Tout au long du 20ème siècle les associations de la loi du 1er juillet 1901 n’avaient pas d’obligations comptables générales. Le Conseil National de la Comptabilité avait proposé un plan comptable recommandé dès 1985. Mais il faudra attendre le début du 21ème siècle pour qu’une réglementation comptable soit mise en œuvre à partir du 1er janvier 2000 par le règlement du CRC (Comité de la Réglementation Comptable – CRC 99-01). Il s’applique depuis le 1er janvier 2000. Il vient créer un cadre légal de présentation des états financiers qui s’applique obligatoirement aux associations qui sont tenues dès lors qu’elles doivent établir des comptes annuels au sens d’une obligation légale, parce qu’elles reçoivent des subventions ou des dons déductibles de plus de 153.000€ ou qu’elles ont une activité économique et dont les comptes dépassent 2 des 3 seuils prévus par le Code de Commerce (Ressources 3,1 M€ – Bilan 1,55 M€ – 50 salariés en CDI quelle que soit la durée du travail) pour les principaux cas.
Cette obligation ne concerne que les associations importantes, mais les plus petites peuvent bien évidement s’en inspirer (cela est recommandé) pour établir des comptes qui comprennent à côté du bilan (la photographie du patrimoine de l’association à la date de clôture) et du compte de résultat (ou compte de fonctionnement) qui retracera le film des évènements comptables entre le premier et le dernier jour de l’exercice comptable, une annexe simplifiée qui complète les tableaux de synthèse pour bien comprendre les faits caractéristiques de l’exercice, les règles et méthodes comptables et qui détaille les rubriques du bilan et du compte de fonctionnement.
Il faut resituer le cadre de la normalisation comptable, qui s’inscrit désormais dans un cadre européen. C’est à partir de l’idée que la comptabilité est une affaire de société que naît après la seconde guerre mondiale le CNC (Conseil National de la Comptabilité) qui comprend des représentants des « forces vives de la nation » – Pouvoirs publics –administrations – syndicats d’employeurs et de salariés. Aujourd’hui l’’Autorité des normes comptables (ANC) est le principal organisme de normalisation comptable depuis le 1erjanvier 2010. Elle a été créée par l‘ordonnance no 2009-79 du 22 janvier 2009. Il regroupe les compétences qui étaient partagées entre le Conseil national de la comptabilité (CNC) et le Comité de la réglementation comptable (CRC). Notons que le premier avis du CRC après sa création en 1998 (donner un pouvoir réglementaire aux avis du CNC) est le règlement CRC 99-01 – Le plan comptable associatif.
Ce règlement comptable est important car il constitue la source du droit comptable des organismes non marchands. En effet, il s’applique non seulement à certaines associations mais également aux fondations, fonds de dotation, syndicats professionnels de la loi du 21 mars 1884, comités d’entreprises… Il est complété pour ces organismes de dispositions comptables réglementaires spécifiques mais il reste la référence première, le chapeau en quelque sorte du droit comptable du secteur non marchand en France.
La normalisation comptable est un grand progrès pour améliorer les processus de comptabilité nationale. Ainsi les entreprises établissent toutes une liasse fiscale sur un modèle identique, cet imprimé est bien entendu destiné aux administrations fiscales et permet le calcul de l’impôt sur les bénéfices. Mais il est également exploité par les « MACRO-COMPTABLES » de l’INSEE pour les besoins des statistiques de la nation pour la comptabilité nationale (PIB, activité par branche grâce aux codes APE…..). Notons que l’absence de normalisation comptable dans la présentation des comptes des associations déposés au JO fait cruellement défaut à une bonne mesure de la réalité économique des associations. Les statisticiens parlent de brouillard statistique pour le secteur non-marchand en général et pour l’immense secteur associatif en particulier.
