leurs membres, a fait son chemin et fini par s’imposer dans l’esprit du législateur. S’inspirant des législations étrangères, le code pénal de 1994 a pris en compte cette réalité en admettant dans son article 121-2  que les personnes morales puissent avoir à répondre de leur responsabilité pénale à l’égal des personnes physiques.

20-Observons que le tribunal correctionnel d’Agen n’a pas eu à se prononcer sur la responsabilité pénale de la société dont elle a condamné le dirigeant, dès lors qu’aucune poursuite pénale n’avait été engagée contre ce groupement. Pourtant, ce pouvait être l’occasion pour le ministère public de demander aux juges  en application de l’article 131-39 du code pénal l’interdiction pour cette société  d’exercer à titre définitif  ou pour une durée maximum de 5 ans l’activité de pisciniste. Toutefois cette absence de poursuite pénale ne devrait pas porter à conséquence puisque le jugement a retenu contre son dirigeant l’interdiction définitive, à titre de peine complémentaire d’exercer cette activité.

21-En revanche, ont été poursuivis la société exploitant le site de la copropriété ainsi que le syndicat de la copropriété. C’est le moment de s’interroger sur les conditions de mise en jeu de leur responsabilité pénale qui figurent à l’article 121-2 du code pénal. Elle a pour préalable la commission d’une infraction (A). Celle-ci doit avoir été commise pour le compte de la personne morale par ses organes ou représentants (B).

 

A-Commission d’une infraction

 

22-Précisons d’emblée que la loi du 10 juillet 2000 est inapplicable aux personnes morales comme en a décidé la Cour de cassation, de sorte qu’une faute ordinaire de leur organe ou de leur représentant personne physique suffit pour engager leur responsabilité[9]Cass. crim., 24 oct. 2000, n° 00-80378 : Bull. crim., n° 308, p. 913 ; JCP G 2001, II, note M. Daury-Fauveau ; D. 2002, p. 515, note J-C. Planque. Cass. crim., 14 sept. 2004, … Continue reading. Les juges n’ont donc pas à se poser la question du degré de gravité de la faute imputable au groupement. Une faute ordinaire suffit. En revanche, ils doivent s’assurer de son lien de causalité avec le dommage comme pour toute infraction d’imprudence.

23-Il est reproché à la société exploitant la piscine où s’est produit l’accident d’avoir enfreint les articles 24 et 25 de l’arrêté du 14 septembre 2004 qui mettent à la charge de l’exploitant l’édiction d’un plan de sécurité et la désignation d’une personne responsable des vérifications périodiques. Pour le tribunal correctionnel d’Agen ce manquement a « présenté un lien de causalité évident » avec le décès de la fillette car le plan aurait permis la réalisation des contrôles obligatoires et la localisation de l’arrêt coup de poing d’urgence. Cette affirmation mérite d’être nuancée.

24- En effet, un détail qui figure dans l’exposé des faits, ne semble pas avoir été pris en compte : le local technique de la piscine où avait été installé l’arrêt coup de poing était fermé à clef. En admettant qu’un plan de sécurité ait été établi et affiché à proximité immédiate du bassin, on voit mal comment les sauveteurs, n’ayant pas accès au local, auraient pu intervenir à temps pour avoir quelque chance de réanimer la victime. Le défaut de plan de sécurité n’est donc pas la cause du sauvetage tardif mais plutôt l’absence de mesures prises pour permettre un accès rapide au local telle que la remise d’un double des clefs aux responsables du centre de loisirs.

25-En ce qui concerne le syndicat de la copropriété, le jugement relève qu’il n’a fait procéder à aucune vérification de la sécurité des équipements de la piscine à la suite de l’acquisition du bien litigieux, alors qu’aucun document technique ne lui avait été fourni sur cette installation. Cette imprévoyance a également concouru au dommage car la piscine n’aurait pas été mise en service si le nécessaire avait été fait.

