Deux arrêts successifs rendus par les Cours d’appel de Lyon et de Versailles fin 2011 viennent éclairer le rapport spécifique qu’entretiennent les associations – en l’occurrence des fédérations sportives – avec la sphère du droit économique et commercial. Le rapprochement de ces deux jurisprudences montre que si une association peut être qualifiée d’entreprise, ce n’est pas pour autant qu’elle revêt automatiquement la qualité de commerçant.

Par là-même, les autorités judiciaires semblent désormais expressément reconnaître l’existence d’une autre façon d’entreprendre.

1. Pour la Cour d’appel de Lyon, une fédération sportive peut être qualifiée d’entreprise …

I. Par décision en date du 20 octobre 2011, la Cour d’appel vient de reconnaître le droit pour les fédérations sportives de revendiquer la qualité d’entreprise au sens de l’article 98-3 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, permettant ainsi aux juristes d’entreprises qui justifient de huit ans de pratique professionnelle au sein d’un service juridique d’entreprise de devenir avocat.

En effet, ces fédérations réunissent moyens matériels et humains, coordonnés et organisés pour réaliser un objectif déterminé. De plus, elles se livrent, même si elles prennent la forme associative, à une activité qui participe à la circulation des richesses ; peu importe que la loi exonère de TVA leurs activités lucratives.

Prise en chambres réunies, cette décision qui accorde expressément la qualité d’entreprise à une fédération sportive délégataire est revêtue d’une autorité particulière.

CA Lyon 20 octobre 2011 n° 11/03097, ch. réunies.

Pour autant, une telle qualification a-t-elle automatiquement pour conséquence de conférer la qualité de commerçant à ce type d’association ?

2./ … Pour la Cour d’appel de Versailles, une fédération sportive est une entreprise… mais pas un commerçant !

L’activité d’organisation des matchs du XV de France disputés en France constitue une activité répétitive d’organisateur de spectacles publics susceptible d’être qualifié d’acte de commerce au sens de l’article 110-1 et 110-2 du Code de commerce.

Toutefois, une association ne devient commerçante que si son activité commerciale revêt un caractère spéculatif répété primant son objet statutaire.

Or, la Cour d’appel de Versailles relève que :

  • La Fédération française du rugby est une association reconnue d’utilité publique, délégataire d’une mission de service public, habilitée à organiser les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux et départementaux et elle fournit les licences sportives permettant à leur titulaire de participer aux compétitions organisées ;
  • Sur un total de dépenses de 81,8 millions d’euros, seuls 9,15 millions sont affectés à l’organisation de matchs internationaux pour un montant de recettes de 18,48 millions d’euros au titre de la saison 2010/2011 ; les autres dépenses étant engagées dans un but non lucratif.
  • Les recettes résultant de l’organisation des matchs du XV de France, comme ses autres recettes (licence ou parrainage), ne constitue en réalité pour la Fédération française de rugby que des moyens destinés à financer la réalisation de son objet statutaire non lucratif (le développement et la promotion du rugby) ; et non pas « des actes de commerce spéculatifs répétitifs primant l’objet statutaire ».

En conséquence de quoi, la juridiction d’appel considère que cette association, bien qu’étant une entreprise, ne saurait en l’espèce se voir conférer la qualité de commerçant.

CA Versailles 22 septembre 2011 n° 10/05329, le ch., Association loi 1901 Fédération française du rugby c/ SARL AP Consultant.

Reste à savoir ce que les juridictions judiciaires décideront en présence d’une association dont les activités lucratives priment l’objet statutaire. ?

Une association peut-elle être assimilée à un commerçant ?

Aucune d’entre elle, à ce jour, n’a été amenée à se prononcer sur ce terrain.

En effet, la formule ne manque pas d’interroger : Comment en effet une activité lucrative pourrait-elle primer sur l’objet statutaire du groupement dans la mesure où, précisément, cet objet statutaire est censé décrire l’ensemble des activités réalisées par la personne morale (principe de spécialité) [1] ? D’autant plus qu’« aucune association ou coopérative d’entreprise ou d’administration ne peut, de façon habituelle, offrir des produits à la vente, les vendre ou fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par ses statuts en application de l’article L442-7 du Code de commerce ». Enfin, comment une association juridiquement organisée autour du principe de propriété impartageable des bénéfices (L. 1901, art. 1) pourrait-elle se voir assimiler à un commerçant [2] ?

En tout état de cause, la juxtaposition de ces deux jurisprudences montre que les associations sont des entreprises particulières, dont les activités lucratives peuvent constituer un moyen au service d’un objet désintéressé.

En savoir plus :

C. Amblard, Activités économiques et commerciales des associations, Etude 246, Lamy Associations : voir en ligne

C. Amblard, Activités économiques et commerciales des associations : contribution à la théorie du Tiers-secteur, thèse de droit, Université Versailles – St Quentin en Yvelines, 1998

Colloque organisé par le Barreau de Lyon (Commission droit des associations), L’association est-elle une entreprise comme une autre ?, actes publiés in Juris Associations, Ed. Dalloz, 15 janvier 2008, n°371 : voir en ligne




Documents joints:

Programma et inscriptions



Notes:

[1] Sauf à supposer que l’activité réelle de l’association ne cadre pas avec l’objet statutaire déclaré

[2] En application de l’article 1 du Code de commerce, sont commerçants ceux qui exerce des actes de commerce et en font leur profession habituelle

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