Nouvel échec pour la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade (FFME) ! Après sa condamnation par le tribunal de grande instance de Toulouse à la suite de l’accident dont avaient été victimes deux grimpeurs sur le site d’escalade dont elle avait en charge la gestion et l’entretien, la voici déboutée par arrêt du 9 octobre 2017 de la cour administrative d’appel de Marseille, du recours qu’elle avait formé contre la commune en qualité de propriétaire des lieux.
Par convention d’usage, la commune de Vingrau avait confié à la FFME l’exploitation d’un site d’escalade sur son territoire. Sur ce même site, un couple de grimpeurs qui escaladait la paroi fut gravement blessé dans une chute, après qu’un rocher qui avait servi de prise au premier de cordée se fut détaché de la paroi. Les deux victimes assignèrent la FFME devant le tribunal de grande instance de Toulouse en réparation de leurs blessures. Elles obtinrent la condamnation de la fédération sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, celle-ci ayant acquis la garde juridique du site d’escalade par la voie de la convention passée avec la commune (notre commentaire). En parallèle à ce contentieux la FFME avait formé un recours contre la commune devant le tribunal administratif de Montpellier au motif de violation de l’article 13 de la convention selon lequel le propriétaire et son personnel devaient s’abstenir « de toute intervention susceptible de modifier les conditions de sécurité sur le site visé par la présente convention sans avoir au préalable recherché et obtenu l’accord de la FFME ». Cette action fut rejetée au motif que n’était pas démontré « un manquement de la commune à ses obligations contractuelles en lien avec le détachement du bloc rocheux à l’origine de l’accident » (15 déc. 2016, n° 1502147). La FFME avait interjeté appel de ce jugement et soutenant à nouveau que la commune avait manqué à ses obligations contractuelles en intervenant sur le site d’escalade. Au soutien de son moyen elle avait produit deux pièces. D’une part, un compte rendu établi par la communauté de communes indiquant que des travaux avaient commencé en mars 2007 sur les sites d’escalade comprenant l’aménagement de voies d’escalade, d’une via ferrata, la signalisation sur sites et la réalisation de topoguides d’escalade. D’autre part, un dossier de récolement portant création et entretien de sites d’escalade. Toutefois, la cour administrative relève que ces travaux ont été initiés par la communauté de commune. En outre une convention de gestion et d’entretien du site signée avec une autre communauté de communes n’est intervenue que postérieurement à l’accident. Les juges en déduisent qu’aucun de ces documents n’établit une intervention de la commune de Vingrau sur le site d’escalade antérieurement à l’accident. De surcroît, en admettant que ces travaux aient eu lieu sur le site, la commune n’établit pas qu’ils auraient pu contribuer au détachement du bloc ayant causé l’accident dès lors que ces travaux avaient précisément pour objet d’améliorer la sécurité des voies d’escalade, notamment en les purgeant des blocs rocheux instables. La FFME a donc fait fausse route. « Ses conclusions ont été mal dirigées » pour reprendre le mot de l’arrêt. Il eut fallut mettre en cause la communauté de commune incriminée. Pour autant, il fallait encore démontrer, sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle cette fois ci, que les travaux engagés par cette collectivité avait pu déstabiliser des blocs rocheux puisque c’est la chute d’un tel bloc qui avait provoqué le dommage.
Le feuilleton judiciaire n’est pas clos puisqu’un procès en appel doit se tenir devant la cour d’appel de Toulouse. Ce sera l’occasion d’un nouveau débat sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses. La FFME va chercher à établir qu’elles ne sont pas réunies. Elle pourra d’abord démontrer que l’alpiniste s’est servi du rocher comme d’une prise de sorte qu’il en a acquis la garde. Ensuite, établir que le bloc n’a pas joué de rôle actif dans la chute des grimpeurs. En somme qu’il n’a pas été l’instrument du dommage. Enfin, au rang des causes exonératoires, la FFME pourra toujours tenter d’obtenir un partage de responsabilité, en relevant l’imprudence du 1er de cordée qui n’aurait pas pris la précaution de s’assurer de la solidité du bloc avant de s’en servir comme prise.
Jean-Pierre VIAL, Inspecteur honoraire Jeunesse et Sport, Docteur en droit
Jean Pierre Vial est l’auteur d’un guide de la responsabilité des organisateurs d’accueils collectifs de mineurs, d’un guide de la responsabilité des exploitants de piscines et baignades, d’un traité sur la responsabilité des organisateurs sportifs et d’un ouvrage sur le risque pénal dans le sport.
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Formation Atelier – Débat ISBL CONSULTANTS le lundi 11 juin 2018 à LYON intitulée : Responsabilités des organisateurs d’activités sportives , animée par Jean-Pierre VIAL