26-S’il y a bien eu une négligence coupable dans les deux cas, il faut maintenant se demander si elles sont bien le fait d’un des dirigeants ou représentants de ces groupements

 

B-L’imputabilité de la faute à un organe ou un représentant du groupement

 

27-La  formule employée par le législateur dans l’article 121-2 du code pénal a divisé la doctrine. Interprétée littéralement, elle implique qu’il ne peut y avoir de responsabilité des personnes morales sans une faute commise par ses organes ou représentants. C’est la position des partisans de la théorie de la représentation. Les défenseurs de la théorie de l’autonomie estiment, au contraire, que la personne morale doit répondre de sa propre faute, indépendamment de toute faute d’une personne physique.  Leur analyse s’appuie sur deux arguments de texte. D’abord sur l’alinéa 3 de l’article 121-2 du code pénal selon lequel « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ». Si le ministère public peut poursuivre concurremment la personne morale et ses dirigeants ou représentants, cela signifie que les deux responsabilités sont indépendantes l’une de l’autre, même si elles s’appliquent « aux mêmes faits ». Le deuxième argument de texte se nourrit d’une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la loi du 10 juillet 2000 est inapplicable aux personnes morales de sorte qu’une faute ordinaire de leur organe ou du représentant moral suffit pour engager leur responsabilité. En conséquence, si la personne morale est condamnée pour une faute ordinaire de son dirigeant et que lui-même a été relaxé pour absence de faute qualifiée, c’est bien que la responsabilité des personnes morales est « déconnectée » de celle des personnes physiques[10]En ce sens, E. Fortis, RSC 2004, p. 339..

28-Appliquée sans réserve, la théorie de l’autonomie impliquait nécessairement pour le ministère public d’établir une faute propre à la personne morale indépendamment de celle de ses organes ou représentants.  Elle a été écartée par la Cour de cassation pour qui la « faute pénale de l’organe ou du représentant » de la personne morale « suffit à engager la responsabilité pénale de celle-ci, sans que doive être établie une faute distincte à la charge de la personne morale »[11]Cass. crim., 26 juin 2001, n° 00-83466 : Bull. crim., n° 161, p.104 ; Dr. pén. 2002, n° 8, obs. J-H. Robert.. Il n’y a donc pas de place pour une faute diffuse susceptible d’être rattachée directement à l’entreprise sans caractériser l’action ou l’inaction d’un organe ou représentant[12]J-C. Saint-Pau , la responsabilité pénale des personnes morales : réalité et fiction in le risque pénal dans l’entreprise, Litec 2003 n° 150 p. 95 et s.. Ce n’est pas sans inconvénient, lorsque le dommage est l’œuvre d’une faute « directement imputable à l’entreprise à raison de sa structure ou de son organisation défectueuse et insusceptible d’être mise au compte d’un organe ou d’un représentant en raison de l’anonymat du processus décisionnel »[13]J-C. Saint-Pau, D. 2004, p. 167..

29-Une autre difficulté a surgi sur le terrain de la preuve, celui de l’imputation de la faute (voir notre commentaire). Le débat oppose ceux qui estiment nécessaire l’identification de l’organe ou du représentant, et ceux qui admettent l’existence d’une « présomption d’imputation de l’infraction lorsque les circonstances permettent de déterminer que les faits incriminés n’ont pu être commis que par les organes ou représentants »[14]J-C. Saint-Pau, D. 2004, p. 167 ; D. 2012, p. 138. . Cette solution permet de lever l’obstacle de la preuve dont la charge se trouve renversée pour le plus grand avantage de la partie poursuivante, puisque c’est à la personne morale d’établir l’absence d’imputation. Mais la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce sujet est fluctuante. Tout d’abord, elle a imposé l’identification d’un organe ou d’un représentant de la personne morale[15]Cass. crim., 18 janv. 2000, n° 99-80318 : Bull. crim., n° 28 ; J-C. Saint-Pau, D. 2000, p. 636 ; 29 avr. 2003, n° 02-85353 : Bull. crim., n° 91 ; 23 mai 2006, n° 05-84846.. Puis, elle a admis l’existence de la présomption d’imputation dispensant d’identifier nommément  la personne physique lorsque l’infraction n’a pu être commise, pour le compte de la personne morale, que par ses organes ou représentants[16]Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-85255  Bull.crim. n° 188, p. 669: D. 2007, p. 617, note J-C. Saint-Pau ; D. 2007, p. 399, obs. G. Roujou de Boubée ; D. 2007, p. 1624, obs. … Continue reading. Nouveau pas en arrière avec l’arrêt du 11 octobre 2011 interprété par certains auteurs comme un retour à l’orthodoxie[17]N° 10-87212. N. Rias, D. 2011, p. 2841.B. Bouloc, AJ pénal 2012, p. 35.. En revanche, d’autres auteurs estiment que  « la présomption d’imputation n’est pas remise en cause » par cette décision[18]J-C. Saint-Pau. D. 2012, p. 1381.. D’autres encore, comme le professeur Mayaud, considèrent que lorsque la Cour de cassation  déduit de la commission de l’infraction qu’elle est imputable à ses dirigeants ou représentants, elle le fait non pas par présomption, « mais par implication, c’est-à-dire par déduction rationnelle d’une conclusion elle-même dictée par les circonstances »[19]Y. Mayaud. RSC 2011, p. 825 et 2013, p. 807.. Ainsi, en est-il dans le cas de mise en jeu de la responsabilité d’un club de ski organisateur d’une épreuve de descente où une concurrente avait trouvé la mort[20] Cass.crim . 18 juin 2013, n°12-85917. Bull. Crim.2013, n° 144. Gaz Pal 18/19 sept. 2013, p.10 Note J-P. Vial.. Le fait, en dehors de toute délégation, que le président soit tenu personnellement responsable des obligations sécuritaires liées aux activités de l’association qu’il dirige, est l’expression de la réalité et non une présomption de nature à compenser ce qu’un constat direct ne saurait révéler.

