Le projet de loi relatif à l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) a été présenté en Conseil des ministres le 24 juillet dernier et sera discuté au Parlement dès l’automne prochain. Il comporte de nombreuses propositions à destination des associations, la principale composante de ce secteur. 

Après l’Espagne, le Portugal et la Wallonie, c’est désormais au tour de la France de se doter d’une loi reconnaissant l’existence d’un secteur d’ESS.

Le rôle économique des associations enfin reconnu

Longtemps cantonné dans une fonction « réparatrice », le secteur associatif devrait enfin accéder au rang d’opérateur économique à part entière. Le grand public devrait ainsi réaliser, qu’en complément du secteur public et du secteur marchand, il existe également des associations créatrices de richesses et d’emplois. Avec les coopératives et les mutuelles, le secteur associatif représente selon les sources entre 8 à 10% du produit intérieur brut (PIB) et pèse aujourd’hui 10% de l’emploi en France (soit 2,4 millions de salariés)[1]. Et bien que sérieusement impacté, ce secteur démontre une capacité surprenante de résistance à la crise notamment grâce aux emplois non délocalisables qu’il contribue à créer : au cours du premier trimestre 2013, la création d’emplois dans les secteurs non marchands a même continué de progresser (+ 0,6%), alors que l’emploi marchand est en net recul (- 0,7)[2]. Il s’agit donc non seulement de reconnaître, mais également d’accompagner en le soutenant la montée en puissance de ce nouveau mode d’entrepreneuriat basé sur une répartition plus équitable des bénéfices réalisés.

Vers une dénaturation du secteur associatif ?

Si la loi ESS devrait ainsi permettre de porter un regard nouveau sur le secteur associatif, et contribuer à faire prendre conscience de l’importance du rôle qu’il joue actuellement dans la sphère économique (services à la personne, tourisme, environnement…), il ne s’agit pas pour autant de porter atteinte à sa diversité. La plupart des associations continueront à exercer leurs activités (sportives, d’animation culturelle…) en dehors de la sphère économique et marchande, en créant du lien social et en animant les territoires. De ce point de vue, le nouveau dispositif législatif ne modifiera en rien la loi du 1er juillet 1901 qui demeurera applicable comme avant. La loi ESS se contentera d’offrir un cadre nouveau pour les associations désireuses d’exercer des activités consistant à produire des biens ou des services[3].

Intérêt pour les associations ?

Cette superposition des dispositifs législatifs, applicables conjointement, présente deux avantages : d’une part, elle permet d’éviter la création d’un secteur associatif « à deux vitesses » avec, d’un côté, les grandes associations dont le statut se rapproche de celui des entreprises du secteur marchand et, de l’autre, les petites associations qui auraient exclusivement vocation à intervenir dans la sphère sociale ou caritative ; d’autre part, elle offre un renouveau au cadre d’ « entreprise associative » permettant ainsi de conjuguer au sein d’une même structure, une logique sociale avec l’efficacité économique, tout en respectant le principe de la propriété impartageable des bénéfices (Loi 1901, art.1).

Le retour des subventions ?

Parmi les nouveautés, celles visant à sanctuariser la définition de la notion de subvention (voir encadré) apparaît comme la plus importante. Pour Valérie Fourneyron[4], il s’agit avant tout de « donner une assise juridique solide à la notion de subvention afin de conforter les collectivités territoriales à y recourir ». Ce faisant, le gouvernement actuel semble avoir pris la pleine mesure de l’augmentation du recours à la commande publique au détriment de la subvention.  Il est vrai qu’avec une augmentation de 73% des procédures de mise en concurrence (marchés publics, délégations de service public) dans la part de financement public du secteur associatif pour la période 2005-2011[5] (contre une baisse de 17% de celle des subventions), il y a désormais urgence ! Nadia Bellaoui, présidente de la CPCA, juge cette première définition légale de la subvention « très satisfaisante »[6], dénonçant au passage l’« effet inflationniste » de la commande publique qui effectivement apparaît bien loin de l’objectif recherché.