En 2016 l’ANC a engagé un processus de réforme du plan comptable associatif. Les points spécifiques du droit comptable associatif concernent :
– la définition et les conditions d’inscription à l’actif,
– les prêts à usage (antérieurement dénommés commodats),
– les donations temporaires d’usufruit,
– les legs et donations,
– les fonds propres,
– les subventions d’investissement,
– les fonds dédiés.
Signalons que l’ANC a publié en 2016 une version consolidée du règlement comptable qui porte le n° 1999-01 et qui regroupe les différents règlements émis depuis le 16 février 1999.
L’ANC travaille actuellement à l’actualisation de CRC 99-01, des conférences techniques et des articles dans des revues spécialisées ont présenté les grandes lignes de ce projet.
Le nouveau règlement comptable ne constituerait pas une révolution. Il devrait préciser et moderniser certaines dispositions spécifiques du droit comptable des associations et autres organismes non marchands (legs, commodat, fons dédiés..). Il est envisagé une publication du nouveau règlement en 2018 et une application à compter du 1erjanvier 2020 avec la possibilité d’une application volontaire début 2019.
Mais un traitement intelligent et original des subventions d’investissement (SI) risquerait de disparaître.
De quoi s’agit-il ? Le projet de règlement abandonnerait les spécificités de traitement des SUBVENTIONS D’INVESTISSEMENT pour les associations et autres OSBL concernés.
Subventions d’investissement
Règles actuelles | Orientations en projet prises par l’ANC |
Le règlement CRC n° 99-01 prévoit des dispositions spécifiques pour : – les subventions d’investissement. Selon le règlement CRC n° 99-01, le traitement comptable des subventions d’investissement est différent selon que le coût du renouvellement des immobilisations financées est ou non supporté par l’entité. |
Suppression d’un focus spécifique sur le traitement comptable des subventions d’investissement dans le futur règlement Suppression des mécanismes comptables liés aux biens non renouvelables ou aux biens renouvelables dans le futur règlement A défaut de spécificités, application des dispositions du PCG pour comptabiliser les subventions de fonctionnement et les subventions d’investissement |
Ce point du projet est négatif et n’améliorera pas la transparence financière des associations.
Le traitement original du CRC 99-01 ne retenait pas le principe du PCG (Plan Comptable Général) de 1982 (amortissement des SI). D’ailleurs ces dispositions relatives aux subventions d’investissement avaient été introduites par l’avis du CNC du 17 juillet 1985 relatif au plan comptable des associations, puis précisées dans l’avis 98-12 du CNC ayant servi de fondement au règlement CRC 99-01.
Comme l’a relaté la REVUE FRANCAISE DE COMPABILITE (RFC – juin 1997 N°290) – Pierre MARCENAC – des exposés sondages avaient été réalisés en amont du CRC 99-01 pour confirmer l’intérêt et le bien-fondé de ce traitement.
Prenons un exemple : Une association reçoit une subvention d’investissement de 10.000€ pour un bien renouvelable par l’association (il est très rare que la convention de financement précise que lorsque le bien sera obsolète, une nouvelle subvention d’investissement sera allouée – le financeur public s’engagerait pour le futur), la bonne gestion doit donc amener l’association à amortir le bien (elle doit équilibrer son compte de résultat), l’amortissement génère la ressource d’autofinancement lui permettant ensuite de renouveler par elle-même le bien. Ainsi la subvention d’investissement est conservée au passif dans les fonds propres et il n’y a aucune raison de la reprendre au compte de résultat.
Le résultat d’une association doit respecter le principe d’image fidèle.
Or la reprise des SI au CR par le 139 au 777 a toujours été considéré comme une pollution du droit comptable par la fiscalité perturbant l’image fidèle du résultat, dans la mesure où cette reprise neutralisait la dotation aux amortissements pour les entités fiscalisées (on ne peut pas obtenir 2 fois un avantage fiscal – L’amortissement déductible fiscalement de l’IS et l’argent public de la SI).
Ce produit (777) non monétaire n’est pas une ressource de l’exercice (d’ailleurs retraité en analyse financière) et ne reflète pas la vérité du résultat.