30-Cependant les circonstances de nature à permettre une telle déduction ne sont pas si fréquentes, si on en juge par les décisions ultérieures de la Cour de cassation. Elle a d’abord rappelé à l’ordre et au respect de la lettre de 121-2 du code pénal une cour d’appel ayant indiqué expressément qu’en cas de manquement aux règles de sécurité, il n’était pas nécessaire d’identifier la personne physique fautive ni de rechercher sa qualité d’organe ou de représentant[21]6 mai 2014, n° : 13-82677 (ouvrier blessé après avoir chuté d’un escabeau et être entré en contact avec un produit chimique à haute température).. Par ailleurs, à plusieurs reprises, elle a reproché aux juges du fond de s’être prononcé  « sans rechercher si le délit avait été commis pour le compte de la société par l’un de ses organes ou représentants [22]Cass. Crim. 6 mai 2014, n° 13-8140615 (salarié tombé dans la trémie d’une presse à cartons) ; 15 mars 2016,  n° 14-88396 (salarié dont la main a été coincée  dans une machine dans … Continue reading». Comme l’explique le professeur Robert, les juges doivent  « s’astreindre à décrire l’organisation du travail, rechercher si un délégué avait été établi pour veiller à ce que la réglementation qui a été méconnue soit appliquée »[23]JCP 2014, n° 25, 23 Juin 2014. p. 716. Or, si le tribunal d’Agen a bien relevé des manquements à la sécurité qu’il impute à la société exploitant le site de la copropriété et au syndicat de la copropriété, il n’a à aucun moment recherché si ceux-ci étaient imputables aux organes dirigeants de ces structures ou à un représentant s’il y avait eu une délégation de pouvoir. Le jugement étant frappé d’appel, les juges du second degré devront dire si les manquements constatés étaient de ceux qui ne pouvaient être commis que par les dirigeants des deux sociétés ou si, au contraire, les premiers juges ont eu tort de ne pas rechercher s’il en était bien ainsi. A eux, d’estimer si la décision de faire vérifier la sécurité d’une piscine après son acquisition ainsi que celle d’éditer un plan de sécurité et de désigner un responsable de la sécurité chargé des vérifications périodiques relèvent directement du chef d’entreprise ou d’une personnes à qui il aura délégué cette mission. Dans le cas contraire, il faudra établir la preuve que ces manquements n’étaient pas le résultat de fautes diffuses ne permettant pas de mettre de nom sur le processus de décision mais que, bien au contraire,  les dirigeants de ces deux sociétés étaient parfaitement conscients des manquements réglementaires et ont pris délibérément le parti de ne pas y remédier.

 

 

 

Jean-Pierre VIAL, Inspecteur honoraire Jeunesse et Sport, Docteur en droit

 

 

 

 

 

 

 