Définition légale de la notion de subvention (Projet de loi d’ESS, art.22) :

« Constituent des subventions les aides facultatives, de toute nature, notamment financières, matérielles ou en personnel, valorisées dans l’acte d’attribution, attribuées par les autorités administratives (…) et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action, d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. Ces aides ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités qui les accordent ».

 

Autres mesures annoncées

Le projet de loi n’a pas vocation à s’intéresser uniquement aux associations à caractère économique, même si l’un des principaux objectifs recherchés consiste bien à reconnaître l’existence d’une vraie diversité en matière d’entrepreneuriat. Il comporte également des dispositions qui devraient être profitables à l’ensemble du secteur associatif.

D’autres mesures sont donc annoncées parmi lesquelles, les financements de la Banque Publique d’Investissement (500 millions d’€), la définition de la notion d’innovation sociale (art. 3), l’organisation d’une conférence nationale de l’ESS tous les trois ans (art. 4), la mise en œuvre d’un agrément « entreprises solidaires d’utilité sociale » auxquelles pourront automatiquement prétendre les associations intermédiaires, d’insertion, ainsi que les régies de quartier (art. 15)… Le projet de loi d’ESS prévoit également la prise en compte d’éléments à caractère social dans le cadre des procédures de passation des marchés publics (art. 19 à 21). Il modifie le régime du titre associatif destiné à renforcer les fonds propres des associations (art. 74) et clarifie la procédure de fusion entre associations (art. 75). Enfin, il est question d’étendre la capacité des associations d’intérêt général (depuis au moins 3 ans) à recevoir des libéralités (art.76) et de réviser la procédure de reconnaissance d’utilité publique des associations (art.77), lesquelles se verront autorisées à détenir des immeubles de rapport (art.78).

Attendons le texte définitif !

Il n’en demeure pas moins que  les associations qui n’exercent aucune activité économique ou ne perçoivent qu’un faible montant de subvention[7], voire aucun financement public sont pour l’heure peu concernées même si la loi d’ESS devrait rapidement être complétée d’une nouvelle convention d’engagements réciproques des relations « Associations – Etat – Régions » et d’une révision de la circulaire « Fillon » du 18 janvier 2010[8] concernant la procédure d’octroi de subventions publiques « euro compatibles». Il convient donc d’attendre avant de porter un regard définitif sur les mesures annoncées d’autant que les débats à l’assemblée nationale ou au sénat pourraient faire évoluer le projet de loi. Aux
associations de saisir leurs parlementaires pour veiller à ce que ce texte fondateur soit conforme à leurs intérêts.

 

Colas AMBLARD , Directeur des publications

 

En savoir plus : 

 

Cet article a fait l’objet d’une publication dans la Revue Associations Mode d’Emploi, n°151, août – septembre 2013 sous l’intitulé « Économie solidaire : Les associations font la loi » [ titre et sous-titres modifiés par l’éditeur] : cliquez ici

 

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Notes:

[2] Source : Insee

[3] C. Amblard, Associations et activités économiques : contribution à la théorie du Tiers-secteur, thèse de droit, 1998, monographies, 496 pp ; Du même auteur, Activités économiques et commerciales des associations, Lamy associations, Etude 246 ;

[5] Enquête CNRS – Centre d’Economie de la Sorbonne « Le paysage associatif français » 2012

[7] Selon V. Tchernonog, « Les subventions publiques : encore importantes ou en voie de disparition ? », www.isbl-consultants.fr, Editorial mars 2013 : selon l’auteur, « 60% des subventions sont inférieures à 200 € » et « 72% des associations se répartissent 2% des subventions publiques ».

[8] C. Amblard, «Paquet Almunia : les nouvelles règles européennes de financement des SIEG», Lamy Associations, Bull. actu. n°205, juin 2012 ; du même auteur, Juris-Associations (Dalloz), «Paquet Almunia : la nouvelle donne européenne (Analyse critique)», n°454, 1er mars 2012, pp. 35 à 38

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