Le Code de commerce dit bien par ailleurs que les SI font partie des capitaux propres, en effet, l’article R123-190 du code de commerce prévoit :
« Le passif du bilan fait apparaître successivement les rubriques suivantes : les capitaux propres, les autres fonds propres, les provisions, les dettes, les comptes de régularisation et les écarts de conversion.
Les postes du passif distinguent parmi les capitaux propres : le capital, les primes d’émission et primes assimilées, les écarts de réévaluation, le résultat de l’exercice, les subventions d’investissement et les provisions réglementées, ainsi que les réserves en isolant la réserve légale, les réserves statutaires ou contractuelles et les réserves réglementées ».
En droit les SI sont bien des fonds propres, mais c’est bien le PCG – La version applicable au 1er janvier 2018 (reprenant en cela ce qui existe depuis 1982), indique qu’une subvention d’investissement peut être comptabilisée soit en produits, soit en subvention d’investissement, en compte 13. Dans ce second cas, cette subvention sera reprise en résultat au rythme des amortissements pratiqués sur les investissements qu’elle finance.
Mais justement l’intérêt des plans comptables professionnels est de s’adapter aux spécificités des secteurs et des entités.
L’allocation de capital fixe par la SI (la SI est bien un capital fixe) devrait rester en fonds associatifs dans la mesure où cette SI était affectée à un bien renouvelable par l’association.
La belle logique du CRC 99-01 était donc (pour l’association qui recevait une SI qui finançait un bien qu’elle devait par la suite remplacer) une dotation aux amortissements – consommation de capital fixe – qui générait un autofinancement permettant de générer la ressource permettant de remplacer le bien. Une association bien gérée doit équilibrer son CR avec cette dotation pour renouveler le bien.
Dégager un excédent pour financer un investissement peut obérer l’accès à d’autres ressources pour financer de nouveaux investissements ou le renouvellement des existants. La règle des subventions d’investissement affectées à des biens renouvelables (comptes 1026 et 1036) est très très utile aux entités pour les obliger à reconstituer le financement nécessaire au renouvellement des biens acquis en toute ou partie avec ces subventions. La suppression de cette règle spécifique serait une erreur.
Par ailleurs, la subvention d’investissement reçue du financeur public pouvait être assortie d’un droit de reprise (d’où la comptabilisation en 103 – fonds associatifs avec droit de reprise). Ce droit de reprise est mentionné dans la convention signée avec le financeur et n’a pas de lien direct avec la durée d’amortissement du bien. La distinction subvention avec droit de reprise (compte 103) et subvention sans droit de reprise (Compte 102) apporte donc une information sur le montant qui devrait être reversé au financeur par l’association tant que le droit de reprise n’est pas éteint. La reprise systématique des subventions d’investissement au rythme de l’amortissement du bien subventionné va faire disparaître du passif une information essentielle.
Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), instance consultative placée auprès du Premier ministre ne devrait-il pas se saisir de cette question ?
Le HCVA est un outil public au service du monde associatif. Le Haut Conseil est saisi des projets de loi et de décret comportant des dispositions spécifiques relatives au financement, au fonctionnement ou à l’organisation de l’ensemble des associations.
Le Haut Conseil a également pour missions de proposer toutes mesures utiles au développement de la vie associative et de formuler des recommandations en vue d’améliorer la connaissance des réalités du secteur associatif.
L’application des nouvelles règles en projet ne permettrait plus cette logique comptable et financière. La transparence financière risque encore de régresser (si ce projet est validé).
En effet, dans certaines associations (ESSMS), il est présenté un résultat comptable, un résultat administratif, un résultat économique…..il faudra y ajouter un résultat faussé par les SI, les membres des assemblées générales ….se demandaient déjà…mais quel est donc le vrai résultat…la confusion va s’accroître.
Gérard LEJEUNE
EXPERT-COMPTABLE
COMMISSAIRE AUX COMPTES
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