En promulguant une loi d’ESS au cours du mois de mars dernier (1), l’Espagne a montré la voie dans le processus de reconnaissance et de soutien apporté aux associations, coopératives et mutuelles.

C’est pourquoi, le Collectif des associations citoyennes (www.associations-citoyennes.net) souhaite poursuivre dans cette dynamique en vue des prochaines échéances électorales.

1- Une loi d’ESS : quel intérêt pour le secteur associatif ?

En 2010, l’ESS représente en France près de 10 % du PIB, un peu plus de 12,5 % du nombre total de salariés et 10 % de la masse salariale (2). Le secteur associatif est l’une des composantes majeures de ce secteur. Pour autant, le rôle économique des associations demeure mal appréhendé par le législateur. En effet, le régime de l’ « entreprise associative » (3) oscille entre le droit civil (pour la forme juridique) et le droit commercial (pour les activités).

Bien plus, certains n’hésitent pas à affirmer que cette nouvelle forme d’entrepreneuriat est soumise à un véritable régime de « commercialité sanction » – dans la mesure où elle supporte les obligations du commerçant sans bénéficier des avantages conférés par ce statut (4) – nuisible à son bon développement.

Fort de ce constat, le projet de loi a notamment pour objectif de clarifier le statut juridique des associations à caractère économique et d’améliorer la connaissance de cette nouvelle forme d’entrepreneuriat (fondée sur l’absence de capital et la propriété impartageable des bénéfices) auprès de nos concitoyens.

Ainsi, on le voit, c’est précisément parce que l’ESS « porte en elle les germes d’un véritable projet de transformation sociale et économique » (5), qu’il importe de convaincre nos décideurs politiques de soutenir durablement cet « entreprendre autrement » (6).

2- Avant projet de loi d’ESS : les principes directeurs suivis

A l’origine de ce projet, le Collectif des associations citoyennes – qui s’est constitué en réaction à la circulaire Fillon du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations – réunit aujourd’hui près de 200 associations, 35 fédérations nationales et quelques 1500 participants à titre individuel.

Il s’est largement inspiré de la loi espagnole afin de s’inscrire dans une véritable dynamique européenne.

L’objectif de base est de « configurer un cadre juridique commun qui, sans prétendre substituer les réglementations spécifiques en vigueur dans chaque entreprise composant ce secteur, suppose la reconnaissance et une meilleure visibilité de l’ESS en lui octroyant une sécurité juridique plus importante » (art.1).

Ceci afin d’envisager « les mesures de développement en faveur des entreprises d’ESS en tenant compte des finalités et des principes qui leurs sont propres ».

L’exposé des motifs du projet de loi reprend donc à son compte les développements portant sur l’élaboration du concept d’économie sociale, tel qu’il a émergé en Europe, et précise le substrat juridique sur lequel se fondent les entreprises d’ESS en France depuis le XIXème siècle.

Après un bref rappel du poids économique de l’ESS (7), le projet fait expressément référence aux principes contenus dans la Charte d’économie sociale de 1980 et la Charte européenne de l’Economie sociale.

Une porte est ainsi laissée ouverte à toutes les entreprises qui intrinsèquement respecteraient ces principes (articles 3, 5 et 6).

Par ESS, on entend donc « l’ensemble des activités économiques et d’entreprises menées à bien par des personnes morales de droit privé qui, conformément aux principes repris dans l’article 4, recherchent soit l’intérêt collectif de ses membres, soit l’intérêt général économique et social, soit les deux ».

Ces principes sont pour l’essentiel « la primauté de la personne et de l’objet social sur le capital », « l’adhésion volontaire et ouverte », le contrôle démocratique des membres, « le but non lucratif » (entendu au sens de la propriété impartageable des bénéfices et du patrimoine de la personne morale), ainsi que la promotion par l’entreprise d’un certain nombre de valeurs largement partagées au sein de notre société (non discrimination, parité homme-femme, cohésion sociale et solidarité intergénérationnelle…).

L’article 7 pose les bases d’une représentation des entreprises de l’ESS. La promotion et le développement des entreprises d’ESS seraient érigés en « activité d’intérêt général » (art.8).

L’Etat, à travers une Délégation interministérielle à l’ESS, s’engagerait à mettre concrètement en œuvre les engagements négociés avec les instances représentatives de l’ESS (exemple : ceux décrits dans la Charte d’engagements réciproques Etat – Associations signée en juillet 2001).

