Grâce à la rupture conventionnelle, les parties au contrat de travail disposent d’un outil permettant de traiter à l’amiable les conditions de leur séparation. Simple sur le papier, ce divorce par consentement mutuel adapté aux réalités de l’entreprise, semble toutefois avoir perdu, au gré des positions administratives successives, son pouvoir de séduction originel.
A cet égard, la Circulaire DGT du 22 juillet 2008 affirmait que ce nouveau mode de rupture ne devait pas s’inscrire dans « une démarche visant à contourner des procédures et garanties légales », langage pour le moins laconique déjà source d’incertitude et d’insécurité juridiques pour les entreprises.
La question du montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Continuant sur cette même voie, l’administration, sans la moindre équivoque, entoure aujourd’hui ce mode de rupture de garanties spécifiques en cas de suspension du contrat de travail. La Circulaire DGT du 17 mars 2009 pose ainsi un frein supplémentaire en indiquant qu’aucune rupture conventionnelle ne peut être convenue pendant les périodes de protection de l’emploi : accident du travail, maladie professionnelle, maternité, maladie de droit commun, procédure de rupture pour inaptitude médicale…
Si les réserves ainsi exprimées ne suffisaient pas, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (ANI) relance, malgré sa signature il y a plus d’un an, le débat sur le régime de la rupture conventionnelle. L’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’ANI (annexe 1 – voir ci-joint) relatif au montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle risque fort, au regard du coût qu’il engendre dorénavant, de dissuader plus avant les entreprises de recourir à ce nouveau mode de rupture du contrat de travail.
I. Précisions sur les dispositions de l’ANI du 11 janvier 2008 relatives aux indemnités de rupture
- L’institution d’une indemnité de rupture interprofessionnelle
L’avenant n°4 signé entre la CFDT et la CFE-CGC et les trois organisations patronales – MEDEF, CGPME et UPA – confirme les clarifications données dans un procès-verbal d’interprétation qu’avaient déjà signé en décembre 2008 la CFDT et la CFE-CGC. Ce dernier ne revêtait toutefois pas la force juridique suffisante. Il faut ici rappeler qu’un simple avis interprétatif n’a pas la valeur d’un avenant à l’accord collectif initial, et ne saurait lier le juge en cas de contentieux.
Au terme de l’avenant, les indemnités de rupture visées à l’article 11 de l’ANI sont bien « les indemnités de rupture en cas de licenciement ». Afin de rationaliser le calcul des indemnités de rupture du CDI dans les cas où l’ouverture au droit à une telle indemnité est prévue « à la suite d’un licenciement », il est ainsi institué une indemnité de rupture interprofessionnelle unique dont le montant minimum, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, à partir d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, est égal à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.
Il en résulte que le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la convention collective applicable (auquel renvoie l’article 12-a de l’ANI) doit, lorsqu’il est supérieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, constituer le plancher de l’indemnité spécifique due en cas de rupture conventionnelle.
Ces dispositions n’ont toutefois pas pour effet, précise l’avenant, de remettre en cause la validité des conventions signées à la date d’entrée en application du texte interprofessionnel. En conséquence, le versement de cette nouvelle indemnité concerne les seules ruptures conventionnelles conclues après l’entrée en vigueur du présent avenant.
- Les enjeux
L’article L. 1237-13 du Code du travail, issu de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, ne fait référence qu’à la seule indemnité légale de licenciement comme montant minimum de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. En outre, la circulaire précitée du 17 mars 2009 réaffirme en filigrane la référence de la loi à la seule indemnité légale de licenciement.
Aussi, la difficulté provient-elle du fait que le seuil retenu par le législateur s’avère désormais inférieur à celui retenu par l’ANI, les partenaires sociaux ayant souhaité fixer ce seuil au montant de l’indemnité conventionnelle.
Cette volonté apparaît pour le moins singulière.
Lors de l’élaboration de l’ANI, l’objectif annoncé des partenaires sociaux consistait à mettre en place un mode de rupture autonome par rapport à ceux existant déjà en droit du travail. Animé d’une intention commune, le législateur pose, en principe, que la rupture conventionnelle n’est pas un licenciement. Les règles protectrices du droit du travail applicables au licenciement n’ont donc pas à intervenir dès lors que se trouve bien garantie la liberté du consentement des parties.
Or, il est à craindre que la signature de l’avenant n°4 ne vienne réduire l’autonomie souhaitée de la rupture conventionnelle. Ainsi, est-il délicat de soutenir que cette dernière constitue toujours un mode de rupture distinct, dès lors que le montant de l’indemnité spécifique est désormais calqué sur celui de l’indemnité de licenciement, à savoir le versement de l’indemnité légale ou conventionnelle si cette dernière est plus favorable.
De façon plus pragmatique, la position prise par les partenaires sociaux risque de marquer un recul des entreprises dans le recours à la rupture conventionnelle, compte tenu du coût de ce nouveau plancher d’indemnité. Cet encadrement surprend d’autant plus qu’un salarié n’est jamais tenu de signer une convention de rupture s’il juge que les sommes versées sont insuffisantes au regard de sa situation. Ainsi, une telle protection indemnitaire, nécessaire en cas de licenciement, n’a sans doute pas lieu d’être dans le cadre d’un accord amiable de rupture. Les partenaires sociaux préjugeraient-ils, à l’instar de l’administration, du caractère pleinement éclairé du consentement du salarié ? La réponse est assurément positive et il est aujourd’hui malaisé de circonscrire, dans le cadre de la rupture, les champs de liberté et d’action respectifs de l’employeur et du salarié.
Cette vision, somme toute pessimiste, doit cependant être nuancée au regard du champ d’application limité de l’avenant n° 4 du 18 mai 2009. Le secteur associatif peut ainsi aujourd’hui arguer de l’inopposabilité des dispositions que le texte interprofessionnel édicte… Pour combien de temps ?
II. Champ d’application de l’indemnité de rupture interprofessionnelle
A la date de son entrée en vigueur, en l’absence d’arrêté d’extension et d’élargissement, l’avenant n°4 du 18 mai 2009 ne produit aujourd’hui effet qu’à l’égard des seules entreprises adhérentes à une organisation syndicale ou groupements d’employeurs signataires de l’accord.
Il est ici rappelé, qu’une procédure d’extension, lorsqu’elle est admise, a pour effet de rendre obligatoire les textes conventionnels aux seules entreprises adhérentes à une organisation patronale signataire de l’accord, et aux entreprises relevant d’une branche professionnelle dans laquelle une ou plusieurs organisations patronales signataires sont représentatives.
Aucune des trois organisations patronales signataires ne représentent le secteur associatif. Ainsi, en l’absence d’arrêté d’élargissement, l’avenant demeure inopposable aux établissements de cette branche.
A ce jour, les syndicats signataires n’ont toujours pas formulé, auprès du Ministre chargé du travail, une demande d’élargissement des présentes dispositions. Aussi, s’agissant des établissements associatifs, le montant minimal de l’indemnité spécifique se trouve bien constitué par l’indemnité légale de licenciement. Une période de soulagement sans doute de courte durée…
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