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Jean-Pierre Vial

References

References
1 Cette question a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation, qui fait office de filtre, à refusé de transmettre au Conseil constitutionnel  pour le double motif que la question n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux dès lors que « la disposition critiquée  (…) est rédigée en des termes suffisamment clairs et précis pour permettre que son interprétation se fasse sans risque d’arbitraire et dans des conditions garantissant tant le respect de la présomption d’innocence que l’intégralité des droits de la défense » Arrêt n° 4340 du 24 sept. 2013 (12-87.059).
2 La Cour de cassation a admis que si un arrêté appliqué par les services locaux de l’aviation civile et les entreprises de transports aériens  ne pouvait s’identifier à la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité au sens de l’article 121-3, alinéa 4 C. pén. , il constituait néanmoins une faute caractérisée prévue par ce même texte (Crim. 15 oct. 2002, n° 01-83351 Bull. n° 186, p. 682).
3 Par exemple,  l’accompagnateur d’une course d’alpinisme laissant un membre de sa cordée inexpérimenté redescendre seul au refuge en empruntant un itinéraire rendu difficile par une neige dure et glacée. CA Chambéry, 16 janv. 2002, Juris-Data n° 169390.
4 Crim. 10 janv. 2006, n° 04-86428 .
5 Dans le cas d’homicide involontaire commis par faute ordinaire ou caractérisée la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En cas faute  délibérée elle est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. (art. 221-6 C.pén.)
6 Trib. Corr. Moulins. 23 sept. 1993 jugement n°420/93. CA Pau 28 févr. 1996. Dossier n° 95/00766.
7 Trib. Corr. d’Evreux 16 déc. 1971.
8 TA Rennes 8 avr. 2004 déjà cité.
9 Cass. crim., 24 oct. 2000, n° 00-80378 : Bull. crim., n° 308, p. 913 ; JCP G 2001, II, note M. Daury-Fauveau ; D. 2002, p. 515, note J-C. Planque. Cass. crim., 14 sept. 2004, n° 03-86.159 ; 8 janv. 2013, n° 12-81102.
10 En ce sens, E. Fortis, RSC 2004, p. 339.
11 Cass. crim., 26 juin 2001, n° 00-83466 : Bull. crim., n° 161, p.104 ; Dr. pén. 2002, n° 8, obs. J-H. Robert.
12 J-C. Saint-Pau , la responsabilité pénale des personnes morales : réalité et fiction in le risque pénal dans l’entreprise, Litec 2003 n° 150 p. 95 et s.
13 J-C. Saint-Pau, D. 2004, p. 167.
14 J-C. Saint-Pau, D. 2004, p. 167 ; D. 2012, p. 138.
15 Cass. crim., 18 janv. 2000, n° 99-80318 : Bull. crim., n° 28 ; J-C. Saint-Pau, D. 2000, p. 636 ; 29 avr. 2003, n° 02-85353 : Bull. crim., n° 91 ; 23 mai 2006, n° 05-84846.
16 Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-85255  Bull.crim. n° 188, p. 669: D. 2007, p. 617, note J-C. Saint-Pau ; D. 2007, p. 399, obs. G. Roujou de Boubée ; D. 2007, p. 1624, obs. C. Mascala ; Rev. sociétés 2006, p. 895, note B. Bouloc ; RSC 2006, p. 825, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2007, p. 248, obs. B. Bouloc ; JCP G 2006, II, 10199, note E. Dreyer. Cass. crim., 26 juin 2007, n° 06-84821 : D. 2008, p. 1573, obs. C. Mascala ; Dr. pén. 2007, n° 135, note M. Véron.13 janvier 2009, n° 08-84144.
17 N° 10-87212. N. Rias, D. 2011, p. 2841.B. Bouloc, AJ pénal 2012, p. 35.
18 J-C. Saint-Pau. D. 2012, p. 1381.
19 Y. Mayaud. RSC 2011, p. 825 et 2013, p. 807.
20 Cass.crim . 18 juin 2013, n°12-85917. Bull. Crim.2013, n° 144. Gaz Pal 18/19 sept. 2013, p.10 Note J-P. Vial.
21 6 mai 2014, n° : 13-82677 (ouvrier blessé après avoir chuté d’un escabeau et être entré en contact avec un produit chimique à haute température).
22 Cass. Crim. 6 mai 2014, n° 13-8140615 (salarié tombé dans la trémie d’une presse à cartons) ; 15 mars 2016,  n° 14-88396 (salarié dont la main a été coincée  dans une machine dans une fonderie) ; 16 févr. 2016, n°15-80474 (coincement de la tête et du cou d’un enfant entre les barreaux d’une barrière d’une cour d’école) ;30 mars 2016, n°14-85008 (accident mortel lors d’une opération de soudure). 7 févr. 2017, n°15-85275 (agent technique de la SNCF électrocuté en intervenant sur une ligne TGV) ; 21 nov. 2017, n°16-86667 (jeune fille blessée en prenant place sur la banquette du manège d’un parc d’attraction).
23 JCP 2014, n° 25, 23 Juin 2014. p. 716





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