La secrétaire comptable d’une association ayant détourné des fonds à son profit par l’établissement de faux ordres de paiement, quelles sont les conditions requises permettant à cette même association de rechercher la responsabilité du banquier dépositaire des fonds ? L’association encoure-t-elle, elle-même, une part de responsabilité ? Notre analyse portant sur la jurisprudence récente vous offre des réponses concrètes sur ces questions.
Dans un arrêt du 2 octobre 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler les différentes obligations qui incombent à un établissement bancaire, ainsi qu’à la victime de détournements de fonds, en l’espèce une association, du fait des malversations opérées par un salarié de ladite association.
En l’espèce, entre septembre 1996 et février 1998, une association sportive titulaire d’un compte bancaire a été victime de divers détournements commis par sa secrétaire comptable et pour lesquels cette dernière a été pénalement condamnée.
Compte tenu du peu de solvabilité de cette secrétaire comptable, l’association a recherché la responsabilité de l’établissement bancaire qui avait autorisé différents paiements et transferts de fonds sur présentation de faux ordres de paiement.
La Cour d’Appel avait fait droit à cette demande en considérant que la Banque avait commis une négligence et avait manqué à son obligation de vigilance, constituée d’une obligation de vérification de la régularité des ordres de paiement.
L’établissement bancaire a alors formé un pourvoi en cassation et la Cour a fait droit à ce pourvoi pour les motifs suivants :
1- Il convient de rappeler qu’en l’absence de faute du déposant ou d’un préposé de celui-ci et même s’il n’a lui-même commis aucune faute, le banquier n’est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quant il se défait de ces derniers sur présentation d’un faux ordre de paiement.
En revanche, si l’établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte ou de l’un de ses préposés, le banquier n’encoure une responsabilité que s’il a lui-même commis une négligence.
Dans cette hypothèse, la responsabilité du banquier et du titulaire du compte est alors partagée.
En l’espèce, la Cour d’Appel avait rejeté l’argument de la Banque selon lequel la faute du salarié de l’association, la secrétaire comptable, aurait dû l’exonérer au moins en partie de sa responsabilité en qualité de dépositaire.
Pour se déterminer ainsi, la Cour d’Appel avait considéré que la preuve que l’inexécution des obligations du Banquier provenait d’une cause étrangère n’était pas rapportée, c’est à dire en définitive, une faute sur laquelle la Banque n’aurait eu aucun pouvoir de contrôle ou de vérification de nature à empêcher l’accomplissement des détournements de fonds.
Cette motivation a été logiquement censurée par la Cour de cassation, conformément à une jurisprudence constante.
(Cass. com. 28/01/1992 ; Cass. com. 07/06/1994 ; Cass. com. 26/11/1996)
2- L’arrêt d’appel avait également rejeté l’argument selon lequel l’association aurait commis diverses fautes de négligence dans la surveillance de sa secrétaire comptable, dès lors que, par ses fonctions, cette dernière avait accès à l’endroit où les chéquiers étaient rangés et qu’elle prenait ses précautions pour dissimuler ses agissements en faisant disparaître les talons de chèques et trafiquait les rapprochements comptables.
La Cour de cassation a également censuré cette motivation en considérant que la Cour d’Appel n’avait pas recherché à caractériser la carence dont pouvait avoir fait preuve l’association dans l’exercice du pouvoir de direction et de contrôle d’une salariée, inhérent à sa qualité d’employeur, salariée à qui avait été confiée la fonction de secrétaire comptable.
Compte tenu des griefs formulés à l’encontre de cet arrêt d’appel, la Cour de cassation a cassé celui-ci et renvoyé les parties devant une autre Cour d’Appel, pour qu’il soit en définitive recherché les fautes respectives de l’établissement bancaire et de l’association employeur.
Cette décision est intéressante dans la mesure où elle rappelle aux associations que la responsabilité d’un établissement bancaire n’est pas automatique dans l’hypothèse où un salarié de cette association serait reconnu coupable de détournements au préjudice de celle-ci.
En sa qualité d’employeur, une association est en effet responsable, a priori, de ses salariés et doit, comme tout employeur, mettre en place des contrôles internes pour éviter de tels risques et débordements.
C’est seulement si l’employeur a fait preuve d’une telle vigilance que la seule responsabilité fautive de l’établissement bancaire peut alors être recherchée sur le fondement d’un manquement à ses obligations de vérification et de contrôle du fonctionnement régulier du compte bancaire.
Dans l’affaire ci-dessus commentée, les détournements ont été commis sur une longue période (18 mois), ce qui laisse augurer que l’association a failli dans le contrôle de sa salariée.
En savoir plus :
Cass. com. 02/10/2007 n°05-21.421 : Voir en ligne
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