Un véritable « droit au financement public » des initiatives portées par les entreprises d’ESS pourrait ainsi être mis en œuvre (8).

Cela concerne au premier chef les missions d’intérêt général ou d’utilité sociale réalisées conformément au cadre contractuel négocié (9). La méthode de « co-construction » de l’utilité sociale doit ainsi être utilement articulée entre les différentes parties prenantes au projet (Entreprise d’ESS, collectivités publiques ou/et Etat, instances représentatives d’ESS, partenaires sociaux…).

Une pratique d’évaluation a posteriori (10) débouchant sur le système de labellisation envisagée par M. le député Francis Vercamer pourrait ainsi voir le jour (11). Le but consistant à créer un environnement propice au développement des initiatives d’ESS J. (12) à travers la mise en place d’un cadre juridique (mise en œuvre de procédures de mandatement SIEG ou encore de reconnaissance d’utilité publique…) et fiscal favorable (maintien du statut de non assujettissement aux impôts commerciaux, des exonérations ou franchise fiscale spécifiques en application de l’instr. fisc. BOI 4 H-5-06 du 18 décembre 2006, ou encore de la reconnaissance d’intérêt général ouvrant droit au mécénat en application de la Loi Aillagon du 1er août 2003).

Enfin, les missions du Conseil supérieur de l’ESS devront être renforcées afin de permettre une collaboration régulière avec l’administration générale de l’Etat.

Cet organe de concertation sera en outre chargé de missions spécifiques, telle que notamment celle visant à améliorer le cadre de la comptabilité nationale afin de mieux prendre en compte le poids économique de l’ESS à partir de « facteurs de richesse diversifiés ».

On l’aura compris, ces nouvelles formes d’entreprise doivent devenir une véritable « force de transformation sociale » et « une alternative au système capitaliste libéral » (13).

Il ne reste donc plus qu’à espérer q
ue l’ensemble des forces vives de l’ESS sache rapidement coordonner leurs efforts à l’approche des échéances 2012.

Le CNCRESS, par l’intermédiaire de son Président, a d’ores et déjà déclaré vouloir « s’engager dans la rédaction d’une telle loi en France » (J.-L. Cabrespines, ibidum).

Une déclaration qui semble marquer le début d’un processus collaboratif devant aboutir dans les tous prochains mois.

Colas Amblard Directeur des publications

Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le bulletin actualités des éditions Wolters-Kluwer France (Lamy Associations) n°196 du mois de septembre 2011 : voir en ligne

En savoir plus






Notes:

[1] Loi espagnole du 29 mars 2011, BOE n°76

[2] Source : Panorama de l’ESS en 2010 réalisé par l’Observatoire national de l’Economie sociale du Conseil National des Chambres régionales d’ESS

[3] C. Amblard, L’entreprise associative : guide juridique des activités économiques et commerciales des associations, Ed. Cadre Territorial, 2005

[4] C. Amblard, Activités économiques et commerciales des associations, Lamy Associations, Etude 246

[5] C. Amblard, ESS : pour une loi en France ! Juris Associations, n°444, 15 sept. 2011

[6] J.-L. Cabrespines, ESS : le CNCRESS s’engage donc dans la rédaction d’une loi en France, Juris-associations, n°444, 15 sept. 2011

[7] Panorama de l’ESS en France et dans les régions, 2010, 2ème éd.

[8] C. Amblard, intérêt général, utilité publique ou utilité sociale : quel mode de reconnaissance pour le secteur associatif ?, Recma, 2010, n°315, contribution Colloque ADDES, avril 2009

[9] X. Engels, M. Hély, A. Perrin et H. Trouvé : De l’intérêt généra à l’utilité sociale : la reconfiguration de l’action publique entre l’Etat, associations et participation citoyenne, Ed. L’harmattan, Paris 2006

[10] CEGES, Les plus-values de l’ESS, oct. 2010

[11] F. Vercamer, L’Economie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi, rapport parlementaire, avril 2010

[12] Gadrey, L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale et solidaire, rapport de synthèse pour la DIES et la MIRE, février 2004

[13] Contribution du CNCRESS aux Etats généraux de l’ESS, juin 2011

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